Avec le gaz de schiste, la fin du pétrole, c'est pour quand ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La question est de savoir quand le baril recommencera à monter.
La question est de savoir quand le baril recommencera à monter.
©Reuters

40 ans après le premier choc pétrolier

Alors que le monde fête sombrement l'anniversaire du choc de 1973, la pénurie de pétrole pourrait bien être repoussée par l'arrivée du pétrole de schiste comme le révèle une étude récemment publiée par l'Agence internationale de l'énergie. Les réserves mondiales de pétrole auraient ainsi été sous-évaluées de 11% soit 313 milliards de barils.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Atlantico : L'Agence internationale de l'énergie a rehaussé de 11% ses estimations des réserves de pétrole dans le monde, notamment grâce au pétrole de schiste. A quand cela repousserait-il les prévisions de pénurie ?

Florent Detroy : Il n’existe pas de prévision de pénurie fiable, tout est histoire de prix. Avec un baril qui se maintient au dessus des 100$, de nombreux gisements deviennent rentables. A l’inverse, les gisements les plus techniques, comme les sables bitumineux canadiens ou les gisements en "offshore profond" perdent de leur intérêt si les cours plongent. La question est de savoir quand le baril recommencera à monter. Or pour l’instant, l’exploitation de pétrole de schiste a plus eu tendance à calmer les prix du WTI, le contrat sur le pétrole américain. Les prix sont passés sous les 100$ depuis mai dernier, et ne semblent plus enclins à passer au dessus de ce seuil malgré les signes de reprise aux Etats-Unis. Le pétrole de schiste a gonflé les stocks de pétrole US, localisé à Cushing dans l’Oklahoma, ce qui pèse sur les cours. D’ici 2018, les Etats-Unis pourraient produire plus de 11.9 millions de barils par jour, soit davantage que l’Arabie Saoudite ou la Russie. Les prix du WTI pourraient durablement rester sous les 100$. Au niveau mondial, il est encore plus périlleux de prédire un niveau de prix. Il est peu probable que tous les principaux pays cités par l’étude de l'AIE, Russie, Chine, Argentine et Libye, se mettent à exploiter en même temps ces ressources, au risque de faire plonger les prix. D’autant plus que tous les pays n’ont pas la même fiscalité ni le même accès aux techniques de fracturation. Beaucoup d’incertitudes pèsent encore sur ce pétrole, même si les prévisions de l’AIE permettent d’écarter au moins la menace d’un nouveau choc pétrolier. La pénurie adviendra lorsqu’un baril à 200$ n’incitera plus personne à conduire des travaux d’exploration.

Doit-on considérer pour autant qu'il reste toujours des gisements à découvrir ?

Les ressources de pétrole de schiste aux Etats-Unis ont déjà eu un effet majeur, celui de retarder l’exploitation en offshore profond en arctique. Shell a annoncé l’abandon de ses explorations en Alaska en début d’année, du fait d’une explosion des coûts et de la concurrence du pétrole de schiste. L’Arctique abriterait 90 milliards de barils de pétrole selon des études de l’USGS. Cela signifie que des gisements attendent bien d’être exploités, mais qu’ils sont encore trop couteux pour certaines.

Cette réévaluation, et au passage l’arrivée du gaz de schiste, pourrait-elle créer un bouleversement du leadership sur le marché du pétrole ?

Certains analystes s’inquiètent d’une éventuelle surproduction pétrolière du fait de la montée en puissance du pétrole de schiste, d’abord américain. Cette surproduction aurait comme conséquence de faire baisser les prix, et d’affaiblir le rôle de régulateur du marché de l’OPEP. Selon moi la production américaine ne va pas entrer en concurrence avec celle des pays arabes, et au premier rang desquels l’Arabie Saoudite, tour du contrôle du marché. Du moins à court terme. Les pays du Golfe exportent aujourd’hui majoritairement leur pétrole vers les pays asiatiques, et compenseront facilement la réduction des importations américaines. A plus long terme, un rééquilibrage en faveur de Washington pourrait se produire. 

L’Agence Internationale de l’Energie a pronostiqué que les Etats-Unis pourraient devenir exportateurs de pétrole en 2030. Cette stratégie heurterait alors directement les intérêts de l’OPEP. Il reste que les Etats-Unis sont frileux à l’idée d’exporter une matière si stratégique, et prendront toujours en compte les intérêts des conducteurs américains. Toujours à moyen terme, le développement du pétrole de schiste en Chine ou en Russie pourrait effectivement modifier l’équilibre du marché. Mais là encore, il n’est pas dans l’intérêt de ces pays de voir les prix s’effondrer, un minimum de rentabilité étant exigé par les compagnies nationales. Au final, s’il faut se risquer au jeu des pronostiques, je pense que les pays du Golfe garderont la main sur le marché, parce qu’ils détiennent les plus grandes réserves au monde et parce qu’ils en exportent une bonne partie.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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