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A combien s’élèverait la hausse de l’électricité si nous n’étions pas dans le système européen ?
A combien s’élèverait la hausse de l’électricité si nous n’étions pas dans le système européen ?
©JEFF PACHOUD / AFP

Grilles tarifaires

Bruno Le Maire a annoncé une augmentation de 8,6 % à 9,8 % sur le prix de l'électricité, actant la fin du bouclier tarifaire. Cette hausse serait-elle encore plus élevée si la France était hors du cadre européen ?

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Quel serait le pourcentage ou le taux de la hausse de l’électricité si nous n’étions pas dans le système européen ? A combien s’élèverait la hausse de l’électricité si nous n’étions pas dans le système européen ? Comment ce coût serait calculé ? Ces hausses seraient-elles beaucoup plus importantes que les annonces de Bruno Le Maire sur l’augmentation de la facture d'électricité entre 8,6 % et 9,8 % ?

Damien Ernst :Le contexte actuel du marché de l’énergie en Europe a permis d’aboutir à une forte diminution du prix du gaz et de l'électricité sur les marchés de gros, par rapport à la période difficile de la crise énergétique. Lorsque vous faites référence à un calcul des prix hors de l’encadrement du système européen, cela concerne les prix sur les marchés de gros. Donc d'un côté, le prix de ces commodités dans le marché européen a diminué. Le gaz aujourd'hui est à 26 € par mégawattheure. Il est important de rappeler qu'au cœur de la crise, il est monté à plus de 300 €. La situation actuelle se situe à des niveaux de prix de 2014, très bas, autour de 24 ou 26 € par mégawattheure. Les tarifs sont donc en dessous des prix de 2014 si on prend en compte l'inflation. Mais maintenant, si les Français étaient réellement exposés aux prix des gros marchés de gros dans leur contrat de fourniture d'électricité, sans protection, ils ne paieraient pas beaucoup plus cher que leur tarif régulé.

Au regard de cette réalité du marché et du coût de l’électricité, le tarif réglementé de l'électricité n'est plus vraiment avantageux en France par rapport aux tarifs que vous pouvez trouver par rapport à un tarif non réglementé.

L’Europe protège-t-elle vraiment bien les différents pays et les citoyens malgré les critiques sur le marché de l’énergie européen ?

Chaque pays pendant la période de crise énergétique a déployé des mécanismes pour amortir la facture d'électricité et de gaz pour leurs citoyens. Les Français ont été nettement moins exposés que les autres pays parce qu’ils bénéficiaient de ces tarifs réglementés.

Il n'y a pas beaucoup de pays qui disposent de tarifs réglementés. Cela a permis d’être protégé naturellement. Les autres gouvernements sont venus avec des mesures d'exception. Les Français ont bénéficié du système ancestral du tarif réglementé.

Maintenant, avec la hausse des prix annoncée par Bruno Le Maire et la baisse des prix sur le marché, le tarif réglementé n'est plus tellement intéressant pour les Français.

La France est-elle ou serait-elle avantagée par rapport à ses voisins européens, notamment grâce au nucléaire et à l’encadrement des tarifs ?

L'encadrement des tarifs permet à la France d’être particulièrement avantagée. Le nucléaire aide toujours la France à avoir une zone de prix sur les marchés de gros qui est avantageuse.  De plus, les ménages français et beaucoup d'industries bénéficient toujours de l’ARENH, avec des prix qui sont à moins de 50 € par mégawattheure, largement en-dessous des prix du marché. Donc ils bénéficient toujours au travers de l’ARENH d'une électricité et du nucléaire bon marché.

Qu’est-ce qui se cache derrière cette augmentation du tarif de l'électricité ?

Cela cache une volonté du gouvernement de mettre fin  aux tarifs régulés de l'électricité. Cela se traduit en une stratégie étatique de les mettre au même niveau que le marché, voire même un peu plus cher que le marché, de sorte que les gens abandonnent ces tarifs là et que l'Etat puisse poursuivre sa libéralisation du secteur de l'électricité, comme cela se déroule dans les autres pays. Ces contrats régulés pour l'électricité sont considérés comme étant des contrats du passé. Ils ne donnent pas d'incitations pour consommer au bon moment, pour acheter de l'électricité différemment, par exemple directement de parcs d'énergie renouvelable en utilisant des contrats bilatéraux. 

De plus, tous ces tarifs régulés handicapent fortement EDF qui a besoin de financements pour lancer la construction de nouvelles centrales nucléaires.  

Le spectre de la crise énergétique pourrait-il relancer les inquiétudes sur les tarifs réels ? 

La crise énergétique est derrière nous. Les tarifs ont atteint ceux de 2014. Mais il suffirait de quelques frappes de drones sur des terminaux LNG pour que les tensions repartent de plus belle. On note que toutes les semaines, il y a des frappes de drones sur des infrastructures énergétiques, principalement en Ukraine et en Russie. Il suffirait de quelques frappes de drones bien placées pour que cette crise puisse repartir. Mais pour l'instant les marchés sont moins anxieux. Il n'y a plus cette peur des marchés  par rapport à cette grande incertitude géopolitique. 

Qu'en est-il du prix de l'électricité dans d'autres pays européens ?

Le coût de l’électricité en dehors des protections européennes est  plus élevé dans d’autres pays comme la Belgique, la Danemark et l’Allemagne.

La différence principale avec la France, c'est que ces pays paient beaucoup de subventions au renouvelable, une sorte de taxe verte sur leurs factures. Et ces autres pays européens ne bénéficient pas de l’ARENH, de l'accès régulé au nucléaire historique qui permet un approvisionnement en électricité bon marché pour une certaine partie du volume de sa facture. Mais encore une fois,  l’ARENH et les systèmes de tarifs réglementés sont amenés à disparaître en France très prochainement.

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