Camp de migrants évacué à Paris : l’hypocrisie, le malaise et l'impuissance montent de concert

Après des semaines de conflit entre Anne Hidalgo et Gérard Collomb, une opération d'évacuation du camp du "Millénaire" a eu lieu dans le XIXème arrondissement de Pairs, pour la 35ème fois en trois ans. 500 personnes seront logées dans des structures d'accueil à Paris, et les autres, dans des structures réparties dans le reste de l'Ile-de-France. Ces solutions sont temporaires, que se passe-t-il ensuite ?

Les migrants sont hébergés dans des structures d'accueil gérées par les associations, de type hôtel.  Ceux qui demandent l'asile peuvent être installés dans des CADA, beaucoup trouvent des solutions individuelles, communautaires, familiales et disparaissent dans la nature. L'Etat est désemparé aujourd'hui. Il ne parvient pas à effectuer des reconduites à la frontière des personnes en situation irrégulière. Le nombre  des reconduites est infime au regard du flux: environ 7000 retours forcés par an. Cet échec de la lutte contre l'immigration illégale tient à de multiples raisons: les juges des libertés qui libèrent des centres de rétention, la difficulté à identifier les pays d'origine des migrants. La confusion entre migrants et réfugiés complique encore les choses. Jusqu'à présent l'octroi de l'asile supposait d'avoir subi des persécutions à titre individuel. Aujourd'hui, le principe de protection et de non renvoi semble s'appliquer du seul fait de provenir des pays à risque  (Soudan, Somalie, Ethiopie).  Bref, pour des raisons à la fois juridiques, politiques médiatiques, le raccompagnement des migrants dans leur pays d'origine est devenu quasiment impossible.

Il faut bien voir la situation d'une partie de l'Afrique et de l'Asie aujourd'hui: le niveau de revenu est de 1 à 100 entre la moyenne européenne et le Niger par exemple. Les jeunes originaires de certains pays d'Afrique ou d'Asie souffrent de désoeuvrement et de taux de chômage astronomiques. Donc l'envie d'Europe est extrêmement forte. Les filières esclavagistes organisent le transfert des migrants par la Méditerranée et accumulent ainsi des fortunes. Il y a en effet beaucoup d'hypocrisie dans tout cela. Les images de milliers de migrants qui sont entrés illégalement, en violation des lois internationales et nationales, et qui se regroupent sur des sites parisiens dans des conditions d'insalubrité épouvantables, sont dévastatrices pour l'opinion publique en donnant une image catastrophique de l'immigration. Certaines associations sont dans leur rôle quand elles viennent au secours de personnes en perdition. Mais il faut bien comprendre que l'on est dans un engrenage sans fin. Compte tenu de la pression migratoire, la prise en charge des migrants dans des sites d'hébergement favorise de nouvelles arrivées. Bien sûr, l'exploitation de ce phénomène à des fins électoralistes est détestable et ne fait qu'envenimer les choses. Tout gouvernement toute majorité seraient confrontés à la même situation ingérable.

Il n'y a aucune raison ni de tolérer ni d'admettre cette impuissance. Elle est désastreuse pour tout le monde, pour les riverains bien sûr qui ne supportent pas cette situation, pour les personnes d'origine immigrée vivant en France car elle attise dangereusement le rejet de l'immigration qui touche déja 60 à 70% des Français selon les sondages. Elle est choquante pour de nombreux Français de toutes origines, de droite comme de gauche, qui ont le sentiment que l'Etat ne maîtrise plus rien et perdent toute confiance en la politique. Le fatalisme ne doit pas être de mise car la situation est extrêmement grave: elle favorise une société fragmentée et dans son ensemble, de plus en plus réservée envers le phénomène migratoire. Il faudrait avoir le courage de repenser en profondeur les politiques migratoires de l'Europe et de la France: effort massif d'aide au développement, ouverture de possibilités d'immigrer légalement pour venir travailler temporairement en Europe en fonction de la situation des marchés du travail, lutte impitoyable contre les passeurs criminels qui font renaître l'esclavage en Europe en déployant les moyens nécessaire en Méditerranée. Ce n'est qu'au prix d'une profonde modification des mentalités – ni angélisme, ni haine – que l'on parviendra à régler ces difficultés. Mais pour l'instant, c'est l'effet inverse qui se produit: de plus en plus d'hypocrisie, de récupérations idéologiques, et de renoncement à chercher des remèdes à cette tragédie.