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A Los Angeles, imbroglio financier autour de la NFL
©Flickr/ Jon Morgan

USA Business

Los Angeles n’a plus d’équipes en NFL depuis 1994 et pourrait se retrouver avec trois franchises à partir de 2016 grâce à trois projets en cours. Mais tout cela n’est pas franchement réaliste, voici pourquoi. Chaque vendredi, des nouvelles du business aux Etats-Unis avec France USA Media.

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Aucune équipe professionnelle de football américain n’est installée à Los Angeles depuis plus de 20 ans, et cela fait tache. La métropole californienne avait, jusqu’au milieu des années 1990, deux franchises : les Los Angeles Raiders et les Los Angeles Rams. Elles ont déménagé respectivement à Oakland et Saint-Louis. Quant aux Chargers, ils ont commencé à jouer à Los Angeles en 1960. Mais ne sont restés qu’un an, trouvant l’herbe plus verte à San Diego. Les stades de ces trois équipes étant désormais trop vieux, le besoin de changement se fait ressentir.

Les pourparlers entre les Chargers et le Conseil municipal de San Diego pour le remplacement du Qualcomm Stadium, vieux de 50 ans et ne correspondant plus aux standards de la NFL, sont de plus en plus tendus. L’O.co Coliseum d’Oakland, encore plus vieux que le Qualcomm, a été confronté dernièrement à des problèmes d’égouts et d’électricité. Enfin, l’Edward Jones Dome de Saint-Louis ne convient plus au propriétaire des Rams, Stan Kroenke, qui souhaite en avoir un tout neuf.

Ces trois franchises désirent donc faire leur grand retour à Los Angeles et deux projets de stades sont en cours. Les San Diego Chargers et les Oakland Raiders veulent partager un domicile à Carson, dans la banlieue de Los Angeles, pour un coût estimé à 1,7 milliard de dollars. Le propriétaire des St. Louis Rams, Stan Kroenke, travaille de son côté sur un stade de 80 000 sièges pour près de 2 milliards de dollars à Inglewood, toujours dans la banlieue de la métropole californienne. Mais est-ce que la ville de Los Angeles, si grande soit-elle, peut absorber à elle seules trois franchises en même temps ? Pour Pierre-Luc Jacob, économiste des sports américains, passé par UCLA, les trois projets sont un “écran de fumée”. Et pour cause, plusieurs questions d’ordres économiques demeurent.

Selon les règles en vigueur en NFL, la prochaine occasion pour une équipe de demander une délocalisation ne surviendra pas avant janvier 2016. Plusieurs obstacles devront ensuite être franchis. Il faudra d’abord obtenir l’accord des autres équipes. Pour déménager, une franchise doit recevoir l’appui d’au moins 24 des 32 clubs de la NFL. Et ce n’est absolument pas certain qu’ils acceptent. L’arrivée de trois équipes dans une même ville amène à se poser la question des retombées économiques pour la ligue et pour les autres franchises.

“A la seconde où le premier projet de stade est signé, l’autre tombera à l’eau”, assure l’économiste Pierre-Luc Jacob. La raison est simple : si les propriétaires menacent de déménager, c’est pour que la population de la ville clame haut et fort leur désaccord. “Pour les fans, voir son club de toujours s’installer loin de chez soi, c’est un déchirement”, ajoute Pierre-Luc Jacob. En criant à l’injustice, les supporters pourraient bien réveiller la mairie. “Si Saint-Louis sent réellement que Stan Kroenke est prêt à quitter la ville, ils feront en sorte au dernier moment d’émettre une contre-proposition et d’aider financièrement dans la construction d’un nouveau stade”, explique-t-il.

Les propriétaires souhaitant toujours de l’aide pour payer une partie de la facture, ils attendent aussi une réaction de la part des acteurs privés locaux. “C’est un véritable poker menteur”, déplore-t-il. Il y a deux ans, les Jacksonville Jaguars et les Minnesota Vikings avaient annoncé leur départ pour Los Angeles. Finalement, les premiers ont rénové leur stade et les deuxièmes en ont construit un nouveau, qui recevra d’ailleurs le Superbowl en 2018.

Si une première équipe vient à L.A., les autres n’auront aucun intérêt à venir. Les habitants du grand Los Angeles attendent depuis plus de 20 ans d’accueillir de nouveau une équipe NFL, mais si trois clubs s’implantent d’un seul coup, cela divise forcément l’impact, même dans cette grande mégalopole comptant près de 18 millions d’habitants.

Dans l’agglomération de Los Angeles, les habitants sont déjà très gâtés. Ils ont deux franchises de basket-ball en NBA (L.A. Clippers et L.A. Lakers), deux de baseball en MLB (L.A. Dodgers et L.A. Angels) et deux de hockey sur glace en NHL (L.A. Kings et Anaheim Ducks). Sans compter le nombre important d’évènements en tous genre qui se déroulent chaque semaine. Et en ce qui concerne le football américain ? Los Angeles est une des rares villes à avoir deux très bonnes universités qui font partie des meilleures de tout le pays : UCLA (University of California Los Angeles) et USC (University of Southern California). Aux Etats-Unis, l’importance des sports universitaires est colossale. UCLA, c’est 88 millions de dollars de revenus annuels rien que pour les programmes sportifs. Certaines équipes NCAA (ligue universitaire) remplissent même beaucoup mieux leur stade qu’en NFL.

De plus, ces facultés se trouvent au centre de L.A., alors que celles-ci sont généralement situées en dehors de la ville. A titre de comparaison, New York peut se permettre d’avoir deux franchises NFL (N.Y. Giants et N.Y. Jets) car elle ne compte aucune grande université de football américain. S’il y a donc de vrais fans de ce sport à Los Angeles, ils ont déjà une bonne raison de dépenser leur argent en allant voir les Bruins de UCLA ou les Trojans de USC. “Ce n’est donc pas une création de richesse, mais un déplacement de richesse”, expose Pierre-Luc Jacob.


L’un des principaux moyens de financer un stade aujourd’hui s’appelle le naming rights. Cela consiste à donner à une enceinte sportive le nom d’une marque ou d’une société. “En moyenne, les contrats sont de 10 ans pour 200 000 millions de dollars”, explique l’économiste. En venant s’installer à Los Angeles, les propriétaires des franchises savent que plusieurs compagnies californiennes seront certainement très intéressées et voudront chacune faire la plus belle offre. S’il y a deux nouveaux stades en même temps, la somme est divisée par deux car, encore une fois, l’impact sera partagé avec l’autre projet.

“Si les trois clubs portent le nom de Los Angeles, cela divise l’attrait aux niveaux national et international”, affirme-t-il. Les nouveaux stades pourraient voir le jour à Carson et à Inglewood, mais les deux endroits se situent dans la ville, à seulement 22 kilomètres de distance. A San Francisco, il y a deux franchises : Oakland Raiders et San Francisco 49ers. Mais les stades sont à plus d’une heure de distance en voiture. Dès lors, il est possible d’avoir une coexistence et un marché différent. De plus, ils ne portent pas tous les deux le nom de San Francisco. Les Raiders se trouvant dans la baie d’Oakland. “Et encore, les 49ers n’ont jamais réussi à remplir leur nouveau stade, le Levi’s Stadium, depuis son inauguration en juillet 2014″, ajoute l’économiste du sport. La seule fois où il y a eu un guichet fermé, c’était pour une compétition de catch. C’est d’ailleurs grâce à ce type d’évènements que San Francisco rentabilise son stade. Peu d’enceintes de ce calibre peuvent y prétendre dans cette ville. Ce qui n’est pas le cas de Los Angeles.

Quand on construit un nouveau stade, on attend forcément d’accueillir d’autres évènements que les matchs de sa propre équipe. D’autant plus que la saison de NFL ne se déroule que de septembre à février, à raison d’un seul match toutes les deux semaines. Mais Los Angeles regorge déjà de nombreuses enceintes, aussi bien sportives que culturelles. Si un stade peut éventuellement faire jouer un peu la concurrence, l’implantation d’un deuxième serait un sérieux problème. En outre, la plupart des organisateurs d’évènements préfèrent généralement se concentrer dans des villes où la manifestation ne sera pas parasitée par un autre concert, match ou tournoi qui se passerait au même moment. Comme il est souvent le cas à Los Angeles.

“Les promoteurs vendent actuellement de la poudre aux yeux à des gens qui n’ont pas la connaissance nécessaire pour analyser la situation. Les deux stades les plus chers de la NFL qui arriveraient dans la même ville au même moment ? C’est impossible”, conclu l’économiste. Alors finalement, combien viendront à Los Angeles ? Réponse dans quelques mois.

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