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Alerte aux néo-identitaires : mais quand réagira-t-on aux dérives du CCIF et autres combattants dévoyés de la lutte contre le racisme et les discriminations anti-musulmanes ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

"Inch'Allah"

Inch'Allah, le nouveau livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme met en lumière la montée de « l'islamisation à visage découvert » en Seine-Saint-Denis. Le duo de journalistes a réalisé son enquête avec cinq étudiants journalistes du CFJ. Le CCIF (Comité Contre l'Islamophobie en France) s'est lancé dans une violente critique du travail des journalistes et a notamment jeté en pâture le nom des 5 étudiants dont certains ont été victimes de menaces. L'occasion de revenir sur les méthodes du CCIF, réputé proche des Frères Musulmans.

Philippe d'Iribarne

Philippe d'Iribarne

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d'Iribarne est l'auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Il a notamment écrit Islamophobie, intoxication idéologique (2019, Albin Michel) et Le grand déclassement (2022, Albin Michel).

D'autres ouvrages publiés : La logique de l'honneur et L'étrangeté française sont devenus des classiques. Philippe d'Iribarne a publié avec Bernard Bourdin La nation : Une ressource d'avenir chez Artège éditions (2022).

 

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Atlantico : Le CCIF se présente simplement comme adversaire de « l'islamophobie ». Derrière cette façade, quel projet défendent-ils ?

Guylain Chevrier : Tout d’abord, il n’y a rien d’étonnant à ce que le CCIF réagisse de façon virulente face à ce livre, en tentant de le discrédité, malgré l’évidence d’une tendance à l’islamisation en Seine-Saint-Denis depuis longtemps rapportée par bien des sources et des témoignages. Le livre ne fait ici, à l’appui de nouvelles informations, que confirmer ce que l’on savait déjà, mais par une démarche journalistique se voulant par essence distanciée au regard de tout engagement politique, ce qui nous en donne encore un relief plus cru. En apportant des éléments de preuve à ce que dénoncent de nombreux laïques, on renverse le discours du CCIF présentant l’islam uniquement comme victime d’une stigmatisation sur fond de rejet obsessionnel. On met à mal son fonds de commerce.
Le CCIF est de tous les combats qui favorisent la pénétration sans limite de la norme religieuse de l’islam dans notre société : revendication du halal à la cantine, des prières dans l’entreprise, du voile à l’école publique, n’est pas choquée par le fait que des musulmans refusent de serrer la main d’une femme, jusqu’à l’interdiction de toute critique de l’islam dénoncée comme une atteinte à la liberté de culte et une discrimination. Cette organisation invite à faire passer la religion avant tout, comme dans un pays musulmans, voire, comme dans une théocratie. Elle considère les musulmans non comme des citoyens mais comme membres d’une communauté religieuse à laquelle ils devraient être assignées et se soumettre. On peut comprendre pourquoi elle développe une telle haine de notre République, puisque cette dernière en est tout le contraire, comme Etat séparé des Eglises gouvernant au nom de la raison et non d’un dieu, ainsi que protégeant la liberté de conscience, le libre-arbitre et l’autonomie de l’individu.
Cette organisation se présente comme association antiraciste, mais c’est une imposture, car à ne défendre que l’islam, elle est tout le contraire du combat universaliste de l’antiracisme, porteur d’égalité des droits pour tous. Nous avons plutôt affaire avec le CCIF à un parti religieux qui ne dit pas son nom.  
L’usage qui est fait du terme « islamophobie », qui sous-tend une phobie et fait donc appel à une notion relative à un rejet maladif de son objet, est en parfaite adéquation avec ce projet d’un islam sans limite qui, par amalgame, assimile toute contrainte imposée aux manifestations de l’islam à un délit. Ce qui concoure à l’établissement du délit de blasphème. Ce terme de défiance vis-à-vis de toute critique crée un boulevard aux pires revendications obscurantistes. En usant d’une victimisation à outrance on pousse dans le sens d’une reconnaissance juridique de ce terme qui serait une grande défaite pour notre démocratie et procurerait un véritable passeport à l’islamisme.
Le CCIF, qui partage avec les Indigènes de la République ce procès calomnieux et honteux de la France pour racisme d’Etat, fait progresser l’idée selon laquelle la laïcité serait tournée contre les musulmans, pour mieux justifier le rejet de notre République démocratique, ses mœurs libres, l’égalité homme-femme, ainsi que la liberté de l’individu. C’est une façon de rabattre des croyants apeurés par ce discours vers lui. C’est toute une idéologie qui participe aujourd’hui de la dynamique de la radicalisation. Il n’est pas étonnant que dans ces conditions environ 30% des musulmans revendiquent en France la charia et considèrent leur religion comme un instrument de révolte contre notre société, tel qu’a pu le rapporter l’avant dernier rapport de l’Institut Montaigne sur le sujet.
Philippe d’Iribarne : Pour le CCIF, tout regard tant soi peu critique porté sur quoi que ce soit lié à l’islam est qualifiée d’islamophobe. Par principe, l’islam ne fait jamais question. Ainsi, pour lui, le problème majeur posé par les attentats du 11 Septembre 2001 est, affirme-t-il dans son rapport 2017, que ceux-ci ont « contribué à renforcer les représentations islamophobes ». L’objectif poursuivi paraît être de favoriser le développement de la contresociété islamique qui est en train de se construire en France, en s’attaquant à tout ce qui vise à limiter l’emprise de celle-ci. Dans cette perspective, la tenue islamique est un cheval de bataille majeur. Il s’agit de s’attaquer aux résistances qu’elle suscite. Les limites apportées au port de la burka sont déclarées « islamophobes », tout comme la possibilité ouverte aux entreprises de limiter le port de signes religieux en leur sein. Sa principale recommandation aux pouvoirs publics est de « cesser la stigmatisation des communautés musulmanes, et en particulier celle des femmes voilées dans les discours. ». Il a parfaitement compris combien est précieuse la capacité de cette tenue à mettre à part un monde dont l’islam est la référence majeure.

Quelle est leur manière de fonctionner ? Jeter en pâture le nom des étudiants ayant participé à l'enquête est-il une technique d'intimidation ?

Guylain Chevrier : Dans le prolongement de la victimisation à outrance et la provocation à la haine contre la République française qui est le socle de la propagande du CCIF, c’est une pratique typique des groupes de pression. La fin justifie les moyens, les plus arbitraires et retors, chez ceux dont le but est d’imposer leur unique vision du monde aux autres, à l’ensemble de la société. Ainsi, la revendication du droit supérieur des musulmans à vivre sans entrave leur religion quitte à l’imposer aux autres, montre que n’est nullement respectée la diversité au nom de laquelle il est prétendu ici défendre la liberté des musulmans. C’est tout à fait typique de ce double langage que les militants islamistes pratiquent, comme l’a toujours fait par exemple un Tariq Ramadan, en sachant utiliser les libertés que notre société procure pour en faire un instrument pour l’atteindre, et la déstabiliser. On doit avoir en mémoire que le CCIF a fait une série de procès à des intellectuels français qui ont eu le courage de dénoncer les risques de cette vision d’un islam communautariste agressif et militant, d’un islam politique. Mais il n’a pas obtenu gain de cause à son attaque contre la liberté d’expression. Ce livre vient renforcer l’exigence de notre vigilance mais aussi la nécessité d’agir pour contrecarrer un courant religieux radical qui n’hésite pas à faire pression sur les individus, à jouer d’intimidation, et ne s’arrêtera que si on déjoue son idéologie.
Philippe d'Iribarne : Un mode d’action privilégié est, de manière générale, de chercher à disqualifier et à intimider ceux qui portent un regard critique sur l’islam ou certains aspects de celui-ci et de son emprise. Pour une part le CCIF les poursuit en justice (pensons par exemple à Georges Bensoussan) et pour une autre part il les livre en pâture aux réseaux sociaux.  Ce n’est pas lui qui a dévoilé le nom des étudiants ayant participé à l’enquête (Ivanne Trippenbach, Célia Mebroukine, Romain Gaspar, Hugo Wintrebert et Charles Delouche), lesquels ne cherchent nullement à se cacher, bien au contraire.  Mais il cherche à les disqualifier en affirmant qu’ils sont « source de discrédit » pour « tout un pan de la profession de journaliste ». De plus, en publiant sur son compte twitter les coordonnées de leurs comptes, il  a incité ses « followers » à dénoncer leur travail et à les poursuivre de leur vindicte même si, hypocritement, il est affirmé qu’il s’agissait seulement de les « interpeller ». La tactique est éprouvée : en disqualifiant ceux qui évoquent des réalités dérangeantes, on se débarrasse de ces réalités.

Les sphères médiatiques et politiques font-elles preuve de naïveté voire de complaisance avec ce type d'organisme ?

Guylain Chevrier : Cela s’est révélé, lorsque le journal le Monde a cru bon d’ouvrir ses colonnes à cette organisation pour lui offrir une honorabilité et une surface médiatique dont elle ne disposait pas. Ce qui lui a surtout permis de conquérir une écoute auprès de nos concitoyens de confession musulmane, usant d’une influence très négative auprès d’eux au regard de l’intégration républicaine, qu’elle rejette en bloc. Le 31 octobre 2016, Marwan Muhammad, principale figure du CCIF, a eu droit à une pleine page dans ce journal, pour se poser en avocat naturel d’un islam présenté comme mal aimé dans une France qui ne l’accepterait pas, lorsque ce qu’elle n’accepte pas, c’est précisément cette dérive que symbolise parfaitement le CCIF.  C’est bien d’ailleurs cette dérive que dénoncent les deux journalistes qui ont écrit ce livre, à l’échelle du département de la Seine-Saint-Denis, et qui se résume dans la volonté de porter la norme relieuse au-dessus de la loi commune, des lois de la République, en promouvant un communautarisme mortifère et menaçant. C’est à Saint-Denis qu’a été rendu possible, un mois après les attentats de Paris, que puisse se tenir un meeting rassemblant Marwan Muhammad, les frères musulmans et les adeptes du Parti des Indigènes de la République, pour dire qu'ils n'étaient « pas Charlie ». Le livre Inch'Allah montre les dégâts du clientélisme politique de certains élus qui savent bien que la construction d’une mosquée assure le report d’un vote musulman, avec les risques que comprend le fait de traiter des citoyens avant tout comme une « communauté » religieuse.
Il y a aussi les responsabilités de ceux qui invitent régulièrement dans des colloques universitaires cette association qui n’a de cesse de caricaturer la France comme raciste, avec des études présentant des chiffres sur fond de dénonciation de « l’islamophobie » de notre société, qui n’ont aucun fondement en dehors de leur caractère partisan. L’exagération dans ce domaine peut être assez manifeste, lorsqu’on sait que sous ce vocable sont intégrées les restrictions légales de manifestation religieuse, jusqu’aux expulsions d’imams, en passant par la fermeture de mosquées salafistes. Mais malheureusement ces études peuvent passer pour vraies d’autant mieux qu’on y donne un écho dans certains grands médias ou des lieux d’expression du savoir.
Il y a sans doute aussi des responsabilités à pointer du côté des majorités gouvernementales qui se sont succédé depuis vingt ans, laissant proliférer le salafisme dans les quartiers, en totale opposition avec nos lois et nos valeurs, pourvoyeur du voile intégral, symbole qu’on enterre des femmes vivantes avec leurs droits sous nos yeux. Le dernier rapport de l’institut Montaigne tire le signal d’alarme parlant d’« une forte progression de l'idéologie islamiste chez les musulmans de France", et du fait que les salafistes « gagnent du terrain à l’intérieur de « la communauté », surtout chez les moins de 35 ans (Comment le salafisme progresse en banlieue. Guylain Chevrier). On ne peut oublier que la plupart des terroristes ayant sévi sur notre sol sont issus de la mouvance salafiste. Ne serait-il pas temps d’interdire ce courant de l’islam qui joue contre notre société et par là-même contre la place légitime que doivent trouver nos concitoyens de confession musulmane dans notre République. Ce qui constitue un véritable danger pour notre paix civile. Un manque d’unité des forces politiques et des forces laïques par trop divisées fait défaut pour pouvoir peser, face à cette montée de l’islamisation de certains espaces de la société française, que ces deux journalistes ont eu le courage de révéler à leur façon au grand jour.
Philippe d'Iribarne : Les réactions à leur égard sont très diverses, comme de manière générale envers tout ce qui touche à l’islam. Pensons par exemple à l’affrontement entre Charlie Hebdo et Médiapart à propos de Tariq Ramadan. La société française est très clivée entre ceux pour qui l’emprise de l’islam représente un danger et ceux pour qui ce danger est imaginaire et ce serait l’islamophobie ambiante qui ferait problème. Les premiers accusent les seconds de complaisance envers ce type d’organismes et les seconds accusent les premiers d’islamophobie. Ce clivage se retrouve parmi les politiques comme dans les média. On peut évoquer comme figures emblématiques de positions opposées Alain Juppé, plutôt complaisant, et Manuel Valls ferme dénonciateur. Dans la presse, Libération est plutôt du côté complaisant, Le Figaro du côté dénonciateur. La manière dont le CCIF s’attaque, à propos du livre, à deux journalistes vedettes du Monde, va peut-être rendre celui-ci, plutôt hésitant, plus critique par rapport à cette mouvance.

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