Au-delà du projet de réforme des retraites, la colère sociale vise avant tout à déstabiliser Emmanuel Macron<!-- --> | Atlantico.fr
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Le leader de la CGT, Philippe Martinez, discute avec des grévistes à la raffinerie de Gravenchon Port-Jérôme, du groupe Esso-ExxonMobil, à Port-Jérôme, le 12 octobre 2022.
Le leader de la CGT, Philippe Martinez, discute avec des grévistes à la raffinerie de Gravenchon Port-Jérôme, du groupe Esso-ExxonMobil, à Port-Jérôme, le 12 octobre 2022.
©LOU BENOIST / AFP

Atlantico Business

Les milieux d’affaires appréhendent la semaine. La mobilisation sociale et politique leur parait dépasser très largement la question de la réforme des retraites qui, finalement, ne sert qu’à cristalliser des mécontentements si disparates que les syndicats auront beaucoup de mal à canaliser.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que les milieux daffaires pensaient aborder la nouvelle année dans des conditions plus favorables que ce quils pressentaient, ils craignent désormais que lagitation politique et sociale ne dérègle le logiciel de la reprise.

Linflation a tendance à se tasser sur l’énergie et les matières premières, la croissance modeste va nous éviter une récession, lemploi, la consommation et linvestissement, tous les indicateurs sont sortis de la zone rouge… bref, pour les chefs dentreprise, les perspectives ne sont pas euphoriques bien sûr mais très gérables.

Le risque de dérapage, le seul important, est socio-politique dans la mesure où la mobilisation dépasse et de loin la simple question des retraites.

Dans la plupart des comex stratégiques des grandes entreprises et des fédérations professionnelles, on fait une analyse qui sarticule sur trois axes. 

Premier axe: la réforme des retraites nest pas géniale, mais parfaitement gérable. Personne ne le dira publiquement mais dans les bureaux, on considère que le gouvernement a fait le job en ne prenant pas de risques. Tous les patrons que le président de la République a reçu lui ont dailleurs, en privé, tenu le même discours.

« Faites une croix sur la grande réforme systémique, soyez malin, limitez votre ambition à une intention de rétablir l’équilibre ce qui permettra de trouver des financements ». « Lurgence, cest de calmer les marchés financiers et de séduire les agences de notation pour que les taux dintét ne remontent pas trop vite ».

Par conséquent, tous les visiteurs du soir lui avaient donc conseillé de ne pas relever les cotisations pour protéger la compétitivité, et d’être très prudents sur l’âge légal. Prudents aussi sur la durée des carrières de cotisation pour garantir le taux plein, et de permettre les mesures duniversalité, de prise en compte de la pénibilité et des carrières longues.

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Lobjectif est surtout de faire des promesses d’évolution qui ne toucheront que les entrants dans le système et dont les modalités seront discutées par les partenaires sociaux dans les fédérations professionnelles. Le projet présenté par Elisabeth Borne répond a ce cahier des charges. 

Deuxième axe : les partenaires sociaux ont très bien compris qu’ils avaient une occasion de reprendre la main. Leur opposition est plus de principe que réelle. Ils savent parfaitement bien que si la réforme est votée, la mise au point des applications leur reviendra au sein des organisations paritaires. Doù leur unité pour organiser une manifestation qui ne porte pas de projets alternatifs. Les syndicats sont parfaitement satisfaits qu’on ne touche pas au système de répartition et quon essaie au contraire de le sauver. Pourquoi? Parce que dans ce cas, ils retrouvent leur rôle et leur responsabilité de fabriquer du droit social. Donc on soppose et très vite, on se remet au travail. Du côté politique à lextrême gauche comme à l’extrême droite, on nest pas mécontent de laisser à Emmanuel Macron le soin de faire le sale boulot pour sauver le système paritaire et de la répartition. Donc coté politique, on fera de lagitation, on empilera les amendements pour montrer quon travaille, mais dans le fond, il ny aura pas de projet alternatif et cohérent. Le problème est ailleurs.  

Troisième axe : si la situation en reste sur les deux axes principaux: un projet de compromis et des forces sociales encadrées par des syndicats, elle pourrait déboucher sur une évolution qui marquerait un retour au fonctionnement normal dune démocratie. Malheureusement, les préparatifs de la journée de mobilisation donnent loccasion à tous les courants porteurs de réclamations les plus diverses dannoncer leur participation. Dans ce cas, on sera loin dune manif pour les retraites mais plus prêts dun grand défouloir général dont la France a parfois le secret. Depuis la fin des gilets jaunes, la France na pas vécu de grève générale et de manifestations qui aggloméreraient toutes les revendications possibles: social, politique et sociétal. Les Français ont mille raisons différentes de se fâcher et donc de se lâcher dans la rue.

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La journée de jeudi va donc être décisiveet servir de test aux forces de lordre pour savoir sils seront à la hauteur pour manier lhabileté et la fermeté. Servir de test aux syndicats pour savoir sils seront capables de reprendre le mouvement en main, test aussi pour lopposition politique afin de mesurer leur force populaire réelle.

Le risque est donc que ça parte dans tous les sens, que ça dégénère dans la violence etc. Dans ce cas, le seul élément générateur dunité et de colère sera le président Macron et tout le monde sera perdant. La gouvernance, le parlement et bien sur les chefs syndicats sil napportent pas la preuve de redevenir un contrepouvoir désirable, populaire et responsable.

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