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Valeurs républicaines : "Une partie de la société française se gargarise de sa vertu"
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Cantonales

Paradoxalement, les discours sur les valeurs de la République en sont venus à entretenir un climat malsain pour la République elle même...

Béatrice Durand

Béatrice Durand

Béatrice Durand est enseignante et écrivain.

Elle vit depuis 1990 à Berlin et possède la double nationalité française et allemande.

Elle est notamment l’auteur d’ un essai sur le quotidien allemand, Cousins par alliance. Les Allemands en notre miroir (Autrement, 2002) et, récemment, d’une critique du discours républicain français La Nouvelle Idéologie française (Stock, 2010).

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Une chose étonne beaucoup les observateurs étrangers dans le débat politique français : la récurrence des mots « république » et « républicain » brandis à tout bout de champ et doués manifestement d’une forte charge passionnelle. Dans l’entre-deux-tours des cantonales, on est servi : entre l’appel à la formation d’un « front républicain » et les doctes commentaires pour savoir qui est un républicain authentique et qui ne l’est pas, c’est une véritable inflation, une nouvelle bouffée de logorrhée républicaine.

Le FN s'approprie les valeurs républicaines

Pour ceux qui appellent un tel front de leurs vœux, l’adjectif « républicain » est encore synonyme de vertu : il sert à tracer la « ligne infranchissable » entre l’honorable et un parti – et ses électeurs – qu’on voudrait rejeter dans le champ du déshonneur.

C’est sans compter avec le fait que la référence républicaine a elle-même été annexée par l’extrême droite. La laïcité est menacée par l’Islam et elle la défendra, là où tous les autres partis ont échoué, a dit naguère Marine Le Pen. Elle s’approprie par la même occasion le capital de vertu associé à la république à ses valeurs. Des organisations comme « Riposte laïque » ou le « Bloc identitaire » l’avaient précédée dans ce sens.

D’aucuns s’en sont offusqués : notre beau socle de valeurs communes ! Un parti dans lequel il doit bien rester quelques catholiques intégristes défendant la laïcité, c’est le monde à l’envers, ma bonne dame ! Quel mauvais goût, ces apéros pinard-saucisson !

Certains et certaines s’y seraient même trompé(e)s, dit-on. Des féministes intransigeantes qui voient partout la laïcité et l’égalité des sexes menacées se seraient retrouvées sans comprendre ce qui leur arrivait dans une proximité qu’elles ont récusée ensuite. C’est dire la confusion à laquelle peuvent prêter les « valeurs de la république ».

Laïcité : un débat confus

Marine Le Pen, elle, ne s’y est pas trompée. Elle a très bien vu quel intérêt elle pouvait avoir à emboucher à son tour la trompette républicaine : alimenter les peurs tout en profitant du capital de vertu que le discours républicain traîne après lui.

Elle ne fait que se baisser pour ramasser ce que d’autres ont semé. Le renouveau du discours républicain depuis vingt ou trente ans est le langage apparemment vertueux de la xénophobie et l’islamophobie les plus primaires. Des « Français qui […] veulent que la France reste la France […] que leur mode de vie soit respecté, que la laïcité demeure à la base de notre pacte républicain », un débat qui ne sait même pas s’il porte sur la laïcité ou l’Islam – parce qu’il est clair que l’Islam pose un problème insoluble à la laïcité – voilà pour la collusion du discours républicain avec la xénophobie ces dernières semaines. Mais la chose est aussi bien portée à gauche qu’à droite, au sein de cette gauche et de cette droite que l’on dit « républicaines ».

Quand la République crée un climat malsain

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les « valeurs de la république » sont devenues les maîtres mots d’un discours qui entretient un climat malsain. Toute une société, ses intellectuels, sa droite et sa gauche, travaillent depuis des années à se persuader que les musulmans, leur visibilité et leur communautarisme supposé nous envahissent, que leur seule existence est une atteinte à la laïcité et à l’égalité de sexes. On y travaille en toute bonne conscience et avec le sentiment de sa vertu. C’est peut-être là le pire.

À cette société française qui se gargarise de sa vertu, on a envie de dire deux choses : elle n’a que ce qu’elle mérite et elle ferait bien de changer le disque. Mais quand même, votez bien dimanche, s’il vous reste un peu de vertu vraie, républicaine ou pas !

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