Anti-rapport de la Cour des comptes : ces politiques publiques qui fonctionnent bien<!-- --> | Atlantico.fr
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Plusieurs exemples attestent que la France sait relever silencieusement des défis et que son Etat n'est pas dénué d'efficience
Plusieurs exemples attestent que la France sait relever silencieusement des défis et que son Etat n'est pas dénué d'efficience
©Reuters

A moitié plein

De la gestion de l'eau aux systèmes de paie en passant par les sous-préfectures, le dernier rapport de la Cour des comptes dresse un tableau bien sombre de nos politiques publiques. Cependant tout n'est pas à jeter, certains secteurs pouvant servir d'exemple aux autres.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : Le rapport de la Cour des comptes est sans pitié pour de nombreux secteurs : quels risques prend-on à faire de ce rapport le seul indicateur de la bonne santé de nos politiques publiques ?

Jean-Yves Archer : L'évaluation des politiques publiques est une matière complexe que des auteurs éminents comme Jacques de Larosière ou Jean-Hervé Lorenzi ont fréquemment traités.

Du célèbre livre du Professeur Jean-Pierre Nioche, il ressort qu'il faut distinguer le contrôle de légalité (la conformité) du contrôle d'opportunité (test d'efficience) qui fait appel à une analyse multifactorielle.

Les finances de la SNCF ne sont guère reluisantes et la Cour des comptes a parfaitement raison de s'alarmer de la baisse de la marge de l'activité du réseau grande vitesse. Toutefois, nul ne saurait valablement nier l'outil d'aménagement du territoire, l'outil propagateur d'externalités positives qu'est le TGV.

Etre sans pitié sous un angle purement comptable n'est pas une bonne balistique au regard de la complexité de la société moderne qui suppose de voir si "la juste proportionnalité des investissements" a été respectée. Ce terme est issue de la pratique managériale de Jean-Paul Bailly (ancien patron de La Poste) lorsqu'il était président de la RATP à la fin des années 80.

Pour prendre une référence du secteur privé, l'ancien président de Carnaud Metalbox, Jean-Marie Descarpentries, suivait les affaires sous l'angle du "qualité-prix", c'est à dire de l'adéquation du réalisé avec l'objectif initial, de la justesse des process budgétaires (exactitude, réactivité) et de la satisfaction des clients. (objectif central).

Parfois certaines observations de la Cour méritent de retenir l'attention pointue des décideurs publics, parfois les magistrats de la rue Cambon sous-estiment les contraintes quotidiennes des opérationnels qui font fonctionner l'Etat.

A trop se focaliser sur le "bottom-line", certaines entreprises glissent vers les affres du court-termisme. De même, si d'aventure, la France ne se calait que sur les conclusions comptables de la Cour, elle adopterait une grille de lecture trop focalisée. Prenons un exemple hélas d'actualité : Vigipirate renforcé doit avoir un coût exorbitant. La Nation a-t-elle le choix ?

Quelles sont les politiques publiques françaises dont on peut dire qu'elles sont efficacement menées ? Quelles bonnes pratiques pourraient en être retirées ?

Commençons par une importante question de définition afin de distinguer l'efficience de l'efficacité.

Une politique efficiente permet de maximiser le rapport Outputs /Inputs (les moyens mis en œuvre) ou de minimiser le rapport Inputs/Outputs. Une politique efficace aboutit à un ratio Outputs obtenus sur Outputs attendus supérieur ou égal à 1. Quant à une politique économe, c'est évidemment celle qui ne cherche qu'à minimiser les Inputs.

L'idéal est donc d'atteindre une politique économe, efficace (conforme aux objectifs) et efficiente (rapport optimal entre les buts et les moyens).

L'Etat raisonne trop fréquemment selon une grille de lecture d'efficacité qui paradoxalement peut ne pas être efficiente. Un exemple : la rénovation urbaine. Bien des programmes de l'ANRU ont été des réussites (donc efficaces) mais bien des élus reconnaissent la lourdeur des coûts et posent ainsi une question d'efficience.

Cinq pôles d'activité publique nous semblent mériter le label de l'efficience.

  • La qualité du recouvrement de l'impôt dans notre pays. Il ne s'agit pas d'évoquer le coût de ce recouvrement (où la France occupe une place très moyenne) mais son très fort degré d'aboutissement. En clair, la DGFIP est un créancier qui sait aboutir à ses fins dans des proportions efficientes au regard d'autres pays européens (sans forcément penser au seul cas grec...).
  • Le système de santé : là encore, nous sommes efficients et un pays favorablement noté. Question d'efficience. En revanche, le coût de l'hôpital ou autres nous éloigne de l'efficacité.
  • Les services d'urgence et d'intervention : de la task force tempête d'EDF en passant par le SAMU, la France s'est modernisée et présente une efficience face aux détresses vitales ou face aux aléas climatiques. Là encore, on peut toujours discuter du coût de tel ou tel schéma retenu.
  • La France est la deuxième puissance maritime mondiale et l'addition de la qualité de ses chercheurs (IFREMER, etc) et de l'outil adapté qu'est le CIR (crédit impôt recherche) préfigure une configuration efficiente face à ce défi technologique et économique.
  • Le Quai d'Orsay est en passe d'aider les entreprises à mieux exporter. Prenons le cas du Mexique où l'ancien ambassadeur de France, Philippe Faure, a récemment été nommé coprésident du conseil stratégique francomexicain. Loin d'être un comité Théodule de plus, il s'agit d'un outil efficient visant à améliorer le rayonnement économique et culturel de notre pays.

Ces cinq exemples attestent que la France sait relever silencieusement des défis et que son Etat n'est pas dénué d'efficience. Loin de moi l'idée de penser que l'efficacité est au coin de la rue : il y a encore des secteurs où de profondes refondations s'imposent, à commencer par notre système éducatif.

La Cour des comptes s'insurge parfois du manque de suivi de ses préconisations ce qui se conçoit. Néanmoins, il serait maladroit voire hasardeux de ne raisonner qu'en termes d'efficacité et de petites économies. Si rien ne se passe devant tel bâtiment ou telle école par une journée froide d'hiver, la logique comptable est de dire que le dispositif Vigipirate avait peut-être été surformaté. L'opérationnel, lui, se dit qu'il a paré au pire possible. Ce débat entre les contraintes de l'instant et le jugement a posteriori est sans fin sauf à parcourir la notion d'efficience avec des indicateurs pertinents tels que ceux définis par le chercheur Bernard Walliser.

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