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Aurait-on dû laisser la crise avoir la peau de plus de banques ?
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Au pilori

Trop de banques européennes ont survécu à la crise financière, estime le président de l'Autorité bancaire européenne (ABE), Andrea Enria, dans un entretien au quotidien allemand "Frankfurter Allgemeine Zeitung". Une position lapidaire non dénuée de fondements économiques.

Eric  Lamarque

Eric Lamarque

Eric Lamarque est Professeur à l'Université Paris 1 Sorbonne - IAE et directeur du Master Finance.

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Atlantico : Une quarantaine d’établissements bancaires ont disparus en Europe depuis la crise contre près de 500 aux Etats-Unis, a rappelé le président de l’Autorité bancaire européenne (ABE). Comment expliquer ces différences de traitements sur les deux continents ?

Eric Lamarque : Je trouve les paroles du président de l’EBA pour le moins approximatives et assez provocatrices. La comparaison des Etats – Unis avec l’Europe me paraît difficile à faire compte tenu de la différence de structure des secteurs bancaires dans les deux pays.

Aux USA, il existe de nombreuses banques de toute petite taille à côté des grands acteurs internationaux comme JP Morgan ou Bank of América. Il existe au total autour de 8000 banques avec 75 % des actifs détenus par les dix premières. L’Europe compte un peu plus de 6000 établissements recensés mais ce nombre tombe à un peu plus de 2600 en intégrant les filiales dans les maisons mères. Donc la structure est bien différente.

Ensuite il existe aux USA beaucoup de banques spécialisées sur le crédit à la consommation ou le crédit immobilier et l’on sait que leurs conditions d’octroi de financement ont été beaucoup plus généreuses que chez nous.

Enfin ce sont essentiellement les banques régionales ou locales qui ont fait faillite aux USA alors qu’en Europe ces banques font souvent partie de groupes plus larges qui leur assurent une forme de sécurité.

La volonté des gouvernements européens de maintenir leurs banques en vie à tout prix a-t-elle pu freiner la reprise économique ? Si oui comment ?

Je n’en suis pas convaincu. Le déficit des Etats européens s’est beaucoup plus creusé entre 2008 et 2010 en raison des plans de relance macro économiques qu’en raison du soutien direct aux établissements. En France, les prêts en fonds propres faits par l’Etat ont été remboursés. Il reste en Europe des banques où l’Etat est encore présent mais encore une fois les montants en jeu ne sont pas la principale raison des déficits budgétaires.

Ces interventions étaient-elles souhaitables ? Comment ont-elles été justifiées ?

En 2008, ces interventions étaient souhaitables en Europe. Le principe fondamental reste la sécurité des dépôts et les mécanismes alors en place étaient insuffisants pour assurer une résolution sans panique des éventuelles défaillances. Aux USA, le Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), organisme de garantie des dépôts et de résolution des faillites, a toujours eu les ressources nécessaires pour absorber les chocs. Le nombre important de défauts enregistré entre 2008 et 2011 a donc pu être géré sans avoir recours à une intervention directe de l’Etat.

Paradoxalement, comment un plus grand nombre de défaillances aurait-il pu favoriser la relance et l’assainissement du marché ?

Les défaillances des banques sont principalement dues à des politiques de crédit imprudentes ainsi qu’a une dégradation de la qualité des emprunteurs en raison de conditions économiques défavorables. Organiser la faillite d’établissements mal géré de ce point de vue est donc une bonne chose.

Par contre, il faut bien prendre soin à la préservation des dépôts, d’où la nécessité d’avoir un mécanisme de résolution et de garantie des dépôts. Car, en l’absence de ces garanties, les défaillances de banque aggravent les crises bien plus qu’elles ne favorisent une quelconque relance.

Quel rôle devra jouer l'Union bancaire telle qu'elle est actuellement envisagée dans la restructuration et le démantèlement des banques non viables ?

Il est aujourd’hui essentiel de disposer d’un système proche de celui des USA. En effet, le FDIC est alimenté en fonds par les banques elles-mêmes et les revenus générés par ses propres placement. L’Etat n’est donc pas sollicité tant que l’on assiste pas à une faillite d’un très gros acteur. Mais encore une fois, il faudra un dispositif adapté à la structure du secteur bancaire européen qui reste plus concentré que l’américain.

Les mécanismes de résolution comprennent plusieurs niveaux. Le premier est celui des groupes bancaires eux-mêmes qui sont les premiers responsables de la résolution des problèmes de leurs propres filiales et des entités de leur groupe. Ensuite au niveau de chaque pays, il doit exister un mécanisme de résolution entre banques nationales. C’est l’objet de l’Autorité de Contrôle Prudentiel auquel on vient d’ajouter la mission de résolution des faillites, l’ACPR. Enfin, il reste à structurer le niveau européen pour voir dans quelles conditions il interviendra lorsque les banques du pays concerné ne pourront pas tout assumer. Pour pouvoir arriver à cette structure européenne, il faut que les Etats membres se mettent d’accord sur son financement et les conditions de son intervention. Ce qui suppose une vision partagée des risques auxquels les banques sont réellement exposées. C’est sans doute dans ce contexte que les propos du président de l’EBA ont été tenus, afin de préparer le terrain pour faire passer une conception très dure des principes d’évaluation des risques pouvant mettre en difficulté plusieurs acteurs européens.

Propos recueillis par Pierre Havez

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