Accro aux primes à la casse : l'industrie automobile est-elle encore capable de vendre des voitures à prix réels ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Peugeot multiplie les actions promotionnelles pour vendre ses voitures.
Peugeot multiplie les actions promotionnelles pour vendre ses voitures.
©Reuters

Coûte que coûte

Peugeot multiplie les actions promotionnelles pour vendre ses voitures, allant jusqu'à ressusciter la prime à la casse pratiquée par l'Etat entre 2008 et 2010. En plein marasme, l'industrie automobile française n'arrive pas à se maintenir sans baisser artificiellement ses prix.

Bernard Jullien et Christophe Benavent

Bernard Jullien et Christophe Benavent

Bernard Jullien est économiste.

Il est directeur général du réseau international Gerpisa (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’Automobile).

Christophe Benavent est professeur à Paris Ouest. Il enseigne la stratégie et le marketing et dirige le Master Marketing opérationnel international l. Il assure aussi la responsabilité de la rubrique "Digital" de la revue Décision Marketing.

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Atlantico : Avant le lancement de la nouvelle 308 en septembre, Peugeot brade par tous les moyens la première version de ce véhicule, notamment en proposant une remise de 5 500 euros, ou encore en reprenant au prix de l’Argus les anciens véhicules de moins de huit ans. Pourquoi, structurellement, les constructeurs n'arrivent-ils pas à vendre leurs voitures à prix réel en France ? Les coûts de fabrication sont-ils trop élevés ?

Bernard Jullien : On voit ici se croiser deux problématiques, l'une est conjoncturelle, l'autre est plus structurelle. Sur le plan culturel, on a en Europe des politiques d'austérité, des niveaux et des perspectives d'activité très faibles - dans certains pays comme l'Espagne - des niveaux d'endettement des ménages qui impliquent depuis 2011 des niveaux de demande particulièrement faibles historiquement et, donc, des surcapacités importantes. Dans ce contexte, les constructeurs ne cessent de réviser à la baisse leurs plans de production mais produisent tout de même plus que ce que le marché leur demande spontanément. En découle cette course aux rabais à laquelle personne ne peut échapper, sauf à laisser filer ses parts de marché, avec la crainte que ce soit pour toujours.

De manière plus structurelle, avant même que la crise de 2008 ne se noue, on constatait une difficulté croissante à vendre des véhicules neufs aux ménages et un équipement de ceux-ci de plus en plus volontiers assuré via le marché de l'occasion. Ceci correspond au fait que les constructeurs ont tendance à positionner leurs produits trop haut en prix par rapport à ce que les ménages consentent à payer pour leurs automobiles : la concurrence et les règlementations poussent les fabricants d'automobiles à changer de plus en plus fréquemment leurs modèles, à les diversifier, à introduire de génération en génération des nouveautés technologiques ; tout ceci coûte cher et induit une forme de "sur qualité", non pas que les voitures soient trop bien, mais au sens où les clients ne sont pas prêts à payer les progrès que l'on leur propose.

La crise que traverse le secteur justifie-t-elle le recours à des incitations qui ne sont pas sans rappeler la prime à la casse anciennement pratiquée par l’État ? Cela aidera-t-il pour autant les constructeurs à se porter mieux ?

Evidemment, les incitations publiques ou privées à l'achat sont des pis aller et correspondent au fait que, contrairement à ce que prétendrait une certaine mythologie, la crise ou les crises ne posent pas les bases d'un développement du business automobile qui pourrait demain se structurer sur des bases assainies. C'est l'inverse qui se produit : les problèmes restent entiers et ni les directions d'entreprises, ni les gouvernements ne parviennent à se soustraire aux urgences associées à la lutte pour la survie des sites voire des entreprises. La question posée est celle de la "valeur" des automobiles, du service qu'elles rendent et des qualités dont on les dote. Elle mérite d'être explicitée pour que le "new deal" automobile dont chacun sait qu'on a besoin puisse enfin s'élaborer.

En conséquence, quelles réformes s’imposeraient pour que le secteur automobile puisse proposer ses produits à des prix attractifs, qui ne soient pas maintenus artificiellement bas ?

Là encore, une part importante de la question dépasse l'automobile et renvoie aux politiques économiques en Europe dont le niveau de la demande dépend. Une autre part est plus strictement automobile et passe par des programmes du type véhicule à 2 litres aux 100 kms, qui cherchent à inciter les industriels à se pencher sur des innovations qui, pour les ménages comme pour la société ont une valeur incontestable. Comment rajeunir et assainir le parc tout en permettant aux ménages européens de rester dans une "enveloppe" acceptable ? Voilà le type de question auxquelles le secteur doit répondre avec l'aide des politiques européennes et nationales. Il y a encore du chemin à faire.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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