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Valérie Pécresse après une visite dans un centre de vaccination contre la Covid-19 à La Baule, le 30 décembre 2021.
Valérie Pécresse après une visite dans un centre de vaccination contre la Covid-19 à La Baule, le 30 décembre 2021.
©LOIC VENANCE / AFP

Passe vaccinal

Alors que Valérie Pécresse avait exprimé son soutien au passe vaccinal, le groupe LR s’est associé au RN et à LFI pour obtenir une suspension du débat qui y était consacré à l’Assemblée. Faute de boussole idéologique, la droite est largement passée à côté d’une stratégie cohérente face à la pandémie.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Atlantico : Alors que Valérie Pécresse et son état-major avaient indiqué être favorables à la mise en place du pass vaccinal, les députés LR se sont alliés hier (dans la nuit du 3 au 4 janvier 2022) à d’autres groupes parlementaires pour suspendre la séance à minuit retardant le vote. Ce manque de cohérence interne de LR sur ce sujet est-il l’exemple type de la manière dont Les Républicains ont appréhendé la crise, divisés ?

Nathalie MP : Il y a certainement des divergences d'opinions au sein des Républicains et parmi les députés du parti sur ce sujet. On sait par exemple qu'Eric Ciotti votera la loi sur le pass vaccinal tandis que Julien Aubert, qui soutenait Ciotti lors de la mini-primaire LR, ne la votera pas. Du reste, le patron des député LR Damien Abad l'a confirmé hier après les émois de la suspension inattendue de la séance à l'Assemblée : son groupe votera le texte à l'exception d'une poignée de députés qui votera contre "en défense des libertés publiques".

En réalité, du côté de LR, toute l'affaire de la suspension de séance est beaucoup plus liée à l'affrontement présidentiel entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse qu'à une réflexion de fond sur ce qu'implique le pass vaccinal sur le plan éthique. Il se trouve que les députés LREM, trop confiants en leur bonne étoile, n'ont pas été assez présents dans l'hémicycle lors de ce vote, créant ainsi un nouveau couac aux dépens de leur majorité et d'Emmanuel Macron. Il était de bonne guerre pour les oppositions de profiter de l'occasion pour mettre en avant la désinvolture du gouvernement, par opposition à leur propre responsabilité d'élus face à un texte extrêmement important, peu importe les motivations profondes des uns et des autres.

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Or à entendre parler les ténors LR et la candidate présidentielle elle-même, la doctrine du parti semble très largement en faveur du pass vaccinal et des restrictions anti-Covid. Je rappelle que récemment (novembre 2021), Valérie Pécresse envisageait de reconfiner uniquement les non-vaccinés s'il y avait une recrudescence de la pandémie. Auparavant, elle avait à cœur d'avoir toujours une coercition d'avance sur Emmanuel Macron, notamment pour exiger l'avance des vacances scolaires ou la fermeture des écoles.

Atlantico : Face à un gouvernement qui a multiplié les couacs, comment expliquer que LR n’ait pas su trouver de boussole idéologique pour jouer leur rôle d’opposition ? Est-ce de la peur ?

Nathalie MP : De la peur ? Non. Comme je le soulignais plus haut, tout cela traduit surtout le fait que Les Républicains et La République en Marche sont dans un jeu politicien où chacun essaie de tirer son épingle du jeu dans la perspective des élections de 2022. L'un et l'autre font assaut d'interventions dans les médias et sur les réseaux sociaux pour fustiger l'irresponsabilité supposée de l'autre face au Covid. Et les LR, quoique globalement sur la même longueur d'onde que le gouvernement sur la question de fond du pass vaccinal et des mesures anti-Covid, font tout ce qu'ils peuvent pour montrer qu'ils sont des opposants sérieux d'Emmanuel Macron.

Dans une perspective plus large que le pass vaccinal, il est beaucoup reproché à Valérie Pécresse d’être un peu trop Macron-compatible, d’être identique sur de nombreux sujets et que voter pour elle serait comme voter pour Macron. De ce fait, confondant régalien fort et autoritarisme, lorsqu'Emmanuel Macron exprime le souhait de maintenir les écoles ouvertes le plus possible, Valérie Pécresse s'empresse de monter au créneau contre lui pour demander plus de fermetures. C'est une course absurde et sans fin à la mesure la plus délétère et la plus coercitive, sous couvert de responsabilité politique.

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Tous les ténors LR se sont élevés contre les propos odieux de M. Macron (ils sont effectivement odieux) qui confiait hier 4 janvier 2022 dans un entretien au Parisien qu'il avait "très envie d'emmerder les non-vaccinés". "Il faudra mettre fin à ce quinquennat du mépris" réagi Valérie Pécresse. Mais force est de constater que si elle n'a pas les mots d'Emmanuel Macron, sur ce point de la vaccination, elle n'a aucun problème à en avoir les actions.

Il est désolant de constater que dans un environnement sanitaire, médical, où il reste énormément d’inconnues et d’incertitudes, on puisse être suffisamment sûr de soi pour décider que l’on va vacciner tout le monde jusqu’à la dernière personne avec très peu de recul. L’obligation et l’absence d’un libre choix posent problème. Dans un tel contexte, la responsabilité consisterait selon moi à faire en sorte que l’information soit large et disponible et à partir de là, à laisser les gens s'informer et discuter avec leur médecin. Mais on n’oblige pas.

Il est fort dommage de voir que Valérie Pécresse semble incapable de quitter le terrain politicien, qu'elle ne cherche pas à s’élever par rapport à cela. On parle des libertés publiques et elle se dit parfois libérale ! Il est absolument navrant de voir la droite confondre éternellement régalien fort et autoritarisme aveugle. 

Atlantico : Le terrain du calcul de l’efficacité réelle des mesures ou celui de la préservation des libertés publiques aurait-il pu être la ligne gagnante ? Quelles autres stratégies auraient pu être celles de la droite ?

Nathalie MP : Je l'ai évoqué plus haut, l’autre stratégie aurait été de ne pas imposer le vaccin mais de le proposer. À travers les mesures d'obligation implicite de la vaccination (et maintenant son envie "d'emmerder les non-vaccinés"), Emmanuel Macron a braqué beaucoup de Français (au-delà des seuls non-vaccinés) alors que la majorité de la population est vaccinée. Il s’est créé tout seul des opposants très virulents. L’histoire de l’obligation vaccinale ou du pass sanitaire est omniprésente dans le débat public aujourd'hui et elle est omniprésente pour la campagne de la présidentielle.

Valérie Pécresse, qui se présente comme sensible à des sujets qui intéressent les libéraux, est complètement obnubilée par l’idée de défendre la notion d’un État fort, par opposition à Emmanuel Macron qui est considéré sur le régalien comme fort avec les faibles et faibles avec les forts. Le problème, c'est que l'un et l'autre ne réussissent qu'à montrer leur tendance à l'autoritarisme et au dirigisme.

L’État doit être fort dans les domaines de sa compétence régalienne de préservation des biens et des personnes. Il ne s’agit nullement d’être autoritaire sur tous les sujets de toute la vie de tous les gens, y compris sur la santé des gens.

Le fait est qu’en France nous sommes dans un système collectivisé de santé à la fois extrêmement coûteux, bureaucratique, idéologique et en déficit. Se focaliser sur le pass vaccinal pour réparer l'hôpital, c’est se tromper de sujet.

On évoque le fait que sans la vaccination, les urgences seront bondées, qu'on ne pourra pas soigner tout le monde, qu'il faudra trier les patients, qu'il faudra déprogrammer d’autres soins. Mais en réalité, le problème n’est pas que certaines personnes ne se fassent pas vacciner ; c’est que notre système tel qu’il est génère systématiquement de la pénurie et qu'il ne sait pas s’adapter avec souplesse à la demande de soins. Chaque fois qu'arrive une pandémie, les grippes saisonnières, les bronchiolites, les canicules, c’est la même panique. 

Valérie Pécresse, comme Emmanuel Macron, n'a pas du tout vu cela et elle prolonge l'idée que c'est aux patients, aux citoyens de s'adapter aux carences du système de soin, pas le contraire. 

Atlantico : Les Républicains vont-ils "payer" dans les urnes en avril prochain ce manque de positionnement clair sur la question de la crise sanitaire face à un président qui déploie la stratégie du quoi qu’il en coûte et la vaccination ? Le parti des Républicains peut-il encore "se rattraper" ?

Nathalie MP : Les Français semblent très majoritairement favorables aux actions du chef de l’État sur le plan sanitaire. Du coup, Les Républicains ne devraient pas le payer dans les urnes spécifiquement à cause de cette question. Valérie Pécresse a vu elle aussi que les Français dans leur grande majorité étaient très demandeurs d'obligation vaccinale pour leur voisin (encore qu'avec la vague omicron, les positions semblent évoluer).

En revanche, ce qu’ils risquent de payer, c’est leur incohérence entre la position pro-pass de la candidate et de la vaste majorité des députés LR et leur volonté de s'opposer au gouvernement qui est lui aussi pro-pass. À quoi jouent-ils ? Sont-ils pour ou sont-ils contre le pass vaccinal ? C’est la grande question.

Fondamentalement, je pense que les LR n'ont pas appréhendé le pass sanitaire puis le pass vaccinal pour ce qu’il était vraiment, c'est-à-dire une entorse majeure aux libertés individuelles dans un contexte qui montre tous les jours un peu plus que la vaccination est une partie de la réponse anti-Covid, pas toute la réponse.

Après le vote sur la suspension de séance, on voit le gouvernement persifler sur le double discours des Républicains. Objectif : décrédibiliser Valérie Pécresse. Quand aura eu lieu le vote final sur le pass vaccinal dont on sait que les députés LR dans leur grande majorité le soutiendront, ce sera au tour des autres oppositions de souligner combien LR et LREM c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Objectif : décrédibiliser Valérie Pécresse.

J’ai hâte de voir comment les Républicains et Valérie Pécresse vont retomber sur leurs pieds après le vote final. Il n'est pas impossible que les dérapages verbaux de M. Macron leur fournissent une bonne occasion de se "rattraper".

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