Budget 2015 : la France n’est pas sortie d’affaire à Bruxelles, voilà les scénarios qui l’attendent<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Allemagne veut que les autorités européennes renforcent leur contrôle sur les États qui ne respectent pas les règles du jeu budgétaire.
L'Allemagne veut que les autorités européennes renforcent leur contrôle sur les États qui ne respectent pas les règles du jeu budgétaire.
©Reuters

Synopsis

L'Allemagne veut que les autorités européennes renforcent leur contrôle sur les États qui ne respectent pas les règles du jeu budgétaire et elle l’a signifié à Pierre Moscovici, sans nommer personne. De son côté, Bruxelles estime que l’évolution de l’activité économique en France pour l’année 2015 est beaucoup moins rose que celle présentée par le gouvernement.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : La Commission européenne a annoncé mardi dernier qu'elle validait la copie de la France. Elle a toutefois précisé qu'elle pourrait demander des "mesures supplémentaires". Jyrki Katainen, Vice Président de la Commission en charge des Emplois, de la Croissance, des Investissements et de la Compétitivité, a notamment précisé que "tous les projets de budget ne seront pas nécessairement jugés en totale conformité avec le Pacte de stabilité et de croissance". Si le gouvernement français affiche une pleine satisfaction, à quoi peut-on en réalité s'attendre ? Bruxelles peut-il demander plus d'économies à la France ?

Jean-Yves Archer : Effectivement la Commission européenne a considéré que, compte-tenu des éléments de conjoncture auxquels notre pays doit faire face, le PLF 2015 était acceptable sous réserve de l'améliorer de près de 4 milliards : 3,6 mds pour être précis. Il n'y a donc pas eu imprimatur de Bruxelles mais obligation de ratures pour Paris.

Sur un plan juridique, notre pays est tenu par le règle du déficit plafonné à 3%. Une lecture exégétique stricte des Traités impose donc à l'Union de contraindre la France à des efforts substantiels additionnels. Rappelons que le PLF 2015 prévoit un déficit de 4,3% soit 1,3% de delta en trop soit près de 26 milliards (puisque le PIB 2014 est attendu à 2023 milliards d'euros).

Mais du juridique inflexible digne d'un " jugulaire, jugulaire " à la réalité, il y aura un fossé que chacun perçoit. Nous avons un risque que Bruxelles rechigne à nouveau à hauteur de quelques milliards, mais il y a désormais une question de procédure constitutionnelle. En effet, comment imaginer la Commission formuler des exigences supplémentaires alors que le budget aurait été adopté par les deux chambres du Parlement ?

La France va-t-elle de nouveau jouer le timing ? A la fois la stratégie de la souveraineté du budget national, tout en satisfaisant in fine aux exigences européennes ?

Au risque de vous répondre un peu brièvement, je relève que la France ne cesse de " jouer le timing " plutôt que d'engager des réformes dites structurelles. Le retour en arrière sur le jour de carence (qui avait été accepté par les parties prenantes à ce délicat dossier) est un exemple de surcharge pondérale de notre dépense publique qui pouvait être évité.

Je ne reprends pas tout à fait - mais je sais l'avoir entendu - la théorie de la " souveraineté du budget national ". Je préfère m'accrocher solidement au concept de signature du pays et de sa capacité à honorer les Traités ratifiés. Ce ne sont pas des exigences européennes, ce sont des exigences issues de nos engagements internationaux que le gouvernement est en devoir de respecter et d'honorer par tous les moyens appropriés.

François Hollande allègue sur la scène européenne de l'impossibilité pour la France d'aller trop loin dans les réformes au risque d'ouvrir un boulevard électoral au Front national pour 2017. Partenaire avec qui il serait plus difficile de composer pour Bruxelles... Les marges de manœuvre de François Hollande sur le plan national sont-elles trop réduites ? Peut-il de nouveau réformer sans sacrifier le peu de sa cote de popularité restante ? Celle-ci sera-t-elle un frein à la réforme et à l'action ?

S'agissant du Front national et du Rassemblement Bleu Marine, c'est la crise qui lui offre un boulevard et concomitamment les réponses à géométrie variable de la classe politique dont le discrédit de la parole est inquiétant. Madame Le Pen est comme assise au pied d'un pommier dont les fruits trop mûrs (Cahuzac, Lavrilleux, Thévenoud, et je vous en épargne) tombent les uns après les autres et font grossir l'essaim du populisme.

Votre question sous-entend une élection possible du RBM en 2017, ce que Jacques Attali lui-même n'écarte plus. Dès lors, si ceci devait se produire, il est avéré que la France quitterait l'Union, donc la question des relations avec Bruxelles appartiendrait à un passé tout comme le rêve européen que je continue de chérir à titre d'économiste indépendant et de citoyen.

Au plan intérieur, il aurait fallu deux ou trois rapports Gallois en 2012 et 2013 et gouverner par ordonnances. Au lieu de cela, un Pacte de responsabilité annoncé au pays le 31 décembre 2013 et confirmé avec solennité le 14 janvier 2014 en conférence de presse n'est toujours pas pleinement mis en œuvre. Objectivement, nous sommes dans une crise plus grave que celle de 1929 et certains cultivent, autour de l'exécutif et du décideur public ultime, la palabre. Incompréhensible.

La cote de popularité n'est qu'un reflet digne du mythe de la caverne de Platon : elle ne donne pas l'étiologie de notre dure situation.

Dans le pire des scénarios, que pourrait-il concrètement se passer ? Le gouvernement satisferait-il aux exigences bruxelloises ou s'exposerait-il à une amende ? Quelles en seraient les répercussions en France ? 

Tout d'abord, la fin graduelle de la politique monétaire accommodante aux Etats-Unis va relancer à la hausse les taux obligataires. Donc, d'ici un an, notre charge de la dette sera alourdie de plusieurs milliards. Surtout si nous sommes rattrapés par une spéculation spécifique du fait du hiatus entre notre trajectoire des finances publiques (déficit à 3,8% en 2016 contre 4,6% selon Bruxelles soit plus de 20 milliards d'écart) et la réalité. Les chiffres aiment la rectitude pas les méandres de la Seine...

Puis, le HCFP (Haut conseil des finances publiques) a considéré la prévision de croissance à 1% du PLF 2015 comme " optimiste " : le consensus se situe entre entre 0,6 et 0,7%. Ceci va se traduire par un alourdissement du déficit budgétaire exécuté ( 94 mds ?) par rapport au déficit voté (87 mds). D'où un collectif budgétaire avant l'été qui sera rude. C'est à cette date que les autorités de l'Union pourront évaluer le décrochage de notre pays et prendre des mesures : soit d'expression d'exigences, soit de procédures de mise à l'amende.

Entre les variations haussières de taux, les moindres rentrées fiscales du fait de l'atonie de l'activité, la prévision de croissance détachée du réel, la dynamique interne aux budgets sociaux, ce sont près de 15 voire 20 milliards qui pourraient constituer notre impasse budgétaire. Oui, je ne conçois pas 2015 en ligne avec le PLF présenté aux parlementaires qui sont ainsi abusés.

Et en Europe ? La France pourrait-elle se retrouver bouder par ses partenaires européens ? Ou au contraire, le tout puissant intergouvernementalisme et la réforme de la majorité qualifiée assurent-ils la part belle à la France ?

Nos partenaires européens connaissent notre légitime penchant pour l'égalité, penchant hérité du siècle des Lumières. Dès lors, ils ne manquent pas d'être étonnés par ce grand pays européen qui s'exonère de ses obligations et qui fait peu de réformes de fond.

La France leur semble anxiogène. Loin de me ranger parmi les cohortes de déclinologues, je veux croire à un sursaut ( "Le sursaut " titre d'un livre de l'ancien président de L'Oréal François Dalle et Jean Bounine, 1994 ) et à une prise de conscience des leaders qui ont pour mission publique ou privée de conduire le pays. La majorité qualifiée est un artiofice de procédure qui volera en éclats si l'Allemagne et d'autres pays nordiques en ont assez que le pays de Clémenceau soit pour une trop longue période l'homme malade de l'Europe.

Propos recueillis parFranck Michel / sur Twitter

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