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Beltrame ou la tentative de réconciliation de la franc maçonnerie et du christianisme en France
©BERTRAND GUAY / AFP

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Le sacrifice du lieutenant-colonel Beltrame, nouveau héros reconnu par la Nation, a récemment été l’occasion de mettre en lumière un parcours spirituel que d’aucuns ont jugé mystérieux voire atypique.

«  Frères, que vous fassiez quoi  que ce soit, faites tout pour la gloire de Dieu », Corinthiens

Le sacrifice du lieutenant-colonel Beltrame, nouveau héros reconnu par la Nation, a récemment été l’occasion de mettre en lumière un parcours spirituel que d’aucuns ont jugé mystérieux voire atypique ; à cet égard, les deux familles dont il se revendiquait, le christianisme et la franc maçonnerie, lui ont rendu hommage sans ne rien reconnaitre de l’apport de l’autre tradition. Son parcours ou plutôt sa quête spirituelle a été décrite dans d’autres articles du Figaro Vox ; Beltrame n’était pas un catholique culturel ancré dans la religion depuis son enfance. Il a plutôt connu à l’âge adulte ce que le penseur allemand Rudolf Otto a pu appeler un moment “numineux” (une rencontre avec le divin) qui l’a amené à questionner le sens de la vie et du rapport au divin. Voilà un travail qu’il a accompli à la fois dans une Loge et par une fervente foi chrétienne avec un baptême à l’âge ô combien symbolique de 33 ans… Il a été difficile pour la plupart des commentateurs de comprendre ce parcours car s’il est bien une idée reçue en France, c’est celle qui présente christianisme et franc maçonnerie comme antagonistes.  Il s’agit là, comme le montre Mathieu Métayer dans “ Franc maçon parce que Chrétien” (2011, éditions Dervy), d’une exception bien française qui ne se retrouve pas à l’étranger.

La franc maçonnerie de tradition n’est pas une religion et accueille des croyants de toutes confessions dans le respect de leurs convictions intimes, afin de travailler à la gloire de Dieu. Elle est née en milieu chrétien,  en Angleterre, elle a été conçue d’abord par des Anglo Saxons qui étaient et demeurèrent de fervents chrétiens. Son mérite fut de s’ouvrir à toute l’humanité, devenant ainsi vraiment catholique (universel étant le sens étymologique du mot catholique). Le mot tradition vient du latin tradere, transmettre. Le savoir symbolique transmis de génération en génération par les rituels, la parole et l’exemple, était vu comme un complément par certains chrétiens pour mieux connaitre la loi de Moïse  (approfondissement de la compréhension du Volume de la Loi Sacrée à travers la maitrise progressive de la symbolique maçonnique) et mieux s’approprier les paroles du Christ. Cette dernière approche a aussi été vivace en France, comme l’explique René Guenon qui a mis en exergue la dimension ésotérique (l’ésotérisme était défini dans l’antiquité grecque comme un enseignement, notamment dans les Religions à Mystère, qui complétait de manière orale la doctrine officielle pour certains disciples qualifies) du christianisme. Il a toujours existé, depuis les premières décennies du christianisme, une voie initiatique au sein du mystère chrétien. La Franc maçonnerie de Tradition ne se substituait pas à la religion et au christianisme mais incitait à approfondir de manière exigeante la foi.  L’ésotérisme dit « un plus » ou « un plus intimement », pour reprendre les mots de Pascal Gambirasio d’Asseux, mais certainement pas autre chose que l’enseignement officiel écrit des textes.

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La méthode maçonnique aurait dû aussi en France permettre un mouvement  ascendant de spiritualisation de notre société. L’exception française, la fêlure historique, est issue de la dérive qui amena une école de pensée apparue dans un environnement chrétienà se dresser d’abord contre la religion catholique, puis contre toutes les religions. Il convient aussi de concéder que la liberté était au cœur de cette tradition, notamment la liberté de conscience, et que le lien intime entre l’absolutisme monarchiste et la religion catholique française a ipso facto engendré un antagonisme et un certain anticléricalisme au sein de la franc maçonnerie française… qui aurait dû disparaitre avec la stabilisation politique au XIXe s mais que certains franc maçons eux-mêmes ont ravivé en 1877 : à cette date, sous prétexte d’assurer la liberté de conscience, certaines loges françaises ont évacué la référence à Dieu  pour ouvrir la voie à une laïcisation complète d’une institution dont la création était pourtant bien plus ancienne et qui ne devait rien à la France.  Maints historiens ont souligné à quel point ce fut une aberration. Ce curieux gallicanisme maçonnique restera comme une fêlure dans la tradition.

Au contraire aux Etats Unis, les révolutionnaires, souvent franc maçons, trouvaient en leur piété et leur foi chrétienne des valeurs pour supporter leur combat, et en tout cas jamais n’eurent à affronter l’opposition d’églises locales qui auraient soutenu le roi d’Angleterre. Le christianisme fut un vecteur d’émancipation, lors de la Révolution  mais aussi avec l’abolition de l’esclavage.  Aux Etats Unis, les francs-maçons ayant rapidement atteint leurs buts politiques, la franc maçonnerie de tradition aida ses initiés à devenir de meilleurs chrétiens, notamment par d’impressionnantes œuvres caritatives ; les Américains de nos jours définissent la franc maçonnerie comme une « servante de la religion ».

Alors que le sacrifice du lieutenant-colonel Beltrame a fait resurgir de notre inconscient collectif l’archétype du Héros, son riche parcours spirituel devrait aussi nous amener à questionner les antagonismes factices de notre Histoire, et à réconcilier des traditions trop souvent opposées mais qui se réfèrent aux mêmes réalités mystérieuses.

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