Brouillard cérébral : l’un des effets secondaires les plus courants des Covid longs est aussi l’un des moins bien compris <!-- --> | Atlantico.fr
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Existe-t-il un moyen de lutter contre le "brouillard neuronal" ?
Existe-t-il un moyen de lutter contre le "brouillard neuronal" ?
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Symptômes

Parmi les symptômes liés à la Covid-19, certains patients font état d’un brouillard cérébral persistant. Ces troubles neurologiques peuvent durer des semaines, des mois, voire des années.

Idris Guessous

Le Professeur Idris Guessous, Médecin-Chef du Service de médecine de premier recours (SMPR) aux HUG, a participé à la gestion de la pandémie de COVID-19 sur le canton de Genève. Il est membre du comité de direction de la Société suisse de médecine interne générale.

En réponse à la pandémie de COVID-19, le Professeur Idris Guessous a su proposer une adaptation réactive du SMPR par exemple en mettant en place le dispositif COVICARE qui permet un suivi des patients sur le plan clinique et psychosocial et dont les protocoles et processus ont été partagés au niveau international.

En plus de ses activités cliniques et d’enseignements le Professeur Guessous maintient ses activités de recherches et est co-investigateur des études de séroprévalence menées par l’UEP du SMPR. Il est l’investigateur principal de plusieurs autres études populationnelles nationales et internationales dont les domaines de recherche concernent principalement le rôle des facteurs environnementaux et contextuels sur l’état de santé, sujet qu’il a mis en lien à la pandémie en proposant une analyse géographique et socioéconomique du COVID-19

Enfin, il est l’investigateur principal de l’étude @tchoum, un outil de veille épidémiologique utilisé pour surveiller la pandémie de COVID-19 et dont le but est de détecter de façon précoce les clusters de COVID-19 grâce à la participation citoyenne.

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Atlantico : Alors que l’on découvre de plus en plus les effets du Covid long, le “brouillard neuronal” semble encore rester relativement mystérieux. Que savons-nous à ce sujet ?

Idris Guessous : Nous en sommes toujours au stade d’hypothèses sur des phénomènes se passant dans le cerveau. Soit une atteinte directe des tissus cérébraux, soit des dépôts dans ces mêmes tissus.  La première piste a longtemps imaginé qu’il y avait des troubles au niveau des petits vaisseaux, les cellules endothéliales. Un récent papier publié dans Cell fait état d’une autre explication. Celle-ci met en évidence, chez des animaux infectés par Sars-Cov-2, des dysfonctionnements entre neurones : des connexions ou activités neuronales sont perturbées. La deuxième grande piste, celle des dépôts, repose sur l’hypothèse qu’une protéine serait surproduite et se déposerait sur les tissus du cerveau. C’est sur cette piste que notre essai clinique porte.

A quel point est-il prégnant dans les cas de Covid long ?

Il y a eu des vagues différentes de la phase aiguë du Covid et à ces différentes vagues correspondent différents types de Covid longs. Les premiers variants ont créé des malades avec des problèmes respiratoires, mais ils ont récupéré au niveau respiratoire et désormais, pour ceux qui ont des séquelles, ce sont des troubles cognitifs dans presque un cas sur deux. Ce brain fog, est une difficulté à se concentrer, à effectuer des tâches, à se souvenir de certaines choses, c’est comme une fatigue intellectuelle qui ne passe pas. Cela complique l’accomplissement de petites choses du quotidien.

C’est maintenant l’une des plaintes principales des victimes de la première et deuxième vague. Les vagues suivantes, avec Omicron, plus proches d’infections respiratoires classiques, avec moins de pertes de goût et d’odorat, sont moins concernées par ces séquelles cognitives. Peut être que l’agueusie et l’anosmie laissaient présager de ces séquelles cognitives du Covid long.

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Pourquoi avons-nous du mal à comprendre la manière dont fonctionne le brouillard neuronal ?

D’abord car le cerveau demeure un organe que l’on comprend mal. II y a des investissements énormes pour le comprendre de manière général mais on ne sait pas tout. La concentration, c’est très abstrait. On va pouvoir identifier une tumeur, mais quelque chose de plus subtil comme le Covid long, c’est plus délicat. Et le Covid long lui-même est encore un peu mystérieux, nous ne sommes toujours pas parfaitement au clair sur les raisons qui expliquent les séquelles respiratoires – syndrome d’hyperventilation, etc.

Si on le compare aux autres effets secondaires, se développe-t-il rapidement ?

On s’aperçoit des troubles cognitifs quand les autres symptômes s’estompent alors qu’on le cherche dès le début. C’est peut-être parce que l’on cherche d’abord à régler les troubles respiratoires ou cardiaques, ou des troubles du sommeil, en premier, en se disant qu'ils contribuent au sentiment de brouillard. 

Toutes les classes d’âge sont-elles indifféremment touchées ?

Il serait imprudent de répondre de manière tranchée, mais cela semble être majoritairement les 40-60 ans, qui sont la classe d’âge avec le plus de syndromes persistants de manière générale avec le Covid long.

Un article du The Telegraph souligne que les femmes sont davantage touchées que les hommes par le "brouillard neuronal". Est-ce vrai ?

Le Covid long est plus fréquent chez les femmes donc le brain fog l’est aussi logiquement. Cela renforce aussi la piste d’une dérégulation auto-immune qui est généralement plus fréquente chez les femmes.

Les troubles sont-ils réversibles ?

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Nous n’avons pas assez de recul pour le dire. Nous partons du principe que ces troubles sont réversibles. En général, on récupère, comme pour les autres symptômes longs. Et pour ceux pour qui la situation persiste, on a l’espoir de trouver de nouvelles thérapies qui sont en cours d’évaluation.

Existe-t-il un moyen de lutter contre le "brouillard neuronal" ?

Plusieurs choses sont testées : l’activité physique, en plein air, l’aérobic, qui peuvent faire du bien mais peuvent être délétères pour les patients Covid long qui souffrent d’épuisement. Quelques pistes évoquent aussi l’idée d'entraîner son cerveau à réfléchir, à le reconditionner pour qu’il retrouve ses capacités et entraîner une réhabilitation. Il y a également quelques pistes alimentaires également. Il parait sain d’éviter les toxines (alcool, tabac, etc.). 

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