Afrique : le grand loupé de la vaccination<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Une femme se fait vacciner contre la Covid-19, le 08 décembre 2021, au Cap, en Afrique du Sud.
Une femme se fait vacciner contre la Covid-19, le 08 décembre 2021, au Cap, en Afrique du Sud.
©RODGER BOSCH / AFP

Stratégie vaccinale

L'objectif de l'OMS visant à atteindre des taux de vaccination avec un schéma vaccinal complet chez 40% de la population dans tous les pays d'ici la fin décembre 2021 a été manqué dans la plupart des pays d'Afrique. Seuls sept nations du continent africain ont atteint l'objectif de 40%.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

Voir la bio »

Atlantico : Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus, l’Organisation Mondiale de la Santé avait émis pour objectif que chaque pays africain atteigne un taux de vaccination complet de 40 %. À ce jour, ce taux est de 9 % et seuls sept pays africains ont atteint l'objectif de l’OMS. Les meilleurs élèves sont de petits pays insulaires, qui font face à un défi logistique moindre : les Seychelles et Maurice ont entièrement vacciné plus de 70 % de leur population, le Cap-Vert environ 45 %. Comment expliquer un tel retard ?

Charles Reviens : Le tableau de bord de l’Africa Centre for Disease Control indiquait au 1er janvier que 13,65% de la population africaine avait reçu une dose, 9,11% 2 doses (contre plus de 60 % dans les pays développés) et 0,31 % la 3ème dose « booster ».

Par ailleurs la situation est beaucoup plus divergente que par exemple en Europe. D’un côté les pays insulaires (Seychelles, Ile Maurice, Cap Vert, Sao Tomé, Comores), certains pays du Nord (Maroc, Tunisie, Egypte) ou raisonnablement prospères et organisés (Botswana, Rwanda) ont des niveaux relativement élevés de vaccination, de l’autre des pays où moins d’une personne sur vingt a reçu la première dose, parmi lesquels on voit notamment toute la bande sahélienne (Mali, Tchad, Niger).

Plusieurs raisons expliquent cette situation et un écart manifeste avec par exemple les pays développés. La première est la disponibilité des doses : seules 3 % des doses administrées dans le monde l’ont été en Afrique.

À Lire Aussi

Covid-19 : la jolie réussite sénégalaise

Comme l’indiquait au 24 décembre le bureau Afrique de l’OMS, les doses disponibles en Afrique proviennent essentiellement de dons souvent réalisés sans réelle planification de moyen terme, avec des fournitures annoncées sans notification préalable et des  durées de vie limitée des vaccins. L’OMS demande que les livraisons soient annoncées au moins un mois à l’avance avec des doses ayant une durée de vie d’au moins 2,5 mois.

Cela a probablement rendu les programmes de vaccination particulièrement compliqués à construire sur le plan logistique, alors même que les infrastructures sanitaires, le financement de la formation et le déploiement du personnel chargé de la vaccination, les dispositifs de stockage sont souvent limités ou fragiles.

Il faut également sans doute un sentiment de moindre urgence pour la vaccination au vu de la moindre gravité de la pandémie en 2020. L’OMS envisage enfin l’hypothèse d’une plus faible acceptation de la vaccination, qui se manifeste par exemple par la faible taux de vaccination des personnels soignants africains.

Les États africains se sont appuyés sur une combinaison d'accords bilatéraux et de dons qui visent à aider les pays les plus pauvres à obtenir des vaccins. Où en sont ces accords ?

Les doses disponibles en Afrique proviennent de deux programmes internationaux et d’accord bilatéraux entre certains pays africains et des pays producteurs.

51 pays africains sur 54 sont bénéficiaires de l’initiative COVID-19 Vaccines Global Access « COVAX » conduite par l’OMS et impliquant les firmes pharmaceutiques pour « garantir aux pays du monde entier un accès équitable aux vaccins", Le financement du programme est construit sur l’instrument de financement COVAX AMC qui avait atteint son objectif de collecte de fonds de 10 milliards de dollars en juin dernier. COVAX est complété par le programme African Vaccine Acquisition Trust (AVAT) porté par l’Union africaine et concernant 38 pays avec l’objectif d’immuniser 60 % de la population africaine.

À Lire Aussi

Covid-19 : l’effet boomerang en provenance des pays pauvres largement sous-estimé par les gouvernements occidentaux

Africa CDC indique par ailleurs que 51 pays ont conclu de accords bilatéraux de distribution et on constate de fait une forte présence en Afrique des vaccins chinois Sinopharm et russe Sputnik V.

L’OMS a réalisé fin novembre un point de situation sur les différents mécanismes de dons aux pays africains et a demandé aux donateurs et aux fabricant différentes améliorations notamment logistiques à compter du 1er janvier 2022 : volume minimal important des doses livrées, progrès en matière d’identification des vaccins mis à disposition, 10 semaines minimum de durée de vie des doses, 4 semaines minimum d’information préalable sur les livraisons, disponibilité des fonctions de support et d’assistance de la part des industriels.

Le nombre de cas officiels de Covid-19 en Afrique est particulièrement bas (environ huit fois moindre) comparé à ceux de l’Europe, de l’Asie ou de l’Amérique, comme indiqué dans le centre de données de l'agence de presse Reuters. Peut-on penser que ces chiffres soient fiables ? Le système de santé des pays africains permet-il d’effectuer un suivi correct de la population ?

Je ne suis ni un épidémiologiste ni un économiste de la santé et me limite donc à l’analyse des données publiques en la matière.

Si l’on regarde les données de l’université Johns Hopkins par continent et concernant les décès liés à la pandémie covid, il est clair que le profil de l’Afrique ressemble beaucoup à celui de l’Asie et que jamais ce continent n’a connu les flambées léthales qu’on connu l’Amérique (Nord & Sud) ou l’Europe.

À Lire Aussi

Variant Omicron : voilà à quoi ressemblerait une stratégie intelligente face au dernier rebondissement Covid

Il n’est pas exclu que ces données soient sous-évaluées notamment en ce qui concerne les contaminations du fait d’un manque de tests. L’OMS a remis en cause fin octobre les chiffres de contamination en considérant que 6 cas positifs sur 7 ne seraient pas détectés, avec 59 millions de cas positifs contre 8 officiellement déclarés à cette date.

Il n’en demeure pas moins qu’un écart de un à onze existe entre les morts covid cumulées par unité de population entre la France (1 830 décès par millions d’habitants à ce jour) et l’Afrique (165). Cela tient peut être à de bonnes pratiques comme celle décrite dans ma contribution de mai 2021 sur le Sénégal, mais aussi sans doute très largement au fait que la maladie affecte avant tout les personnes âgées et que l’Afrique bénéficie en la matière de la jeunesse de sa population : 5% des Sud-Africains ont plus de 65 ans contre 20% des Français.

Le Nigeria, qui affiche le plus gros PIB du continent (397 milliards de dollars en 2018 selon le FMI) affiche un taux de vaccination complet de seulement 2,1 %. L’économie africaine est-elle touchée par ce retard ?

Le FMI a publié en octobre 2021 ses perspectives actualisées sur l’Afrique subsaharienne. Après une contraction historique de près de 4 %, les taux de croissance 2021 et 2022 sont respectivement de 3,7 % et 3,8% grâce à la hausse des cours des produits de base et par l’amélioration du commerce mondial et des conditions financières globales.

Il n’en demeure pas moins que ce rebond est selon le FMI relativement modeste par comparaison aux autres régions, d’où un creusement des écarts de revenu avec les pays avancés.

À Lire Aussi

La menace Omicron : que faire pour protéger l’économie française d’un nouveau choc ?

Le sujet vous intéresse ?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !