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Ascoval : y-a-t-il une rationalité économique à vouloir sauver cette entreprise des Hauts de France comme le fait Xavier Bertrand ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Stratégie ?

Xavier Bertrand accuse l'Etat de "préparer l'assassinat" de l'aciérie.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Atlantico : Au travers d'une vidéo publiée sur Twitter, Xavier Bertrand a exposé la situation de l'usine Ascoval - qui emploi 280 personnes - détenue par l'entreprise Vallourec. Alors qu'une offre de reprise aurait été faite, Vallourec refuserait celle-ci. Le sauvetage des emplois recherché par Xavier Bertrand au travers de l'offre de reprise par la société Altifort est-elle une bonne solution ou est-on dans le cas d'une activité n'ayant que peu d'avenir ? 

Loïk Le Floch-Prigent : ’aciérie électrique de Sainte-Saulve qui fait des « Ronds de Coulée Continu «  ou RCC est depuis quelques années une sorte de « mistigri » comme l’a été l’usine de « La souterraine «  dite GMS qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Cette usine appartenant d’abord à Vallourec, a commencé à vaciller lorsque tout le secteur pétrolier a été touché par la chute des prix du pétrole. Les investissements se sont effondrés, et Vallourec, spécialiste international des tubes sans soudure avec 19 000 personnes à travers le monde,  avec près de 4 milliards de chiffre d’affaires, a  dû effectuer des choix à partir de 2007 et les restructurations successives n’ont pas épargné les implantations françaises surtout déficitaires et périphériques. L’hostilité ambiante en France à l’égard du secteur pétrolier n’a pas aidé, il faut en être conscient . En 2015 on commence par supprimer des postes à Sainte-Saulve et en 2016 on passe l’entreprise à Ascométal le spécialiste national des aciers spéciaux (à 60%) . Ascométal , démembrement des aciers vendus par ailleurs à l’Indien Mittal, est une entreprise malade, le monde industriel est ahuri d’apprendre que la solution de reprise de Sainte-Saulve passe Ascométal dont la survie est en question déjà avant de lui donner un boulet supplémentaire. Dès 2017 Ascométal est en règlement judiciaire et sa reprise par Schmolz-Bickenbach exclut comme prévu ce qui est devenu « Ascoval », c’est-à-dire l’unité de Sainte-Saulve. Retour donc dans le giron de Vallourec qui cède un à un ses sites français en difficulté, les deux derniers à Altifort , jeune entreprise bâtie depuis 2014 sur la reprise de cas difficiles. C’est sur cette entreprise que pèse aujourd’hui la possibilité de maintien des emplois de Sainte -Saulve . En posant le problème de cette façon, personne ne peut y croire.

L’industrie ce n’est pas un jeu de mistigri. Il faut comprendre pourquoi Vallourec veut se séparer de cette activité, pourquoi les repreneurs d’Ascométal n’en ont pas voulu…Quand on entend dire que le site serait sauvé par un accroissement du chiffre d’affaires sur le marché automobile, on se pince, l’opinion publique depuis GMS a compris que le marché automobile était très compétitif, à faibles marges, et qu’il fallait le marginaliser dans le portefeuille d’activités des entreprises sous-traitantes de la métallurgie.

Faut-il lire cette intervention comme étant plus politique que véritablement économique et industrielle ? 

La réindustrialisation du pays n’a pas besoin de manifestations d’élus avec écharpes et banderoles, nous vivons une période complexe de mondialisation avec des gouvernements qui ignorent les fondements de l’activité industrielle . Ils parlent d’emplois directs tandis que l’automatisation, la robotisation sont en marche et que le numérique révolutionne les processus de production et que c’est désormais l’usage qui va être vendu et non le produit en tant que tel . On marche sur la tête, on cherche à « sauver des emplois industriels » là où on sait qu’ils vont décroitre tandis que d’autres vont devoir se créer et ont besoin du soutien de la collectivité pour prospérer. La France n’a pas été capable de développer un secteur des aciers spéciaux, il a été vendu. Cela n’a ému personne, c’était en 2017 ! Peut-on le recréer à partir de Sainte -Saulve ? Cela me semble mal parti ! Faut-il reprendre dans les secteurs jugés stratégiques une logique d’arsenal, c’est-à-dire indépendance à n’importe quel prix, j’en doute. En tous les cas l’industrie a besoin d’industriels qui la dirigent et non d’intellectuels qui jouent au meccano puis au mistigri . Une analyse de ce secteur d’activités par un « vrai » industriel est nécessaire si l’on veut croire à un avenir. On ne peut pas laisser des travailleurs au savoir-faire incontestable et à la loyauté évidente dans le mensonge, les faux espoirs, le déni de réalité aux mains de dirigeants incompétents ou dépassés. C’est la raison pour laquelle j’avais tenu à analyser le cas GMS en profondeur. Il faut effectuer un diagnostic partagé avant de partir dans des solutions de reprise d’activités illusoires, l’industrie ce n’est pas de la communication : le produit a-t-il un marché, la production est-elle rentable, le produit est-il de qualité etc…et  nous savons que le numérique transforme tout ces secteurs tandis que nos charges pénalisent nos prix de ventes, la compétitivité nous conduit vers des niches où  nous pouvons disposer de marges…tout cela s’analyse et conduit en général à modifier de fond en comble la stratégie. 

Quelles seraient les conditions permettant à une telle usine de prospérer dans les Hauts-de-France ? 

Il faut trouver un oiseau rare, un industriel qui y croit vraiment et qui en persuade les salariés et les clients ! Le personnel de l’entreprise a-t-il effectué un diagnostic de son unité, a-t-il développé des idées sur la modernisation, la numérisation, la diversification à partir de l’outil existant ? Faut-il partir du savoir-faire ou des investissements actuels ? On parle de 150 millions d’investissements dépensés sur le site, a-t-on gagné en flexibilité et en automatisation ? Seule une analyse fine du terrain avec des hommes de terrain et non des bureaucrates peut nous permettre de répondre à ces questions. Les postures et les discours sont impuissants, mais le fait que le repreneur d’Ascométal n’ait pas voulu de Sainte Saulve n’était pas une bonne nouvelle, ce sont des gens sérieux et de très bons industriels.

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