Au-delà de la haine de l’Occident, Vladimir Poutine n’a donc pas de modèle alternatif d’organisation<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine est banni des milieux internationaux politiques, économiques et financiers.
Vladimir Poutine est banni des milieux internationaux politiques, économiques et financiers.
©Mikhail Klimentyev / SPUTNIK / AFP

Atlantico Business

Le discours fleuve de Vladimir Poutine est truffé de haine contre l’Occident et ses valeurs mais ne propose aucun modèle alternatif capable de générer de la prospérité économique et sociale qu’il promet pourtant à son peuple.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les milieux daffaires internationaux sont sidérés par le poids de haine, de rancœur, dagressivité véhiculées par Vladimir Poutine. La plupart des analystes savent bien quil parlait dabord à son peuple et à son entourage mais ils cherchent vainement quel est le modèle de société ou dorganisation quil leur propose si les acquis de loccident depuis la chute du mur et leffondrement de lempire soviétique sont aussi néfastes et pervers quil ne le dit. 

Son expression ne laisse aucun doute. Vladimir Poutine est un conservateur, nostalgique de la Grande Russie, celle des tsars et de la période communiste. Il est attaché à lidentité et à lADN russes.

Mais il est persuadé de la décadence de lOccident, de nos mœurs, de notre façon de vivre. Il pense que lEurope est encore plus en risque que le reste du monde parce quelle est sous influence de lAmérique - et de lOtan qui est évidemment son ennemi numéro 1. Il prône donc les valeurs russes, le modèle russe et une voie russe, hérités de lHistoire.Telle est en gros la doctrine qui se veut diamétralement opposée à celle qui prévaut en Occident.

Mais ce qui trouble les observateurs et en particulier les milieux daffaires, cest que lempire soviétique dont il est maladivement nostalgique (leffondrement du mur a été la plus grosse erreur de l’Histoire dit Poutine ) avait été construit sur lidéologie collectiviste. Sur les préceptes révolutionnaires de Karl Marx, Lénine, Trotski puis appliqués et déformés, après la deuxième guerre mondiale, par Staline.

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Doù la guerre froide qui a opposé les deux moitiés de la planète pendant plus dun demi-siècle. Dun côté des grandes démocraties fondées sur le respect de valeurs universelles delibertés individuelles, de respect des droits des contrats, du commerce etc…

Dun autre côté, le bloc communiste construit sur lautorité dune gouvernance centrale sensée représentée le peuple, en lui apportant une satisfaction des besoins grâce au fonctionnement dune économie centralisée.

Ce partage avait le mérite d’être clair, entre deux formes dorganisations inconciliables. 

A la fin du 20e siècle, alors que lOccident s’était installé dans la prospéritéle bloc communiste sest effondré parce quil na pas été capable de répondre aux besoins du peuple. La promesse navait pas été tenue. Le bloc communiste sest converti à l’économie de marché en acceptant de participer au jeu de la concurrence.

Ce qui est incompréhensible aujourdhui, cest que Poutine dénonce toutes les perversions du modèle occidental, y compris les différentes formes de la démocratie, mais pas un mot, pas une idée sur le modèle dorganisation économique. Plus grave encore, il ne comprend pas que loccident, par le régime des sanctions, l’écarte du marché. Mais comment ne pas écarter la Russie du marché international,si la Russie ne respecte pas les règles du jeu du marché - les règles juridiques, commerciales, normatives, fiscales etc. ?

La liberté de faire du commerce suppose le respect des règles et des contrats. Après beaucoup dhésitations, la majorité des entreprises occidentales et des banques préfèrent désormais abandonner des marchés où la sécurité financière nest pas garantie et où les droits les plus élémentaires du respect de la vie ne sont pas respectés.

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Cet abandon a un prix à payer bien sûr, mais actuellement, la plupart des grandes démocraties essaient de sorganiser pour que le boycott du marché russe soit effectif et supportable, ce qui va être compliqué cet hiver avec les pénuries de gaz notamment. Mais lenjeu va bien au-delà dun problème de chauffage dans les foyers occidentaux. 

Alors, le plus étonnant, cest que Vladimir Poutine naccepte pas ces sanctions et il fait semblant de ne pas les comprendre. Et pour cause, ces sanctions le placent devant le mur des réalités. Il a besoin de vendre son énergie et ses matières premières pour payer ses importations de biens industriels, de composants. Son économie est une économie de rente et sa population aspire à une consommation de masse telle qu’on la connait en occident. Vladimir Poutine crie sa haine de loccident alors qu’il en a besoin. Les élites russes habitent Moscou ou St Pétersbourg, mais viennent très souvent à Paris ou à Londres. Il vomit la culture américaine mais il a installé ses enfants dans les plus grandes universités américaines ou britanniques. 

Michel Eltchaninoff, qui est agrégé en philosophie, spécialiste de la pensée russe, a beaucoup travaillé sur lidéologie portée par Poutine (Dans la tête de Poutine, aux éditions actes Sud …) : « Poutine est un héritier du soviétisme. Il a vécu les quarante premières années de son existence enURSS. Il sy est puissamment imprégné de certaines valeurs — patriotisme, militarisme, complexe de supériorité de la grande puissance. En revanche, il semble navoir jamais cru au modèle communiste dune économie d’État ou dune société sans classe. »

Donc il est très ambiguë, il se dit libéral, et même attaché à la liberté à la stabilité mais aussi au prestige.

Michel Eltchaninoff ajoute : « Poutine ne prononce pas exactement les mêmes discours aux Européens et aux représentants des puissances asiatiques, par exemple aux Chinois »... Mais aujourd’hui et cest le moins qu’on puisse dire, ces guerres et toutes ces atrocités, la violation de frontières, la façon de tenir les oligarques et de museler la presse ou linternet et sa conception de la démocratie ou des libertés ont de quoi ébranler les démocrates et les libéraux. Bref, pour les acteurs de marché, les chefs dentreprise, les investisseurs, linacceptable a été franchi.

Quelle que soit lissue de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine est banni des milieux internationaux non seulement politiques (où il na plus de soutien), mais aussi, il est rejeté par les milieux économiques et financiers pour lesquels le problème ça nest pas la Russie, cest Vladimir Poutine lui-même.

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