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La police scientifique travaille sur les lieux d'une fusillade mortelle près du corps d'Antoine Quilichini, alias Tony le boucher, à l'extérieur de l'aéroport de Bastia, le 5 décembre 2017.
La police scientifique travaille sur les lieux d'une fusillade mortelle près du corps d'Antoine Quilichini, alias Tony le boucher, à l'extérieur de l'aéroport de Bastia, le 5 décembre 2017.
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Insécurité et délinquance

Après les milices « citoyennes » à Nantes, l’homme lynché près de Nice car soupçonné d’être un cambrioleur, c’est la communauté maghrébine qui s’est lancée dans une opération punitive contre un quartier gitan de Montpellier après la mort tragique d’un adolescent lors de la soirée du match France Maroc.

Gérald Pandelon

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Après les milices « citoyennes » à Nantes, l’homme lynché près de Nice car soupçonné d’être un cambrioleur, c’est la communauté maghrébine qui s’est lancée dans une opération punitive contre un quartier gitan de Montpellier après la mort tragique d’un adolescent lors de la soirée du match France Maroc. Assistons-nous à une recrudescence des phénomènes de vendetta ?

Gérald Pandelon : Le phénomène de Vendetta substitue la vengeance privée à la réparation par l'Etat qui est est celle de nos sociétés démocratiques essentiellement pénétrées par le droit. il s'agit d'une coutume d'origine corse, par laquelle les membres de deux familles ennemies poursuivent une vengeance réciproque jusqu'au crime ; elle désigne notamment dans les sociétés claniques de la région méditerranéenne la vengeance d'un meurtre ou d'une simple offense qui implique, par une solidarité mécanique au sens où l'entendait le sociologue français Emile Durkheim, une obligation de solidarité des parents et alliés jusqu'à un certain de gré de parenté ou d'alliance. Le phénomène est surtout inséparable de la défiance envers les institutions considérées comme incapables de préserver l'ordre et la sécurité. Les concepts de libre arbitre ou de liberté individuelle apparaissent en pareilles circonstances comme dénués de sens, car il apparaît antinomique pour un de ses membres de se prévaloir d'une quelconque autonomie alors qu'il ne doit obéir qu'aux injonctions du groupe auquel il appartient.  

A quoi cela est-il dû ?

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Le père franciscain Alphonse Duval, administrateur de la paroisse d'Ocana, village de la région d'Ajaccio, de 1942 à 1945, livre son analyse d'historien : le Corse, écrit-il, est vif, nerveux, irritable, parfois violent. Donc il est moins capable de réfréner les impulsions qui l'envahissent. Ainsi, la nature corse est un terrain propice à la vendetta. Pour preuve : jamais il n'y eut de vendetta dans le Cap Corse où habite une communauté paisible de marins et de commerçants. En revanche, dans les pays de Guagno, de Palneca, du Fiumorbu où les habitants sont plus irritables, la Vendetta était plus fréquente. En réalité, c'est la question de l'honneur bafoué qui domine la Vendetta. 

Les vendettas ont toujours existées. Celles que nous observons actuellement sont-elles pires qu’auparavant ou avons-nous simplement oublié ce qu’elles ont été ?

Revenons d'abord à la Corse. Le Corse de jadis se faisait une idée sacrée de l'honneur, une autre religion qu'il plaçait sur le même plan que le culte de Dieu, voire plus haut, ce qui lui faisait oublier le précepte divin : "tu ne tueras pas". Ainsi poussé par son diabolique point d'honneur, le Corse ne pouvait supporter une injure à sa personne ou à sa famille. Un mot qui sonnait mal faisait sortir les stylets et les pistolets. Ainsi la vengeance devenait sacrée ; surtout, la justice était défectueuse. Pendant plus de quatre siècles la Corse était sous la domination génoise. Or, déchirée elle-même par des factions, la Sérénissime république était devenue incapable d'établir une justice exacte sur son proche territoire, à plus forte raison d'établir la paix et la justice dans un pays qu'elle ne cessa jamais d'opprimer. Souvent, les représentants des Génois remplaçaient la loi par le caprice et l'arbitraire, et la justice par la fantaisie. La Vendetta était également soumise à des règles : un véritable conseil de famille était appelé à décider si l'offense reçue pouvait y donner lieu ; puis, la famille de l'offenseur était avertie avec une certaine solennité ; enfin, comme moyen de vengeance, elle excluait le vol. Les « bandits d'honneur », c'est à dire les hommes qui, après la satisfaction d'une vendetta « prenaient le maquis » étaient aidés, nourris et soutenus par le clan pour échapper à la loi. Pour ce qui concerne, ensuite, la question de savoir si le phénomène de Vendetta s'est aujourd'hui aggravé ou non, je considère que ce sont moins les sanctions attachées à la réparation de la faute qui ont évolué (aujourd'hui comme hier l'auteur des faits encourt l'assassinat), que les motifs qui soutiennent le désir de se venger ; autrement dit, si la Vendetta corse était plus individuelle (on se vengeait d'une personne bien particulière ayant attenté à l'honneur d'une famille), aujourd'hui la Vendetta, ou l'une de ses formes, se veut plus collective. Quand, en effet, pour un simple match de foot-ball,  remporté de surcroît puisque l'équipe du Maroc fut victorieuse avant d'être éliminée par la France, une compétition dont j'ai la faiblesse de considérer qu'il s'agit d'un simple sport, des ressortissants français (ou non) d'origine marocaine (ou non car des drapeaux palestinien et algérien étaient exhibés à Paris sur les Champs-Elysées) hurlent, en France, à la vengeance contre la France, comment ne pas y voir une ambition plus collective que simplement clanique ?  

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Les motifs de ces vendettas ont-ils évolué ? 

Si les Corses pouvaient estimer qu'ils ne devenaient au fond que ce qu'ils étaient, puisque la Vendetta était parfaitement intégrée dans les moeurs et cultures de cette île, les français aujourd'hui d'origine extra-communautaire, dans leur soif de se venger de la colonisation ou du Protectorat, semblent dire " nous sommes ce que vous nous avez fait devenir". C'est la question sempiternelle qui est à l'oeuvre : d'où provient ce qui advient ? Je crains également que ces phénomènes se multiplient face à une immigration incontrôlée, revancharde de surcroît de façon majoritaire et non minoritaire. En effet, le leitmotiv de la plupart des commentateurs et journalistes consiste inconditionnellement à considérer qu'il s'agirait d'une minorité de casseurs. Or, à y regarder de près, il ne s'agit pas uniquement de délinquants mais d'individus, français ou non, issus d'une immigration extra-européenne. Pourtant, nous n'avons que très rarement entendus les voix des communautés respectives, marocaine, algérienne, s'indigner ou se désolidariser spontanément face aux agissements de cette minorité agissante. Plus généralement, il aurait été bienvenu de la part de la communauté marocaine de France de s'indigner des agissements effectués en son nom par cette minorité de casseurs qui, elle, ne se cache pas pour revendiquer son appartenance au Maroc et non à la France en se rendant coupable d'infractions pénales. Mais, d'ailleurs, qui a-t-on entendu dans le passé parmi "l'écrasante majorité des musulmans qui n'occasionnent aucun problème en France" (Sic) s'indigner spontanément face aux actes de terrorisme perpétrés depuis de nombreuses années en France ? 

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