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Allègements de charges salariales : une idée louable... mais au financement compliqué
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Durs calculs

Nicolas Sarkozy propose la suppression des charges salariales sur les plus bas salaires, soient 7 millions de salariés français. Reste la question du financement de cette mesure, qui ne pourra être assuré par la seule suppression de la prime pour l'emploi (PPE).

Jérôme de Rocquigny

Jérôme de Rocquigny

Jérôme de Rocquigny est vice-président en charge de l’emploi et de la formation professionnelle au sein d'une association patronale, le Cerf

Il travaille également avec des représentants des autorités chinoises pour des projets de formation professionnelle. 

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La confusion, certains y trouvent un intérêt, d’autres un danger. En effet, à la lecture de l’annonce sur la mutation des charges salariales en salaires net, on s’interroge sur le calcul des uns et des autres...

Pour les initiateurs, on parle de 1 000 euros par an, pour d’autres comme les amis de François Hollande le compte n’y est pas, et pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le grand écart est encore plus spectaculaire, puisque lui parle de 10 euros par an ! Pour nous, chefs d’entreprise, plus simplement nous avons compris que les quelques 22 % de charges salariales seraient reversées aux salariés.

Tout d’abord, on ne peut que se réjouir que la défiscalisation des heures supplémentaires ne soit pas passée à titre posthume au rang des bonnes idées. Idée d’ailleurs préconisée en son temps par le CERF et qui n’était pas - comme certains ont pu le dire ou l’écrire - un cadeau pour les petites et moyennes entreprises, mais un vrai moyen pour les salariés de gagner un peu plus dans un contexte économique particulièrement difficile.

Alors que l’on ne se méprenne pas : toute forme d’effort ou d’avancée qui va dans le sens de l’allégement du coût du travail des bas salaires reste aujourd’hui l'un des rares moyens d’activer un effet de levier sur le pouvoir d’achat des salariés concernés. C’est pourquoi dans un premier temps, nous saluerons la volonté du candidat Sarkozy de répondre à ce besoin par l’annonce du projet visant à transformer le salaire brut en salaire net des femmes et hommes dont le salaire n’excéderait pas 1,4 % du SMIC.

Même si la tentative est louable, elle impose cependant un certain nombre d’interrogations. En effet, que dire aux salariés qui au prix de l’ancienneté ou d’un cursus de formation diplômant gagneraient 1,45 % du SMIC ? Comment leur expliquer par exemple qu’un jeune sans diplôme ni qualification toucherait un salaire net en fin de mois supérieur aux leurs ? Il semblerait que les conseillers du candidat Sarkozy n’aient qu’une expérience assez relative du management en entreprise. Comment gérer en interne cette réforme que certains concernés qualifieront d’injuste voir de discriminatoire ?

Cependant la possibilité que donne ce projet aux dirigeants de TPE (très petites entreprises) et de PME (petites et moyennes entreprises) d’offrir un salaire plus important sans que cela ait d’impact direct sur la trésorerie de l’entreprise est une bonne chose.

Mais si on continue d’analyser un peu plus en profondeur ce type de projet, une inquiétude vient tout de suite à l’esprit du dirigeant lambda : à quoi ressemblera une future fiche de paie ? Comment calculer la CSG (contribution sociale généralisée) ? Comment remplir les déclarations d’URSSAF et autres organismes de prévoyance et de retraite ? Enfin, à quoi ressembleront les futures DADS (Déclaration annuelle des données sociales) des prochains exercices comptables ? L’inquiétude de voir apparaître une usine à gaz administrative, dont nous sommes plus que friands dans notre pays, est plus que réelle.


On peut en revanche se féliciter d’avoir trouvé un moyen de valoriser le travail des catégories les plus basses en augmentant l’écart entre la somme touchée grâce à la prise en charge (certes souvent justifiée) des plus démunis au travers du RSA (revenu de solidarité active) et autres allocations, et celle qui sera touchée grâce à cette mesure. Il y a là une vraie valeur ajoutée pour ceux qui feraient la démarche de revenir à une socialisation que l’état actuel ne rend pas toujours très motivant par les quelques euros d’écart entre un cumul d’indemnité et un Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti) classique.

Pour conclure, l'exonération des charges salariales - qui équivaudrait à une augmentation de près de 300 euros mensuel pour quelques 7 millions de salariés, et à une hausse de leur pouvoir d’achat - aura sans doute un effet dopant sur la consommation, et de fait sur la croissance avec l’espoir d’augmenter les recettes fiscales via la TVA. L’idée mérite un bon point, mais sa mise en application semble compliquée et son financement pas forcément assuré par la seule suppression de la prime à l’emploi des feuilles d’impôts. Il est aussi questions d’allouer une partie des nouvelles recettes fiscales au financement de ce projet. On aurait préféré, en bon père de famille, utiliser ces fonds à la relance et au financement des petites et moyennes entreprises.

Comme toute annonce partie d’un bon sentiment électoraliste, elle nécessiterait au vu des bénéfices secondaires qu’elle pourrait engendrer une réelle explication de texte quand à sa mise en application et à son financement. Pour que l'on soit totalement convaincu, ou réellement inquiet.

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