Campagne présidentielle : Michel Barnier agace de plus en plus Ursula von der Leyen parce qu’il s’attaque à l'ADN de l'Union européenne<!-- --> | Atlantico.fr
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'entretient avec le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, Michel Barnier, au Parlement européen, le 18 décembre 2019.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'entretient avec le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, Michel Barnier, au Parlement européen, le 18 décembre 2019.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Atlantico Business

Mercredi, Ursula von der Leyen va dresser l’état de l’Union devant le Parlement et ça risque d’être chaud. Parce que depuis que Michel Barnier s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle, il agace fortement la Commission européenne, sa présidente et la majorité du parlement, parce qu’il fait obstacle à beaucoup de leurs propres projets.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La présidente de l’Union européenne est bien décidée, demain mercredi, à mettre les choses au clair. Son bilan est bon et pas question, pour des raisons de « basse politique », de remettre en cause les fondements même de l’Union européenne. Et celui qui est à l’origine de sa colère est Michel Barnier.

Jusqu'à ce qu’il présente sa candidature à la présidence de la République française, Michel Barnier était considéré comme le bon élève de la classe européenne, celui qui avait réussi à sauver l’honneur de l’Union européenne, lui évitant de se fracasser pendant cette trop longue et pénible négociation du Brexit. Alors il n’a évidemment pas réussi à éviter le départ de la Grande Bretagne, mais la discussion des modalités du divorce a fini pas accoucher d’une cohabitation dont le fonctionnement profond ressemblera très fort à ce qu’était la relation précédente d’avant-Brexit. La Grande Bretagne devra assumer les règles du grand marché si elle veut en profiter (et c’est son intérêt), mais sans pouvoir intervenir dans la fabrication de ses règles.

Pour les Européens de la Commission et du Parlement, Michel Barnier a fait le job. D’où l'énorme surprise agacée du "tout Bruxelles et Strasbourg" réunis, quand ils constatent que le discours et les projets qu’il développe pendant cette campagne présidentielle ne vont pas dans le même sens, s’attaquant même à l’ADN de l’Union européenne. C’est à dire à l’évolution naturelle de l'Union vers plus de fédéralisme, et donc plus de primauté du droit européen sur les droits nationaux.

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Michel Barnier a commencé à appliquer son nouveau logiciel à la politique migratoire, sujet sensible entre tous quand on est en France, et particulièrement en campagne électorale. A partir du moment où l’ensemble de la société française considère qu’il y a trop d’immigrés en situation irrégulière, que la France a sans doute été beaucoup trop laxiste, Michel Barnier suggère qu'il faut reprendre la maitrise des flux, définir des critères d’immigration et mettre en place une politique d’assimilation et d’intégration cohérente avec la sociologie française. Il propose donc un moratoire de deux ans minimum, sur la politique migratoire, deux ans pendant lesquels on arrêtera les flux d’entrée, pour remettre à plat les modalités d’immigration. Mais deux ans pendant lesquels il faudra s’affranchir des règles juridiques européennes et récupérer la primauté des règles et de lois nationales.

Parce qu’actuellement, l’arsenal juridique français est soumis au droit européen. Certains outils que la France pourrait logiquement utiliser sont en risque de nullité par la Cour de justice européenne.

Ce projet-là signifie que Michel Barnier considère qu’il faudrait que les États membres reprennent sur Bruxelles le contrôle d’un certain nombre de dispositifs et de règles pour retrouver des marges de manœuvre nationales et souveraines.  

Vue d’une grande partie des Français qui, tout en étant très européens, considèrent que l’administration de Bruxelles en fait trop, la proposition de Barnier paraît légitime, mais vue des Européens fédéraliste, elle va à l’encontre du sens de l’histoire qu’ils veulent écrire.

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Les projets de Michel Barnier ont été très mal accueillis par les parlementaires européens dont le métier est de fabriquer la loi et d’en contrôler l’application, très mal accueillis par l’administration de Bruxelles qui a pour raison de vivre de rédiger des directives. Quant à la présidente de la Commission, le moins que l’on puisse dire est qu‘elle digère assez mal le projet de Michel Barnier. Non pas parce qu’elle craint qu’il soit un jour à l‘Élysée, mais parce qu’elle pense que ses propos seront repris par une grande partie des personnels politiques européens ; de droite comme de gauche.

Or, pour la présidente de la Commission européenne, vouloir renforcer la souveraineté des États reviendrait à diminuer les pouvoirs des institutions européennes et par conséquent, revenir en arrière par rapport à l’évolution vers plus de fédéralisme.

Michel Barnier va même à l’encontre de la stratégie personnelle d’Ursula von der Leyen. Elle a quitté la vie politique allemande parce que la succession d’Angela Merkel ne lui était pas promise et elle s’est engagée à Bruxelles. Pour beaucoup de responsables allemands, c’était une façon de la mettre sur une voie de garage. Or, dans les faits, la présidente de la Commission européenne va pouvoir présenter un bilan très positif.

L‘affaire du Brexit va se terminer en limitant les dégâts parce que la Grande Bretagne va rester dans le grand marché, aux conditions européennes sans pouvoir intervenir sur ces conditions. Et ceci d’ailleurs, grâce aux compromis négociés par Michel Barnier.

Mais là n’est pas l’essentiel, l’essentiel est qu’elle considère que la crise pandémique a été correctement gérée, tant du point de vie sanitaire que du point de vue économique, monétaire et financier. Et cela au profit de tous les pays membres qui récupèrent une situation normale et correcte. Le désastre annoncé a été évité.

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Elle s’apprête donc à lancer le deuxième acte de son mandat qui va consister à lancer des chantiers de réformes liées aux grandes mutations qui s’imposent à la planète : environnement, climat et écologie, concurrence internationale et digitalisation. L’Europe va avoir besoin d’investissements publics et par conséquent, de financement européen.

Mais pour mener à bout son programme, elle a besoin d’une Union européenne solidaire et solide, qui sache faire taire ses dissensions. Et son avertissement en forme de supplique s’adresse à tous, aux Polonais comme aux Hongrois, aux Allemands dont elle connaît bien l’arrogance, comme aux Italiens et aux Français, dont elle connaît les travers et la désinvolture.

L’ADN de l’Union européenne est posée sur des fondations fédérales. Pas question d’y toucher. Dans ces conditions, on comprend qu’elle vive mal les velléités d’affranchissement déclinées par Michel Barnier. Pas lui, pas maintenant, pas ici.

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