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Arabie saoudite : c'est Jésus qu'on crucifie…
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Nos amis les barbares

Chacun ses traditions. Celles de la monarchie wahhabite sont très spécifiques.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Le monde occidental a pendant des siècles codifié la mise à mort. Au gré des princes qui le gouvernaient ou selon les usages des pays où la peine capitale était administrée. Depuis 1789 – pour ne parler que de la France – nous avons eu la guillotine, supprimée en 1981. Avant, sous l'Ancien Régime, il y avait la décapitation à la hache, la potence, la roue ou l'écartèlement pour les régicides (Ravaillac eut à le subir).

Dans d'autres pays occidentaux, différentes méthodes furent utilisées (par exemple le garrot en Espagne). Un peu désordonné tout ça… Rien de tel en Arabie saoudite où la charia prévoit tout et ne laisse aucune place à la fantaisie ou à un caprice royal. La charia donc stipule qu'Ali Al-Nimr, opposant chiite, doit être décapité. Et comme il s'est dressé contre le roi Salman, crime particulièrement grave, il est prévu que son corps sera crucifié et ornera la croix jusqu'à ce que pourrissement s'ensuive.

Le supplice de la croix est hérité des Romains. C'est le seul emprunt connu des saoudiens à une civilisation qui donna au monde Virgile, Cicéron, Pline… L'Arabie saoudite, longtemps dominée par les Turcs, a dédaigné le pal qu'affectionnaient ses colonisateurs. Elle a ça en commun avec les assassins de Daech (ses adversaires aujourd'hui après qu'elle les ait, dans un premier temps, subventionnés.). Eux aussi décapitent. Eux aussi crucifient parfois. Une peine infamante réservée aux blasphémateurs et aux "hypocrites".

Mais la France a elle aussi bien des choses en commun avec l'Arabie saoudite : des milliards d'euros de contrats ! Les barbares, ces barbares-là, sont nos amis. C'est la raison pour laquelle la France s'est contentée d'une médiocre et prudente réprobation. "Nous sommes opposés à la peine de mort" a rappelé simplement, après avoir longtemps hésité à dire quelque chose, François Hollande. Service minimum et rien de plus. La crucifixion est sans doute considérée en haut lieu comme faisant partie du folklore régional.

A ce propos, il paraît intéressant de relever que Jésus est un prophète reconnu par le Coran. D'ailleurs à la moindre critique concernant l'islam, de bienveillants censeurs ne manquent pas de nous le rappeler. Ça n'empêche pas pourtant les saoudiens et les fanatiques de Daech de dresser des croix, symboles pour eux de l'infamie la plus absolue. On a parfois du mal à comprendre à quelle enseigne, entre charia et Coran, la figure de Jésus crucifié est logée.

En revanche une chose est claire. Jésus aujourd'hui en Arabie saoudite s'appelle Ali Al-Nimr. Et son visage hantera à jamais les puits de pétrole que nous aimons tant. Parmi les mythes fondateurs de la civilisation occidentale il y a celui d'Antigone. Bravant la raison d'Etat incarnée par Créon, elle donnera une sépulture à son frère dont le corps supplicié devait, selon la loi, et comme celui d'Ali Al-Nimr, se décomposer au vu de tous. Mais y a-t-il des Antigone dans le monde musulman ?

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