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"Pour AQMI, chaque citoyen 
français est un soldat de Sarkozy"
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Otages au Niger

Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a diffusé ce mardi 27 avril une vidéo contenant des messages des quatre otages français retenus au Niger, dans laquelle ils demandent à Nicolas Sarkozy le retrait des troupes françaises d'Afghanistan. Si ce nouveau message constitue une preuve de vie, il pose également la question de la nature des négociations entre gouvernements et terroristes. Mathieu Guidère, islamologue et spécialiste du terrorisme, décrypte pour Atlantico les dessous de ce type de tractations.

Mathieu  Guidère

Mathieu Guidère

Mathieu Guidère est islamologue et spécialiste de veille stratégique. Il est  Professeur des Universités et Directeur de Recherches

Grand connaisseur du monde arabe et du terrorisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Choc des révolutions arabes (Autrement, 2011) et de Les Nouveaux Terroristes (Ed Autrement, sept 2010).

 

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Atlantico : Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a diffusé ce mardi une vidéo contenant des messages des quatre otages français au Niger. Est-il possible de négocier avec ces terroristes preneurs d'otages et comment ?

Mathieu Guidère : Quand on parle de négociations, il faut d’abord préciser la nature de celles-ci et les interlocuteurs.

Deux optiques s’affrontent : celle des ravisseurs et celle des autorités françaises. Pour les ravisseurs, les négociations se déroulent avec le gouvernement français, car dans leur esprit et leur logique interne, chaque citoyen français est un soldat de Nicolas Sarkozy, président élu et chef des armées. Il s’agit donc d’une relation de chef à chef entre le président Sarkozy et le chef d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), d’où leurs revendications essentiellement politiques, comme le retrait de l'armée française d’Afghanistan ou l’abrogation de la loi sur le voile.

Faut-il accepter leur mode de fonctionnement ?

C’est grâce à la multiplication des prises d’otages français, que l’on a appris et compris qu’ils ne visaient pas des individus mais des citoyens en tant que représentants du gouvernement français.

Depuis l’été dernier et l’enlèvement de Michel Germaneau au Niger (ndlr : Michel Germaneau a passé 3 mois en captivité avant d'être finalement exécuté en juillet 2010), il y a eu une réponse politique claire de la part des autorités françaises et de l’Élysée visant à rompre la logique de négociation instaurée dans la tête des terroristes de lien citoyen-gouvernement.

Sur le terrain, il a fallu en revanche descendre l’échelle des négociations au niveau des ravisseurs eux-mêmes, c’est à dire des individus qui détiennent les otages et non leurs chefs, animés par des objectifs et des agendas politiques. C’est ce qui a été fait depuis environ 6 mois et l’enlèvement des 5 otages français au Niger.

Cela ne peut se faire directement pour ne pas renforcer l’idée de négociations entre le gouvernement français et AQMI. Il a donc fallu négocier de façon indirecte et informelle. Indirecte, en passant par des intermédiaires présents dans les pays de la région, et informelle, en évitant de se placer en première ligne.

Comment procède-t-on lors de ce type de négociations ?

Tout dépend du choix de l’interlocuteur qui va servir d’intermédiaire ou de médiateur avec le groupe de ravisseurs. Il y a un certain nombre de personnes - au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Algérie ou en Libye - spécialisées dans l’intermédiation. Depuis 3 ans, il s’agit même d’une véritable industrie. Aujourd’hui, l’un des plus efficaces interlocuteurs est un conseiller du président du Burkina Faso qui a permis la libération d’un certain nombre d’otages occidentaux autres que français.

Le délai et la nature de la négociation dépendent donc du choix de l’intermédiaire : il faut faire le tri entre ceux qui veulent récupérer de l’argent sans connaitre la localisation précise des otages, ceux qui ont des contacts et ceux qui ont la confiance des réseaux des ravisseurs. Le délai dépend lui du détail des conditions réciproques imposées ou négociés entre les deux parties.

Est-il toujours question d’argent ?

Oui, bien sûr. Mais il n’existe pas aujourd’hui, institutionnellement, de "caisse noire" ou de mécanisme même indirect qui permettent au gouvernement de payer une rançon pour un otage. Les fonds spéciaux de l’Élysée ont d'ailleurs été rendus transparents par le gouvernement de Lionel Jospin. Il faut donc trouver d’autres moyens, personnes ou institutions qui acceptent de payer ce type de rançons.

Il s'agit donc d'une question financière juridiquement compliquée d’autant que l’accusation de financement du terrorisme tombe sous le coup de la loi et reste notamment contraire aux accords signés avec les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

Même s’il est toujours possible techniquement d’utiliser de l’argent issu par exemple de paradis fiscaux, le financement du terrorisme reste punissable dans tous les pays démocratiques : la législation est suffisamment claire et a le mérite de calmer tout le monde. Aujourd’hui, il n’est pas prévu de s’assurer contre le terrorisme, justement pour éviter le développement d’une industrie des otages du terrorisme.

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