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Brignoles : plus que l'abstention, c’est la défiance des Français vis-à-vis de leur classe politique qui propulse le Front national
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Éditorial

Le Front national est arrivé largement en tête du premier tour de l'élection cantonale partielle de Brignoles, dans le Var. Son candidat Laurent Lopez a obtenu 40,4 % des voix, devant la candidate UMP Catherine Delzers.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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C’est un fait non discutable : le premier tour de l’élection cantonale de Brignoles le week-end dernier montre que ce n’est pas le vote pour le Front national qui augmente de façon faramineuse dans ce canton, mais bel et bien celui pour les partis politiques traditionnels qui s’effondre.

Avec plus de 40% des bulletins de vote, soit deux fois plus que pour l’UMP et très loin devant ceux réunis par les candidats de gauche, le candidat du FN Laurent Lopez apparaît comme un nouveau champion des urnes. Pourtant, si en lieu et place des pourcentages on observe le nombre de voix en valeur absolue, la progression du parti d’extrême-droite n’a rien de fulgurant. L’abstention grimpe en flèche. Moins d’un électeur sur trois s’est déplacé pour voter.

Pour autant, se servir du taux d’abstention pour expliquer et justifier les succès du FN, comme le fait le premier secrétaire du Parti socialiste Harlem Désir, est largement insuffisant. De la même façon, Jean-Luc Mélenchon constate sur France Inter que "ceux qui votaient à gauche ne vont pas voter" et accuse François Hollande d’être "le principal pourvoyeur des voix du FN", sans s’interroger une seconde sur la raison pour laquelle ces électeurs de gauche ne veulent pas plus voter pour le Front de gauche (c’est un communiste qui représentait la gauche à Brignoles) que pour le PS.

Pendant ce temps-là à droite, le député UMP Bruno Lemaire reconnaît la victoire de l’abstention, quand son parti préfère se concentrer sur l’effondrement de la gauche ( le choix de la position à adopter face au Front national continue pour l’UMP de dépendre plus des expériences de laboratoires que sont les scrutins partiels – Combien on a à gagner ? Combien on a à perdre ? - que d’une réelle conviction ou d’une ligne politique claire). Mais là encore, l’explication est un peu courte.

Notons au passage qu’il est surprenant de ne pas entendre davantage tous ces responsables politiques proposer une loi qui reconnaîtrait au vote blanc une réelle valeur et permettrait ainsi aux citoyens qui souhaitent exprimer qu’aucune des propositions politiques qui leur sont faites ne leur convient de le faire, sans se résigner à l’abstention…

Mais en attendant cet important et légitime débat, les responsables politiques lisent-ils les sondages d’opinion et – bien plus grave encore – entendent-ils et écoutent-ils leurs concitoyens ? Se rendent-ils compte que pour de très nombreux Français, voter Front national n’a plus du tout la même portée symbolique qu’il y a encore dix ans ? Marine Le Pen est en train de banaliser l’image de sa formation politique à grande vitesse. Sa récente menace d’attaquer pour diffamation celles et ceux qui qualifieraient le Front national de parti "d’extrême-droite" n’est que la dernière pierre à cet édifice d’honorabilité qu’elle construit. Bien sûr, le FN a toujours été et reste évidemment un parti d’extrême-droite, mais ce n’est absolument plus le cas de ses électeurs.

Cet aveuglement des politiques n’est qu’un exemple supplémentaire des raisons - parmi toutes ces analyses erronées, ces décisions déconnectées de la réalité, ces dénis de l’évidence -  qui sont à l’origine de la profonde crise de confiance des Français vis-à-vis de leur classe politique. Les études successives menées par les universitaires de l’European Social Survey montrent qu’avec à peine 12% de citoyens qui font confiance dans leurs partis politiques, la France est presque la lanterne rouge dans ce domaine en Europe (seul le Portugal fait pire).

Les Français veulent de moins en moins d’une politique telle qu’elle est pratiquée actuellement. Si les partis politiques se donnent pour objectif de ne pas laisser un boulevard vide au Front national, il leur faut très vite se remettre en cause et faire preuve d’imagination. Jusqu’à présent, ils nous ont démontré qu’ils en étaient totalement incapables.

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