Anxiété et dépression : quand les expériences de méditation pleine conscience produisent l’effet inverse de celui recherché<!-- --> | Atlantico.fr
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©Mark Makela / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Alerte santé mentale

Selon des universitaires britanniques, la pleine conscience provoquerait crises de panique, dépression ou dissociation chez 25% de ceux qui la pratiquent.

François  Chauchot

François Chauchot

Médecin Psychiatre Libéral. Il exerce également à l'hôpital Sainte Anne. 

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Atlantico.fr : Plusieurs études font état d'effets "indésirables" de la méditation. L'une d'entre elles, datée de 2019, rapporte que près d'un quart des pratiquants réguliers de la méditation ont témoigné d'expériences négatives, allant de la crise d'anxiété à l'épisode dépressif en passant par le trouble dissociatif. Comment est-ce possible ?

François Chauchot : Il est certain que pour des personnes qui sont fragiles (troubles psychotiques), la méditation peut offrir des expériences mitigées. De même que pour quelqu'un qui présente un état dépressif majeur, la méditation ne va pas l'aider sur le fond de sa maladie. Elle peut l'aider sur certains symptômes résiduels, sur les ruminations par exemple, mais pas sur le fond.

La méditation peut être une expérience anxiogène ou provoquer des états seconds de la conscience. Certains pratiquants affirment que le fait de s'observer ou d'observer ses pensées peut paraître inquiétant et crée en soi une expérience troublante, voire dépersonnalisante. 

Concernant l'étude, il y a plusieurs biais à prendre en compte. Le premier est lié à l'homogénéité des populations étudiées. Il est difficile de se faire une idée des personnes interrogées : quel est leur diagnostic, leur traitement éventuel, leur personnalité, leur tempérament ? L'étude peut porter sur une population hétérogène avec une frange plus fragile qu'une autre.

Ensuite se pose la question de l'indication. Comme pour toutes les psychothérapies ou tous les médicaments, il faut bien cerner les indications sinon on aboutit soit à une inefficacité, soit à une intolérance. Est-ce que dans cette étude on a affaire à une bonne indication ou pas ? En clair, est-ce que la méditation était une thérapie vraiment adaptée pour les personnes observées ?

A trop vouloir réguler ses émotions, n'y a-t-il pas le risque de les voir disparaître ?

En effet, c'est possible. C'est quelque chose qui est décrit chez des pratiquants qui arrivent à mettre vraiment à distance leurs émotions voire qui à plus long terme ont moins de réactivité émotionnelle. C'est l'aboutissement d'une pratique très longue. 

Ce qui arrive souvent, c'est que les néopratiquants ont une très forte attente de la méditation. Ils imaginent que cela va être une expérience incroyable qui va les mettre dans un état second de détente extrême. Alors que la méditation, c'est souvent simplement un moment où vous essayez un peu d'être observateur sans forcément vivre des choses incroyables.

Chez certaines personnes, la méditation peut être une expérience bizarre proche d'une expérience de déréalisation, c'est-à-dire avoir l'impression d'être dans un autre monde. Et cela est vécu plus ou moins bien en fonction de la sensibilité des pratiquants.

Comment éviter ces émotions négatives que pourrait procurer la méditation ?

Tout est une question d'indication. Comme toutes les techniques "nouvelles", elles sont un peu victimes de leur succès. Tout le monde recherche un mieux-être et s'oriente vers des pratiques qui ne sont pas adaptées pour tout le monde. Pour certaines personnes, la relaxation peut devenir anxiogène. C'est à éviter si on souffre de dépression par exemple, en tout cas dans un premier temps. Le premier temps est d'abord de se soigner par un traitement. Dans un second temps, la méditation peut être une très bonne technique si elle intervient dans le cadre d'un accompagnement par un professionnel.

C'est aussi à éviter pour les personnes ayant des traits psychotiques pour qui l'ancrage dans la réalité est déjà un peu fragile. Il y a enfin les personnes qui n'ont pas de troubles particuliers mais qui sont anxieuses. Quand elles essayent de faire le vide, leur anxiété n'en est que plus forte. Leurs pensées tournent dans leur tête et on obtient l'effet inverse de celui recherché. C'est toujours frustrant de chercher à se détendre et de se retrouver avec encore plus de ruminations. Ça fait aussi partie de l'apprentissage de la pratique méditative.

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