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Automobile : comment les constructeurs français ont réussi à sortir du marasme pour retrouver des ventes record
©DANIEL ROLAND / AFP

Cocorico !

Selon les dernières statistiques publiées par l’Insee, les ventes de voitures neuves ont pu progresser de près de 40% depuis leur creux de l’année 2013.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Selon les dernières statistiques publiées par l’Insee, les ventes de voitures neuves ont pu progresser de près de 40% depuis leur creux de l’année 2013. Quels sont les constructeurs qui ont pu tirer leur épingle du jeu de cette progression de la demande?

Jean-Pierre Corniou : L’histoire de l’automobile démontre que les périodes de contraction du marché, aussi violente que fut la crise de 2008 à 2010, sont chaque fois suivies d’une reprise tonique du marché. De fait, le marché automobile est très dynamique et retrouve ses chiffres d’avant-crise. Les résultats du mois de juin 2018 n’en demeurent pas moins spectaculaires car avec une croissance de 9,2% par rapport à juin 2017, on atteint des performances remarquables qui, de plus,mettent en valeur  les constructeurs français. Avec la poursuite de ce rythme, après quatre années de croissance, le marché français devrait s’établir pour l’année 2018 à près de 2,2 millions de véhicules vendus.

Ce résultat brillant est d’autant plus intéressant qu’il traduit la résilience du désir d’automobile au moment où la limitation de vitesse à 80 km/h, effective depuis le 1er juillet, a suscité une vigoureuse fronde contre l’anti-automobilisme supposé des pouvoirs publics. Malgré une campagne de critiques très intense, relayée par les réseaux sociaux et grand nombre d’élus, cette mesure, qui concerne près de la moitié du réseau français, n’a pas eu pour effet de dissuader les Français d’acquérir des véhicules modernes. La presse magazine a également publié en juin plusieurs études montrant que la voiture n’avait plus l’attractivité d’hier, notamment auprès des jeunes générations, en raison de son coût de possession élevée et des multiples contraintes d’usage. Mais la hausse du prix du pétrole, et donc du carburant à la pompe, les menaces de sanctions supplémentaires sur la vitesse n’ont pas suffi à ralentir la dynamique du marché. Juin est aussi le mois où a été annoncée la fin d’Autolib, qui avait conduit certains conducteurs urbains à cesser de posséder une voiture en propre, séduits par la mutualisation qu’autorise l’autopartage.

C’est, une fois encore, démontrer par les faits que l’achat d’un véhicule neuf est toujours le résultat de facteurs multiples et contradictoires. De plus le marché de l’automobile n’est pas homogène puisque près de la moitié des décisions d’achat ne résulte pas de décisions de particuliers, mais de gestionnaires de flottes dont les relations avec l’automobile sont beaucoup plus rationnelles et économiques qu’émotionnelles. C’est le climat économique soutenu qui conduit à un rajeunissement du parc des flottes.

Il faut aussi souligner l’excellente tenue du marché de l’occasion qui au premier semestre 2018 est en croissance de 1,5% avec 2,8 millions de véhicules. Mais les véhicules diesel commencent à trouver plus difficilement preneurs. La demande sur le marché de seconde main pour le diesel s’effrite régulièrement ( -5,4 % au premier semestre 2018) mais représente encore 69% des ventes, contre 40% pour le marché du neuf. C’est un effet mécanique de la relation offre/demande, le parc plus ancien étant pour les deux-tiers diésélisé. Ce sont les prix qui subissent donc directement cette désaffection pour le diesel.

Concernant les constructeurs français en particulier, quels ont été les moteurs de la progression de leurs ventes? Peut-on parler d’un renouveau basé aussi bien sur la conjonction offre-demande?

Au moins de juin, Renault progresse de 15% sur la marché français et PSA de 19%, les deux groupes, avec leurs 7 marques, faisant jeu égal avec chacun 77000 véhicules neufs vendus, soit 61,7% du marché. Sur le premier semestre 2018, le marché français, en nombre de jours ouvrés identiques, est en croissance de 5,5% par rapport à 2017. Si les constructeurs français progressent c’est que leur gamme reflète les besoins du marché français qui reste attiré par les véhicules de milieu de gamme. Ces véhicules ne cessent de progresser sur le marché où ils représentent 55% des achats, contre 53% il y a un an et 42% en moyenne de l’Union Européenne.Cette tendance structurelle profite aussi à des groupes étrangers généralistes comme Fiat-Chrysler, qui progresse de 30 % en juin, ou Volkswagen, notamment avec ses marques accessibles comme Seat (+50% en juin) et Skoda (+23%), alors qu’Audi recule de 4,5%, comme BMW (-6,5%) et Daimler (-16,5%). Ce sont en effet les véhicules moyens des constructeurs français qui continuent de tirer le marché. Les SUV continuent leur progression avec 36% des ventes. Clio IV est toujours leader, suivi de Peugeot 208, Peugeot 3008, , Citroën C3, Renault Captur aux cinq premières places. Et parmi les 5 suivants, on trouve 3 véhicules du Groupe Renault, et deux Peugeot. Ce sont tous des véhicules récents, restylés et bien équipés, dont la qualité perçue est désormais au même niveau que leurs concurrents étrangers. Il en est de même pour les véhicules utilitaires légers, à l’exception d’un Fiat parmi les dix premiers. En revanche, les véhicules à motorisation alternative ne décollent pas en ce premier semestre. Les voitures électriques ne représentent que 1,2% du marché et les hybrides 4,4%, dont seulement 0,6% pour les hybrides rechargeables.

Il faut noter que, naguère très solennel et impliquant, l’achat d’un véhicule neuf s’est simplifié avec le recours massif à la LOA (Location avec option d’achat) qui banalise la possession et libère du souci de la revente du véhicule d’occasion et des frais d’entretien courant. On se rapproche d’une valeur nette de possession qui rassure les clients capables d’anticiper et qui,de fait, hésitent moins à changer de véhicule.  La LOA représente, en 2018, 57% des modes de financement de l’achat d’un véhicule neuf. C’est un facteur de renouvellement plus rapide du marché. Les constructeurs ont une offre très active et désormais l’information des clients ne se fait plus sur le prix du neuf, mais sur la valeur du loyer mensuel, moins intimidante.


Quel a été leur succès sur les marchés extérieurs ? Quelle est l’importance du marché national dans leurs ventes, dans quelle mesure la force de ce marché est-il nécessaire à leur développement ? 

Le marché de l’automobile est multi-local. Chaque pays a sa propre logique d’adaptation de son parc qui dépend des conditions économiques locales, mais aussi réglementaires et fiscales. Le marché mondial, en croissance globale, est la somme de ces marchés locaux et les données globales dissimulent des écarts souvent très marqués dans les rythmes d’évolution de chacun des marchés.

Il faut notre que les groupes français ont réussi à s’implanter de façon robuste à l’international. Renault , qui aujourd’hui dispose de cinq marques – Renault, Dacia, Renault Samsung Motors, Lada et Alpine – a fait en 2017 la moitié de ses ventes sur le marché mondial hors Europe. Le groupe Renault  – hors Nissan -  est solidement implanté en Russie et au Brésil, et compte progresser en Inde et en Chine. PSA est plus européen et le rachat d’Opel-Vauxhall, en perte en 2017, a accentué cette dominante, mais dispose d’un implantation historique en Chine qui ne donne pas toutefois les résultats attendus et fait l’objet d’un plan de redressement.

En quelques années, l’automobile française a changé de visage. Désormais mondiale et hissée au même niveau de qualité que ses concurrents, elle est aussi liée à l’essor des marchés nationaux, qui restent, à l’instar de la Russie, volatiles. Sommés de quitter l’Iran les constructeurs français qui y sont fortement présents ont opté pur deux stratégies différente s : PSA a décidé de quitter et Renault d’y rester.

L’industrie française  reste toutefois à l’écart du marché américain, contrairement à ses concurrents allemands, et n’a pas encore une implantation inexpugnable en Chine, qui représente désormais le tiers du marché mondial. La filière automobile  francaise, avec ses grands équipementiers et ses constructeurs, demeure un atout majeur pour l’industrie française.

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