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Cannes 2011 :
quand le cinéma va, rien ne va
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Zone franche

Le cinéma français se porte formidablement bien. Mais on ne le crie pas sur les toits pour ne pas déstabiliser la population avec de bonnes nouvelles.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Dans cette vallée de larmes qu’est notre pays, c’est  surtout l’absence d’une mauvaise nouvelle économique majeure qui surprend lorsqu’on allume sa radio le matin.

Entre les fermetures d’usines et les suicides chez France Telecom (aïe, je ne suis pas 100% certain qu’il soit convenable d’ironiser là-dessus...), on se demande d'ailleurs comment il peut nous rester des ateliers délocalisables et des agents Orange (assez !), depuis le temps…

Ainsi, traditionnellement, l’ouverture du festival de Cannes est l’occasion d’évoquer la terrible crise du cinéma français, la fin du film d’auteur, la hausse scandaleuse du prix du ticket et l'implacable rouleau compresseur hollywoodien. Oui, chaque année, ça ne rate pas, des tribunes aux accents de sonnerie aux morts sont publiées dans Le Monde et Libération (pas dans Le Figaro, qui milite plutôt pour l’hégémonie des navets US) et rappellent à quel point le cancer est métastasé.

C’est bien simple : l’agonie du cinéma français dure depuis si longtemps qu’il n’y a guère que celle de l’Education nationale pour lui faire une concurrence crédible. Le malaise des profs et le malaise des réalisateurs, ça doit être le genre de maladies orphelines sur lesquelles les grands labos pharmaceutiques assoiffés de profits refusent de faire plancher leurs crânes d’œufs.

Industrie du cinéma : tous les indicateurs dans le vert

Pour autant, et même s’il est encore trop tôt pour assurer que les fameuses tribunes ne feront pas leur apparition dans les gazettes avant la remise de la Palme d’or, préemptons sournoisement leurs arguments : le cinéma français se porte comme un charme !

Oui, le cinéma français va tellement bien qu’on se demande s’il ne devrait pas changer de nationalité tant le concept d’une industrie en bonne santé nous est devenu étranger.

Tous les indicateurs sont au beau fixe : la fréquentation d'abord, puisqu’avec 206 millions des spectateurs, les salles n’avaient plus accueilli autant de monde depuis 1967 ; le nombre d’écrans (5 470), qui bat tous les records grâce au développement des multiplexes ; les recettes, tellement abondantes qu’elles approchent du milliard et demi d’euros (hors vidéo, droits télé, etc.) ; la part de marché des films autochtones, l'une des plus élevées au monde à un peu plus de 35% ; le nombre de films produits, qui crève le plafond avec 261 longs métrages

Bref, c’est la fiesta.

C’est tellement la fiesta, d’ailleurs, que Luc Besson est en train de passer la dernière couche de peinture sur sa Cité du Cinéma, un énorme complexe de studios à un jet de pierre du centre de Paris propre à rivaliser avec les grandes structures de Pinewood ou de Cinecittà ― 160 millions d’euros ayant été investis sur une ancienne friche EDF de sept hectares.

C'est sûr, il y aura toujours des esprits chagrins pour expliquer que le succès des films français, c’est surtout du gros comique gras (c’est faux) ; que les multiplexes ne passent que des blockbusters (c’est faux) ; que les cinémas de centre-ville disparaissent (ce n'est plus vrai : ils reviennent) ; qu’aller au cinéma, ça coûte la peau des fesses (en théorie seulement : les cartes d’abonnement  font chuter le prix moyen à 6 euros) ; que les exploitants gagnent leur vie en vendant du popcorn et du Coca (et alors ?)…

Mais les esprits chagrins, c’est un peu leur truc à eux, cette tendance à ne voir que le mauvais côté des choses. C’est même pour ça qu’on les appelle esprits chagrins. Donc, le cinéma français se porte formidablement, Cannes reste le premier festival au monde et en plus, il fait beau. Mais ne le crions pas sur les toits tout de même : un tel bonheur, c'est indécent.

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