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Visite du Pape à Cuba : 
y a-t-il enfin un espoir d’ouverture 
du régime Castro ?
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Benoît XVI en tournée

Quatorze ans après la visite de Jean-Paul II sur l'île des frères Castro, Benoît XVI sera lundi et mardi à Cuba. Réussira-t-il à impulser une amorce de changement démocratique ?

Jacobo Machover

Jacobo Machover

Jacobo Machover est un écrivain cubain exilé en France. Il a publié en 2019 aux éditions Buchet Castel Mon oncle David. D'Auschwitz à Cuba, une famille dans les tourments de l'Histoire. Il est également l'auteur de : La face cachée du Che (Armand Colin), Castro est mort ! Cuba libre !? (Éditions François Bourin) et Cuba de Batista à Castro - Une contre histoire (éditions Buchet - Chastel).

 

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Atlantico : Benoît XVI se rend pour la première de son pontificat en Amérique latine. Après le Mexique, il sera ce lundi à Cuba où vous êtes né. Que peut-on attendre globalement de cette visite ?


Jacobo Machover :La visite à Cuba du pape Benoît XVI ne devrait pas, en principe, provoquer de miracle. Celle de Jean-Paul II, en 1998, il y a déjà quatorze ans, était espérée avec une bien plus grande ferveur. Le pape polonais Karol Wojtyla était celui qui avait grandement aidé à l’effondrement du communisme. Une bonne partie du peuple cubain pensait secrètement qu’il pouvait en finir avec l’un de ses derniers bastions. Ce ne fut pas le cas. Hormis les cris de « Liberté ! » entendus lors de sa messe sur la Place de la Révolution et la libération postérieure de près de deux cents prisonniers (de droit commun et politiques), Fidel Castro et son frère Raúl ont réussi à maintenir le cap jusqu’à présent. Le pape allemand Ratzinger n’a pas la même sensibilité que son prédécesseur et son voyage est surtout un message adressé à ceux qui cherchent une voie susceptible de « dépasser » le système communiste, parfaitement anachronique.



Le passage de Benoît XVI pourrait-il aider la dissidence à se faire entendre ? 


En déclarant dans l’avion qui le menait en Amérique latine, d’abord au Mexique puis à Cuba, que « l’idéologie marxiste comme elle avait été conçue ne répond plus à la réalité » et qu’il fallait « chercher de nouveaux modèles », Benoît XVI donne un coup de pouce moral à la dissidence, en légitimant ses revendications contre le régime castriste, enfermé dans ses vieilles lubies.

Mais, paradoxalement, il permet aussi à Raúl Castro de se prévaloir de ses paroles pour impulser ses « réformes » économiques, de plus en plus éloignées de l’orthodoxie, plus proches d’un « communisme sauvage » à la chinoise ou à la vietnamienne, dont parlait le dissident Guillermo Fariñas. Il est hors de question pour le régime d’accompagner ces réformes d’une quelconque ouverture démocratique. Un groupe d’opposants a d’ailleurs été violemment expulsé il y a une semaine d’une église qu’ils occupaient à La Havane, avec la bénédiction de l’archevêque. Les Dames en blanc, épouses, sœurs et filles des ex-prisonniers politiques du « printemps noir » 2003, ont été elles aussi réprimées sans ménagements. Pas une tête ne doit dépasser. Tel est le credo du régime et, aussi, de la hiérarchie ecclésiastique, qui entend devenir l’interlocuteur privilégié du gouvernement, après la médiation réussie du cardinal Jaime Ortega pour la libération, en 2010, de plus d’une centaine d’opposants emprisonnés.

Le pape Ratzinger, dont l’anticommunisme n’est un mystère pour personne depuis le temps où il dirigeait la Congrégation pour la doctrine de la foi, serait-il plus radical que l’Église cubaine ? Si, lors des messes qu’il officiera à Santiago et à La Havane, on entend à nouveau les cris de « Liberté ! » proférés par une partie de l’assistance, sa visite n’aura pas été tout à fait inutile.


Quels sont les rapports entre l'une des dernières dictatures communistes avec le pape ?


Les frères Castro, éduqués tous deux dans des écoles tenues par les jésuites, ont appris à manier la dialectique propre à ceux-ci. Fidel était parvenu au pouvoir en 1959 en se présentant, une fois descendu de la Sierra Maestra, le refuge de ses guérilleros barbus, comme une espèce de Christ, et en arborant une croix sur sa poitrine.Plus tard, en 1961, il expulsa les prêtres catholiques en direction de l’Espagne. Une fois adopté le marxisme-léninisme comme corps doctrinaire du nouveau régime, être catholique (ou adepte des religions afro-cubaines) devenait un délit. Mais, comme l’écrit le dissident Raúl Rivero, l’expérience d’un demi-siècle de totalitarisme enseigne que « ce qui était interdit peut finir par devenir obligatoire plus tard ». Le castrisme est aujourd’hui à la dérive. Son seul but est de perpétuer au pouvoir la dynastie familiale. Les frères Castro et leurs rejetons brûlent à présent ce qu’ils avaient auparavant adoré. Les voies de ces Seigneurs-là sont impénétrables.


 Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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