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Femmes d'Arabie et 
motards de France : même combat !
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La liberté c'est le volant

Quoi de commun entre un motard casqué et une femme voilée, hormis le fait d’avancer masqué? Le goût de la liberté, peut-être.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Vendredi 17 juin, le groupe Women2Drive appela toutes les femmes d’Arabie Saoudite à enfreindre la loi (religieuse, en l’espèce) et à prendre le volant, réagissant à la détention de mois dernier d’une femme assez dévergondée pour conduire elle-même son véhicule – la désormais célèbre Manal al Sharif, forcée par la police de signer une renonciation éternelle à la conduite... Vendredi dernier, l’influente bloggeuse Eman Al Nafjan filma donc une de ses consoeurs en train d’écraser le champignon. Comme en Tunisie, comme en Egypte, les mots d’ordre sont relayés par Facebook. Dans un pays où les femmes n’ont pas le droit d’ouvrir un compte en banque ou de détenir un passeport à leur nom, conduire est un premier pas vers la désobéissance civile.

Le lendemain, en France, environ vingt mille motards défilaient dans les rues de Paris, Mans, Rennes et Quimper, pour protester contre le durcissement de la répression routière. Ils furent rejoints par automobilistes, taxis ou chauffeurs routiers qui ne supportent plus l’infantilisation croissante du citoyen-conducteur, menacé comme un écolier de “perdre des points” et de faire des heures de colle dans un stage de récupération. Le débat récent sur les avertisseurs de radars n’a fait qu’exacerber un sentiment de révolte diffus. La route, autrefois espace de liberté, est devenue une prison truffée de caméras. L’obsession du contrôle a pris le pas, chez les responsables publics, sur le souci de la sécurité.

La voiture est un objet éminemment politique. Qu’on ne cherche pas à nous faire croire que le Prophète aurait interdit qu’une femme puisse se déplacer par ses propres moyens, ou que les radars changent quoi que ce soit à la sécurité routière (sur ce dernier point, l’exemple allemand offre une démonstration sans appel, puisque l’Allemagne, qui ignore les limitations de vitesse sur autoroute, affiche un taux de tués sur les routes par million d’habitants bien inférieur à la France). En Arabie Saoudite comme en France, l’Etat ne supporte pas que les conducteurs puissent rouler en toute liberté. Pour mieux exister, pour mieux dominer, il lui faut renforcer son emprise sur l’espace routier.

Au moment où l’Europe célèbre avec émerveillement la révolte des peuples du “printemps arabes” contre les autocraties traditionnelles, rappelons-nous à notre tour de ne pas sombrer dans le despotisme démocratique redouté par Tocqueville, fait de “petites règles compliquées, minutieuses et uniformes”… comme celles du code de la route !

On rêve que les deux mouvements se rejoignent. Les femmes d’Arabie Saoudite pourraient par exemple prendre à leur compte les points perdus par les fous du volant qui enfreignent, dans notre beau pays démocratique, la limitation de vitesse de 5 ou 10 km/h. Et les motards français pourraient partir ouvrir la route en escadron aux ardentes féministes de Riyad.

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