Alexandre Jardin : “Avec Bleu blanc zèbre, nous travaillons à une révolution positive avant qu’une noire ne nous rattrape”<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écrivain Alexandre Jardin.
L'écrivain Alexandre Jardin.
©Pierre-Yves Beaudouin / Wikimedia Commons

Grand entretien

Alexandre Jardin est écrivain, pamphlétaire, et fondateur du mouvement citoyen "Bleu, Blanc Zèbre". Il s'exprime sur son mouvement, ses ambitions, et l'état de la politique française actuelle.

Alexandre Jardin

Alexandre Jardin

Alexandre Jardin est écrivain, pamphlétaire, et fondateur du mouvement citoyen "Bleu, Blanc Zèbre"

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Atlantico : "Bleu Blanc Zèbre (BBZ) est un mouvement citoyen regroupant une centaine d’opérateurs de la société civile tels que des associations, fondations, acteurs des services publics, mairies, mutuelles ou entreprises, réalisant une action efficiente permettant de résoudre un problème de la société en impliquant les citoyens dans sa résolution". Comment est né votre mouvement et quelle vocation a-t-il ?

Alexandre Jardin : Nous sommes tout sauf un parti politique. Nous ne sommes pas un think tank mais un do tank. Il nous a semblé qu'à un moment comme aujourd'hui où la parole politique était totalement décrédibilisée, il était nécessaire que d'autres acteurs passent à l’action à leur place.

Le marché de la promesse est aujourd'hui carbonisé, le débat public français doit être refondé sur de nouvelles bases, et c’est ce que nous faisons en construisant des solutions pragmatiques avec ceux qui sont encore vivants : les "faiseux", et non les "diseux". Où qu'ils soient, et quelle que soit leur sensibilité politique. Chez nous, la question c'est qui fait quoi, où, comment et à quelle heure. Et surtout, quel rôle donner aux citoyens. 

A partir de la rentrée, nous structurerons donc nos actions en "bouquets" qui sont l’équivalent des ministères. Ces derniers seront portés par des associations, des entrepreneurs, des organisations professionnelles et surtout, des mairies. Il est fondamental que la société civile s'allie avec la base de la République, les faiseux que sont les maires, nos élus locaux. Et il est tout aussi important que ces acteurs représentent toutes les couleurs politiques.

A la rentrée, chaque bouquet d’action fixera ses propres objectifs, lesquels seront chiffrés et mesurables. Ce ne seront pas des promesses, mais des objectifs à atteindre. Dès lors, nos Zèbres ne seront plus des opérateurs de bonnes pratiques mais des contributeurs et qui ambitionnerons d’atteindre d'immenses objectifs pour la France.

Nous n'aurons pas d’autre puissance que celle que le pays sera capable de nous fournir. Nous n'entrons pas sur le marché de la promesse. Nous faisons confiance aux ressources de la nation. C'est une démarche qui n'a donc rigoureusement rien à voir avec des partis politiques, y compris avec les partis de culture plus citoyenne nés récemment, qui restent des partis allant aux élections. Nous préférons entrer dans une logique de puissance d'action sur tous les sujets qui nous préoccupent : éducation, logement, retour à l'emploi, écologie active...

Qu'est-ce qui différencie votre mouvement des partis politiques traditionnels ? Au contraire, qu'est-ce qui l'en rapproche ?

Nous n’avons pas besoin du pouvoir car nous l'avons déjà : celui de faire tout, tout de suite, soi-même, et dans son territoire. Et par nature, nous impliquons dans notre action autant de maires de gauche, que de droite ou du centre. Je me reconnais beaucoup plus dans l'esprit de la France libre que dans quoi que ce soit de partisan : à l'époque, on ne vous demandait pas si vous étiez de gauche ou de droite, ou vous demandait ce que vous étiez capable de faire. Je veux croire qu'il reste dans ce pays des gens qui sont conscients de la fantastique glissade dans laquelle nous sommes engagés et qui conduit à une abstention de plus en plus massive à chaque élection et un renforcement effrayant des extrêmes.

Quelque chose de complètement nouveau doit se passer, et nous avons décidé d'être ce quelque chose. De ne pas accepter la fatalité, les prochaines élections, qui peuvent être absolument désastreuses. 

Comment expliquez-vous que des mouvements comme le vôtre réussissent à mobiliser davantage ? Que faîtes-vous de plus pour avoir ce pouvoir d'attraction ?

Accessoirement, par rapport aux partis traditionnels, l'ambiance est très joyeuse chez nous. Les gens qui se battent et agissent, et donc obtiennent des résultats vont toujours bien. Je crois que l'incroyable accélération de notre mouvement que l'on observe actuellement vient du fait que les gens positifs et capables ont un mal fou à se reconnaître dans les structures traditionnelles : les associations, qui ont l'habitude de la soumission face à la technostructure française ; les entrepreneurs qui de fait sont soumis à cette technostructure quelles que soient leur velléités d'indépendance ; et les élus locaux, qui ne comptent pour rien dans le système politique français. Les maires ruraux de l'AMRF (Association des maires ruraux de France) en savent quelque chose.

Tous sont en train de prendre conscience qu'isolément ils ne pèseront rien face aux partis. Mais unis, ils peuvent représenter une force de négociation inarrêtable. En clair, la technostructure qui gouverne l'Etat et qui de fait pilote les grands partis n'a pu compter que sur la désunion des autres pour imposer sa vision du monde et ses méthodes. Nous sommes en train d’inverser la vapeur avec une joie inouïe et des manières très pragmatiques.

Par ailleurs, on mesure que ces trois mondes -associations, maires et monde entrepreneurial- disposent de leaders stupéfiants dont le calibre n’a rien à voir avec celui de l’offre politique moyenne. Prenez un homme comme Guillaume Babst qui a créé le réseau de l'ANDES. Avec les 300 épiceries solidaires dont il dispose sur le territoire, il nourrit chaque année 1 700 000  personnes dans le respect de leur dignité, puisque leurs clients ne paient que 20% du prix à la caisse. On les respecte, on ne leur fait pas l'aumône. C'est à mes yeux un très grand leader, un homme capable, pas parce qu'il promet mais parce qu'il fait des choses. Il y a donc derrière la démarche des Zèbres, la volonté de faire émerger des leaders légitimes, respectés parce que respectables et parce qu'ils ont déjà rendu service. Pas parce qu'ils ont obtenu tant de pourcents lors d'une motion à un congrès de parti politique.

Sur le site internet de Bleu Blanc Zèbre (voir ici), il est écrit "Nous ne sommes pas un think-tank mais un Do-Tank". Qu'est-ce que cela signifie concrètement, et qu'allez-vous être amenés à faire prochainement ?

Chez nous, vous ne devenez un "Zèbre" que si vous passez à l’acte, si vous impliquez les citoyens. Mais surtout, il faut agir avec joie et conviction. Quand vous prenez Franceactif qui finance des créations d'activité d'entreprise dans les quartiers difficiles par milliers, vous tombez sur un jouisseur hilarant : Christian Sautter. Il n'a pas d'autres motifs d’action que son plaisir fou à agir pour les autres, et il est très réjouissant de voir que des personnes de cette qualité existent toujours.

Pour vous répondre, la rentrée marquera un virage énorme dans notre mouvement. Nous passons d'un rassemblement de bonnes pratiques à la constitution d’une boîte à outils d'action politique. Nous travaillons ardemment sur la question du retour à l'emploi par exemple. Pour y répondre, nous avons élaboré une sorte de Pôle emploi citoyen, associée avec GNIAC, qui rassemble des opérateurs dotés d'un véritable savoir-faire et qui obtiennent des résultats. Il ne s'agit pas de remplacer Pôle emploi mais de structurer l'apport de la société civile et surtout injecter ses compétences. 

Nous réfléchissons également à une action avec Alliance Ville Emploi qui rassemble des mairies détennant des "maisons pour l'emploi" et des PRI, (structures qui prennent soin des jeunes chômeurs ndlr). Une action à l'étude actuellement vise aussi à orienter les achats des grands groupes vers les PME locales, avec le Centre des jeunes dirigeants (CJD), l'association des maires d'IDF et la ville d'Angoulême. Une telle politique d’achats orientée vers le petit tissu des PME locales s'avérerait très créatrice d'emploi. Pour se faire, nous étudions également la possibilité de créer une formation pour les directeurs des achats et les sensibiliser à cet objectif.

Ce "pôle emploi" citoyen prend d'ores et déjà en charge près de 6 000 personnes par an, le plus souvent des chômeurs de longue durée, et réussit pour 2/3 d'entre-eux à leur trouver un travail dans les 10 mois. Les cafés "contact emploi" remettent au boulot à peu près 10% des chômeurs qui y participent en 1h30 seulement. Le bouquet sur l'emploi est organisé par Thierry Du Bouëtie, qui est le patron de GNIAC.

Le bouquet éducation est quant à lui présidé par François-Afif Bendhanane, patron de Zup de Co qui met en relation des étudiants avec des collégiens et lycéens pour leur venir en aide dans le cadre d'un soutien scolaire. D'ailleurs, il existe des territoires en France qui ont dix longueurs d'avance sur ce terrain. Nous, nous occupons de les fédérer. Nous pouvons également compter sur la création d'écoles de la deuxième chance, de type "espérance banlieue" qui bénéficie du soutien d'Harry Roselmack, et qui obtiennent des résultats car elles sont adaptées aux défis auxquelles elles doivent répondre.

Toujours pour ce bouquet éducation, nous allons mettre en avant 3 grandes politiques de réussite scolaire indirecte :

  • La première se chargera de développer la lecture avec le programme Lire et Faire Lire dont je m'occupe, et qui prend déjà en charge 40 000 enfants grâce à l'aide de 16 000  bénévoles, présents dans les 100 départements français. 
  • Toujours dans ce bouquet éducation, nous souhaitons nous inspirer d'une action qu'EL SISTEMA-France a d'ores et déjà exécutée au Venezuela : 150 orchestres symphoniques y ont été mises en place dans des favelas. Le principe est simple, quand vous créez un orchestre symphonique dédié aux enfants dans une cité, vous faites monter le niveau scolaire, leur inculquez une certaine rigueur, et le niveau en mathématiques s'améliore. Ce programme est piloté par Catherine Maheo. A terme, il faudra que nous parvenions à implanter des orchestres symphoniques dans toutes les zones traitées aujourd'hui par l'agence nationale de rénovation urbaine.
  • Notre 3ème politique indirecte, c'est le sport. Notre tête de pont s'appelle Jean Phillipe Acensi. Il est le patron de l'Agence pour l'éducation par le sport qui fédère déjà des milliers d'associations dont l'objet est de sauver des gamins par le sport, par exemple la boxe, dans les quartiers nord de Marseille. Si vous faites converger l'action autour de la lecture, d'une révolution musicale, et d'une révolution sportive, si vous multipliez les implantations de l'école de la deuxième chance et que vous mettez en place le cœur de métier du bouquet qui développe du soutien scolaire massif avec les étudiants, vous commencez à avoir des outils puissants de réussite scolaire pour faire réussir notre système. L'apport citoyen est évident. 

Le bouquet Entreprenez votre vie finance quant à lui des parcours d'auto-entrepreneurs. Il vient de signer avec la ville de Reims la création de 100 parcours. Il y aura un bouquet extrêmement important d’accès au minimum. Par minimum, nous entendons l'obtention d'un compte en banque. L'un de nos opérateurs s'appelle Compteniquel.fr et a déjà ouvert 120 000 comptes en 1 an chez les buralistes. Pour enrichir ce programme, nous travaillons sur des solutions d'accès au droit, avec des notaires qui ont pensé à un programme qui s'appelle le "conseil du coin". Le premier samedi de chaque mois, ils donnent des conseils gratuits dans les cafés populaires.

Nous fédérons tout ce qui est solidaire, efficace, responsable, pour tenter de mener une révolution positive avant qu’il y en ait une noire.

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