Moins de 50% des Français paient l'impôt sur le revenu : comment la France s'enferre dans un système pervers<!-- --> | Atlantico.fr
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Moins d'un Français sur deux paient l'impôt sur le revenu
Moins d'un Français sur deux paient l'impôt sur le revenu
©D.R.

Fiscalité

Si le nombre de foyers fiscaux augmente légèrement à 37 millions, le pourcentage de foyers imposés est en recul : de 53% en 2013 à 48,5% en 2014. Moins d'un sur deux, le plus bas niveau depuis le début des années 1980. D'où la question qui fâche : faut-il élargir l'assiette fiscale ?

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : Suite aux réductions fiscales consenties par le gouvernement, moins d'un ménage sur deux s'est acquitté de l'impôt sur le revenu en 2014. La fiscalité française est-elle devenue perverse ?

Jean-Marc Daniel : L'impôt sur le revenu est critiquable à trois niveaux. Pour commencer, les politiques ont réduit les taux les plus élevés, d'abord dans les années 80 puis lors des grandes réformes de la présidence de Jacques Chirac dans les années 90, avant de diminuer les tranches des petits revenus pour ne pas donner l'impression de favoriser les riches. Résultat : il y a désormais de moins en moins de personnes qui paient cet impôt alors qu'il est perçu par beaucoup comme l'impôt par excellence et la manifestation de la contribution de chaque individu et de chaque ménage aux finances publiques. De nombreux Français se considèrent ainsi surimposés au regard des avantages qu'ils en tirent, tandis que les non imposés n'ont pas conscience de leur coût. Cela remet en cause le principe d'équité fiscale.

Un élargissement de l'assiette fiscale est-elle économiquement utile et justifiée ?

L'impôt sur le revenu, devenu à la fois progressif et confiscatoire, est ainsi extrêmement mal réparti : il y a 2% des gens qui fournissent environ 50% des recettes fiscales, alors que la moitié des ménages ne le paient pas. Par ailleurs, les Français ont une vision redistributive et punitive de l'impôt, dans le but d'essayer de réduire les inégalités alors même que le rôle essentiel de l'impôt est de financer les dépenses publiques et l'action de l'Etat. En fait, la redistribution et la prise en charge de la réduction des inégalités devrait davantage passer par des services rendus aux pauvres que par la punition des riches. Enfin, cet impôt est tellement concentré qu'il en devient désincitatif et finit par décourager les gens les contribuables les plus productifs, qui préfèrent réduire leur quantité de travail, au détriment de la croissance. 

Quelle est donc votre solution ?

Il faudrait envisager une baisse générale de cet impôt progressif en le transformant en "flat tax", un impôt proportionnel aux revenus, acquitté par tout le monde, homogène et extrêmement facile à percevoir. Je suis aussi assez partisan d'une éventuelle fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG, mais non pour rendre la CSG plus progressive mais pour rendre l'impôt sur le revenu proportionnel comme l'était la CSG d'origine. 

Les hausses d'impôts des contribuables les plus aisés au profit des plus déshérités, décidées par  François Hollande, risquent-elles de distendre le lien social et monter les Français entre eux ?

C'est en effet une nouvelle manifestation d'un discours et d'une ambiance générale qui consiste à stigmatiser les riches, à montrer du doigt une partie de la population. En conséquence, cela pousse au découragement les créateurs de richesses et à la baisse le dynamisme entrepreneurial. D'un autre côté et de manière simultanée, nous assistons à un discours de l'envie, qui au lieu de donner une égalité des chances à chacun, suscite non l'envie de devenir riche mais l'envie d'abaisser les riches.

Sans compter que les électeurs qui ne paient pas l'impôt sur le revenu ont tendance à soutenir logiquement son augmentation pour les contribuables les plus aisés, à leur profit…

Cet impôt est en effet devenu malsain. Il pose aussi un problème de nature politique et juridique, car que le fondement de la démocratie est que le parlement représente les contribuables. C'est le grand principe de la révolution américaine : pas d'impôt sans représentation. Mais le fait qu'une partie de la population échappe à l'impôt sur le revenu remet en cause le suffrage universel sur le plan des principes. Or celui-ci est normalement le moyen le plus juste et démocratique d'organiser un mode de représentation. Logiquement, il faudrait donc associer représentation universelle et impôt universel. 

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