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Affaire Benalla : ce qui a choqué les Français
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Bonnes feuilles

Rémy Prud’homme publie "Cent cailloux dans la chaussure de M. Macron" aux éditions L’Artilleur. Rémy Prud’homme a rédigé au jour le jour, tout au long des trois dernières années, de brèves analyses. Ses billets en forme de miniatures sont autant de petits cailloux qui marquent les erreurs et autres partis pris qui ont trop souvent émaillé le chemin de ce quinquennat. Extrait 1/2.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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80 % des Français se disent « choqués » par l’affaire Benalla. Un peu par ce qui s’est passé le 1er mai, beaucoup par ce qui a eu lieu avant, et plus encore par ce qui est arrivé après.

Le 1er mai, un cogneur a cogné. C’est mal, et illégal. Mais assez banal. Personne n’a été tué, ni même blessé grièvement. Sans aller jusqu’à parler de « bagatelle » (comme l’a fait je ne sais plus quel macroniste), les Français comprennent que cela peut arriver. Et ce n’est pas cela qui les choque le plus.

Ce qui n’est pas une bagatelle, en revanche, c’est ce qu’on a appris sur l’avant 1er mai, sur l’itinéraire du jeune et fougueux cogneur. Pour la seule raison qu’il est devenu le chouchou du Président, il a en quelques mois obtenu : le salaire d’un très haut fonctionnaire (7 100 € brut par mois ; c’est plus que le salaire – en fin de carrière, pas à 25 ans – d’un conseiller d’État, d’un professeur au Collège de France ou d’un général de division) ; une autorisation de port d’armes (auparavant refusée deux fois) ; une voiture de luxe avec chauffeur et gyrophares ; une habilitation secret défense ; un (très rare) badge d’accès à l’hémicycle de l’Assemblée nationale ; un grade de lieutenant-colonel dans la réserve de la gendarmerie ; et sans doute bien plus. Ces privilèges népotiques choquent profondément les Français, même si M. Macron et ses marcheurs les trouvent parfaitement normaux.

Ce qui est sans doute pire, c’est l’après 1er mai : dissimulation, mensonges, auto-absolution, et impunité. Il y a d’abord la dissimulation. Les plus hautes autorités de l’État sont totalement informées dès le 2 mai, mais elles cachent la « bagatelle » pendant près de trois mois, dans l’espoir – déçu grâce à la presse – que les Français n’en sauront rien. Il y a ensuite les mensonges. Le plus visible, mais pas le plus grave, est l’annonce dix fois répétée par les porte-parole officiels d’une retenue de 50 % du salaire du délinquant : en réalité, ce salaire a été intégralement versé en mai et en juin. Troisièmement, il y a l’auto-absolution. Loin d’être puni, M. Benalla est récompensé. En juin et juillet, il participe à mille réunions sur la sécurité ou les cérémonies, avec plus d’autorité que jamais. C’est le moment où un logement de fonction lui est attribué : qui ne voudrait être « sanctionné » de cette façon ? Les Français étant de plus en plus choqués, vient le moment où il faut se résoudre à licencier M. Benalla – à annoncer qu’on va le licencier. Mais on le fait à regret, avec les honneurs, les remerciements, les félicitations : « Un collaborateur parfait, je suis fier de l’avoir embauché. Je le ferais encore si j’avais à le faire. » On sent M. Benalla promis à une belle carrière en macronie.

Enfin, il y a l’impunité. Personne ne sera sanctionné. Partout ailleurs dans le monde, coupables ou non, les « responsables » d’une telle situation auraient déjà démissionné. Pas dans la France du nouveau monde, qui se revendique « sans fusibles ». « Je suis le seul coupable, dit le chef de l’État, et je ne suis pas sanctionnable ; qu’ils viennent me chercher ! » (On dirait une formule d’Audiard.) Aucune sanction ? Non, il y a bien quelqu’un qui sera puni : celui ou celle qui a révélé que M. Benalla avait un badge d’accès à l’hémicycle ; ce criminel d’État est activement recherché à et par l’Assemblée nationale. Les dealers de banlieue aussi jouissent d’un sentiment d’impunité qui, dit-on, contribue à expliquer leur comportement ; du moins ne s’en vantent-ils pas. Plus que les coups de poing de M. Benalla, c’est tout cela qui choque les Français.

Le plus triste est sans doute que ce népotisme d’avant et cette impunité d’après ont le soutien sans faille de tous les marcheurs. Quelques-uns semblent bien avoir éprouvé un peu de gêne et d’hésitation. Mais ils se sont vite ressaisis, ils ont mis leurs scrupules dans leur poche pour mieux applaudir des deux mains. Cerise sur le gâteau : la chaleureuse approbation de M. Bayrou, le célèbre professeur de vertu civique.

« All the world is a stage », dit Shakespeare. Sur la scène éblouissante du pouvoir macronien, les coups de M. Benalla et de son comparse sont sans doute un détail. Mais un détail shakespearien. Qui en dit long sur les coulisses, sur les réalités, sur l’essentiel. La troupe s’efforce en hâte de tirer le rideau, mais les spectateurs ont compris.

Extrait du livre de Rémy Prud’homme, "Cent cailloux dans la chaussure de M. Macron", publié aux éditions L’Artilleur.

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