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Blocage des loyers 
à la relocation : beaucoup de bruit 
pour peu d'effets concrets
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Logement

La ministre du Logement, Cécile Duflot, a déclaré vouloir bloquer par décret les loyers à la relocation. Une mesure qui ne semble représenter ni la catastrophe redoutée par certains ni le grand soir social espéré par d'autres sur le front du logement.

Bruno Lefebvre

Bruno Lefebvre

Bruno Lefebvre est maître de Conférences en Sciences économiques à l'Université Paris Ouest Nanterre la défense.

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L’annonce faite par Cécile Duflot, d’un décret à paraître en juillet relatif à « un blocage des loyers à la relocation» dans les zones où ceux-ci connaîtraient une évolution « anormale » semble, au regard des réactions sur Internet,  avoir jeté l’émoi dans le petit monde des professionnels de l’immobilier  et suscité de vives critiques dans le monde politique à une semaine des élections législatives.

De quoi s’agit-il ?

Dans l’attente d’une nouvelle loi relative aux rapports bailleurs – locataires, le gouvernement veut utiliser une disposition prévue par l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Cet article stipule que : « Dans la zone géographique où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d'évolution des loyers  … » Les loyers concernés sont d’une part les loyers fixés lors d’une première location, ou d’une nouvelle location et d’autre part les loyers fixés lors du renouvellement des baux.

De 1989 à aujourd’hui, les gouvernements successifs ont utilisé cette disposition pour réguler le marché locatif en Région Parisienne, certes avec des incohérences. Ainsi c’est le gouvernement « Jospin » qui par le décret du 29 août 1997 supprime la régulation des loyers à appliquer lors d’une première location ou d’une relocation. Mais ceux qui aujourd’hui s’insurgent contre un retour à cette régulation, sont ceux qui ont maintenu la régulation des loyers lors des renouvellements des baux.  

Regardons les faits.

Premièrement, la hausse moyenne des loyers à la relocation est bien plus élevée que celle qui intervient au moment du renouvellement des baux ou en cours de bail. Dans ces deux dernières situations, le rythme d’évolution est proche du rythme d’évolution de l’Indice de référence des Loyers. Deuxièmement cette hausse moyenne des loyers à la relocation, sauf à la fin des années 1990 et au début des années 2000, est bien plus forte dans la Capitale qu’en Province. De plus, alors que nous avons une décélération forte en province depuis 2005, à Paris après une brève décélération, le rythme de croissance a de nouveau augmenté en 2007 et 2008 et demeure à un niveau élevé. Ce sont ces évolutions qui avec leurs conséquences sur les mobilités résidentielles des ménages et ce que montrent des études récentes sur leur mobilité professionnelle, justifient pour le nouveau gouvernement la mesure envisagée.

Pour autant, cette mesure de régulation des loyers à la relocation est-elle pertinente ?

D’un côté, ses détracteurs ont recours aux arguments habituels selon lesquels une telle mesure en affectant le rendement des placements immobiliers va dissuader les investisseurs. L’offre de logements locatifs va tendre à se réduire et les ménages rencontreront des difficultés accrues pour se loger. Un tel raisonnement fait l’impasse sur plusieurs facteurs.

Les marchés du logement ne fonctionnent pas selon les principes traditionnels de la concurrence. Il ne suffit pas d’accroître l’offre face à un excès de demande pour que le marché converge vers un équilibre.

La question du rendement des placements immobiliers ne peut être posée que dans le cadre d’un arbitrage entre divers placements, arbitrage qui repose certes sur celui-ci mais également sur le risque. Et par les temps qui courent …

A paris, comme dans quelques grandes agglomérations, la question de l’accroissement de l’offre de logements renvoie à deux autres questions : celle des disponibilités foncières, et celle du coefficient d’occupation du sol. Dans la situation actuelle, au regard de celles-ci, au moins à Paris, les possibilités d’accroître l’offre sont plus que limitées.

De l’autre côté, ses défenseurs plaident contre l’exclusion des populations les moins favorisées du centre des grandes villes et en particulier de leur exclusion du centre de Paris. La mesure envisagée n’a pas d’effet sur le niveau des loyers. Elle aura simplement pour effet de limiter les hausses futures des loyers à la relocation. Conséquences, seuls les ménages à très hauts revenus pourront continuer à accéder à ces logements.

En conclusion, beaucoup de bruit pour rien. Une mesure qui n’aura aucun effet sur l’accès au logement au centre des grandes agglomérations et à Paris des « classes moyennes » et des catégories sociales les moins favorisées et qui n’aura pas non plus les effets catastrophiques racontés par ses détracteurs.

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