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Annie Genevard : "A l'école, les signes de manquement à l'autorité doivent être repérés précocement et traduits par des sanctions, qui ne se limitent pas seulement à une éviction de trois jours"
©Reuters

Entretien

Alors que les agressions contre des membres du corps enseignant se multiplient ces derniers jours, la question de la sécurité des établissements scolaires français est aujourd'hui clairement posée. La députée Les Républicains Annie Genevard estime que la réponse du gouvernement est beaucoup trop faible.

Annie Genevard

Annie Genevard

Annie Genevard est députée Les Républicains du Doubs. 

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Atlantico : A Tremblay, à Argenteuil ou à Calais, des enseignants ont été violemment pris à partie ces derniers jours par des élèves ou des individus extérieurs aux établissements. Face à une telle situation, la ministre de l'Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem a annoncé une réunion sur la sécurisation des abords des établissements scolaires et conseillé aux enseignants de porter plainte et de se reposer. Cette réponse est-elle suffisante et adaptée selon vous ?

Annie Genevard : Cette réponse me semble beaucoup trop faible. Les faits qui se sont déroulés sont extrêmement graves. Par ailleurs, s'il y a eu une conjonction d'événements successifs dans un temps relativement rapide, d'autres faits de même nature se sont déjà produits. Il y a, par la récurrence de ces phénomènes, quelque chose de nouveau qui est en train de se passer : l'école est exposée à la violence ordinaire, que ce soit à l'intérieur de l'établissement ou aux abords de l'établissement, que ce soit à l'égard des enseignants, des chefs d'établissement ou des élèves entre eux. C'est un phénomène très inquiétant. Il me revient à l'esprit les mots de Jules Ferry qui disait que l'école devait être un "asile inviolable". On constate que ce n'est plus le cas et que l'école est même devenue un lieu où s'exercent des violences graves. A Tremblay des armes de guerre ont été utilisées puisqu'il y a eu des tirs de mortier, c'est quand même incroyable !

Evidemment qu'il faut sécuriser les abords des établissements – c'est d'ailleurs demandé depuis un moment dans le cadre de l'état d'urgence - mais cela ne suffit pas à répondre à l'extrême urgence que posent ces faits de violence inédits.

Répondre aux enseignants qu'ils doivent porter plainte et se reposer est une réponse d'une faiblesse consternante. Les enseignants et les chefs d'établissement se sentent seuls, désarmés, impuissants pour gérer ces problèmes de violence. Il faut donc une réponse à la hauteur de l'enjeu. 

L'action gouvernementale depuis 2012 en matière d'éducation et de sécurité a-t-elle contribué selon vous à instaurer un climat de sérénité suffisant dans les établissements scolaires ?

Je considère que non. La première des mesures prise par le gouvernement au cours de l'été 2012 a été d'abandonner des dispositifs qui avaient mis en place par le gouvernement précédent. Je pense notamment à la loi sur l'absentéisme scolaire. Or, il a été démontré que l'absentéisme scolaire est le fait d'élèves qui sont en rupture avec l'école et il me semble que parmi ceux qui ont commis des agressions, il y avait des jeunes en rupture avec l'institution scolaire, et la première manifestation de cette rupture, c'est l'absentéisme. Je pense également à l'initiative d'établissements de réinsertion scolaire interrompue par le gouvernement. Ces établissements étaient destinés à traiter les éléments les plus perturbateurs. Il ne faut pas considérer que la violence s'est emparée de l'ensemble de la communauté scolaire : il s'agit souvent d'une poignée d'élèves qui suffisent à pourrir un établissement tout entier. Ce dispositif de réinsertion scolaire visait bien ces quelques éléments perturbateurs. Mais évidemment, pour tout ce qui touche à la sécurité, la gauche a toujours eu des états d'âme vis-à-vis de ce type de politique. Ainsi, lors du débat sur la loi de refondation de l'école, chaque fois que nous avons envisagé l'idée de sanctions disciplinaires proportionnées, nos amendements ont été retoqués.

Or, lorsque le climat n'est pas sûr, cela a des conséquences sur la qualité de l'apprentissage et la confiance des parents. Cette défiance qui s'installe progressivement à l'égard de l'enseignement public est très préoccupante. Je considère qu'il faut la liberté scolaire pour les parents, qu'ils puissent choisir entre le public et le privé, mais je considère aussi qu'il faut un service public qui soit solide, et pour cela, il faut la sécurité. 

En tant que députée, que préconisez-vous pour lutter contre le fléau de l'insécurité à l'école ? Que pensez-vous par ailleurs du débat actuel parmi les candidats de la primaire à droite sur cette question ?

Il faut impérativement s'attaquer à ce problème. Les établissements scolaires doivent redevenir des lieux où s'exerce l'autorité de l'Etat. Le ministre a une grande responsabilité, de même que ses services déconcentrés, les inspecteurs, les recteurs, les chefs d'établissement, les professeurs. C'est toute une chaine qui doit se mobiliser autour de la sécurité des établissements. Si je préconise cela, c'est parce que les chefs d'établissement et les professeurs ont souvent exprimé un sentiment d'abandon. Il est donc important de restaurer la responsabilité de l'Etat dans son rôle de garant de l'autorité.

Deuxièmement, il faut donner aux chefs d'établissement des pouvoirs accrus. Un établissement est une microsociété. L'autonomie des chefs d'établissement doit être améliorée, notamment pour qu'ils puissent développer des stratégies propres à leur établissement car tous les établissements ne sont pas exposés de la même façon à la violence. Il faut faire confiance aux chefs d'établissement et aux équipes éducatives pour bâtir des stratégies mais il faut qu'elles soient épaulées par toute la chaine de responsabilité, jusqu'au ministre. Il me semble que tous les candidats de la primaire de la droite sont d'accord sur ce point.

Des dispositifs pratiques doivent être instaurés : il faut revoir l'échelle des sanctions et ne pas les réduire aux seules sanctions disciplinaires. Les signes de manquement à l'autorité doivent être repérés précocement et traduits par des sanctions, qui ne se limitent pas seulement à une éviction de trois jours. Par ailleurs, tout ce qui relève d'une incrimination pénale (vol, violence, intimidation, trafic, harcèlement) doit être signalé au procureur de la République car ce sont des faits graves et la coopération école-police-justice doit être encouragée.

Pour les établissements où la violence est la plus grave, on peut envisager d'aller au-delà : si certains établissements nécessitent d'avoir des personnels dédiés à la sécurité, il ne faut pas hésiter.

Enfin, il faut qu'au niveau de chaque rectorat, il y ait un pilote, un référent qui soit dédié à la sécurité, qui puisse être un interlocuteur immédiat dès que des problèmes se posent. La réactivité est importante : il ne faut pas laisser s'installer des climats de violence. 

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