40 ans de Kate Moss : avons-nous encore la tête de notre âge ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Kate Moss fête ses 40 ans.
Kate Moss fête ses 40 ans.
©Capture d'écran

Ton vis-âge

Kate Moss, sans doute la mannequin la plus célèbre du monde, fête ses 40 ans ce 16 janvier. Un âge qui ne correspond pas vraiment au visage à la perfection angélique qu'elle affiche dans tous les magazines du monde.

Christian Bromberger

Christian Bromberger

Christian Bromberger est professeur d’anthropologie à l’université d’Aix-Marseille et membre de l’institut universitaire de France. Il est également l’auteur de « Trichologiques : Une anthropologie des cheveux et des poils » aux éditions Bayars.

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Atlantico : Les égéries du cinéma, de la mode et autres nous présentent publiquement des visages qui évoquent une rare et éternelle jeunesse qui contraste souvent avec leur âge véritable. A l’échelle de l’humain ordinaire, les visages de nos contemporains correspondent-ils à leur âge biologique ? Comment cela a-t-il évolué au cours du temps ?

Christian Bromberger : Il est clair que nous sommes dans une époque de « jeunisme » dans laquelle toute une partie de la société est tournée vers cet objectif de paraitre jeune, de paraitre en forme – élément qui est complètement associé à la jeunesse – et ce quel qu’en soit le prix. Au premier plan de cette logique se trouve bien sûr le visage qui constitue une sorte de vitrine du reste du corps bien que le rajeunissement de celui-ci ne soit pas en reste dans notre société.

Ce constat est d’autant plus intéressant qu’il est relativement récent. Car si la recherche de la jeunesse et la beauté ne sont pas des choses nouvelles, il y avait jusque très récemment un phénomène inverse. A partir d’un certain âge, on voulait avoir l’air mature, cela constituant un passeport essentiel pour l’entrée dans la vie active. Ce rajeunissement des visages, cette jeunesse des corps sont bien évidemment véhiculés essentiellement par l’image des stars de cinéma, des mannequins mais aussi des sportifs dont l’importance et la visibilité médiatique ont explosé depuis quelques années. Qui plus est ces deux univers sont de plus en plus proches et on voit souvent des sportifs jeunes et beau se marier avec des stars, jeunes et belles. Ainsi, plus que jamais nous avons l'air jeune tant nous mettons de volonté à cela.

Quels sont les éléments qui contribuent à cette évolution ? S’agit-il d’une évolution dans nos modes de vie ou de la résultante d’artifices ?

Il y a effectivement deux types d’éléments. Premièrement, les évolutions sociales que sont la vigilance alimentaire, la quasi disparition des métiers très physiques, les politiques de santé publique etc. ont globalement aidé à ce que les gens voient leurs visages moins abimés par la vie et donc apparaissant comme plus jeune. On constate en particulier un effet sur le grain et l’éclat de la peau. Ces évolutions en entrainant une hausse du niveau de vie entrainent aussi le second type de facteur qui est le travail de notre physique par le biais du sport, des cosmétiques, des modifications corporelles.

Ces transformations portent évidemment elles aussi essentiellement sur le visage puisque les plus faciles d’accès, et surtout celles qui ne sont pas définitives, sont celles concernant les cheveux et plus largement la pilosité. Viennent ensuite les transformations physiques dues à des opérations qui si elles sont bien plus engageantes et risquées ne cessent de se développer. Entre les deux, on trouve les artifices traditionnels et toujours plus nombreux que l’on range sous le nom de cosmétique. Il est intéressant de voir que leur rôle s’est élargi lui aussi. Luttant initialement contre les rides, les ridules, puis l’éclat de la peau et on voit désormais des produits destinés à conserver l’ovale du visage.

Opérations, cosmétiques et même alimentation saine sont souvent très onéreux. La jeunesse prolongée, à défaut d’être éternelle, est-elle un privilège de riches ? Les plus défavorisés et les plus mal éduqués ne vivent-ils pas le phénomène inverse ?

Il est clair que tout cela a un prix, souvent très élevé. Depuis longtemps déjà les riches se préoccupent de leur apparence et comme toute mode, celle de la jeunesse a glissé vers le bas. Cette quête est désormais aussi bien celle des classes moyennes que des classes les plus privilégiées, tout est question ensuite de mesure et de proportion.

Entretenir son corps dans un club, chez soi ou autre, bien s'alimenter, prendre soin de soi demande effectivement du temps et souvent de l’argent. L’abandon de l’entretien de soi est bien souvent le premier signe du renoncement social notamment parce qu’il s’agit d’un budget qu’il est facile de se résoudre à ne plus dépenser. Lorsque l’on fait le tournée avec les restos du cœur, ce que je fais moi-même dans ma vie privée, on constate que la jeunesse des visages n’est pas vraiment la même que dans les milieux aisés. La misère accélère plutôt le vieillissement du visage pas par elle-même mais par tout ce qu'elle implique de modes de vie destructeurs et mauvais pour la santé.

A l’inverse, on dénonce souvent l’hyper sexualisation des enfants et des adolescents, surtout les filles, dans la société contemporaine. Les deux phénomènes se croisent-ils ? Quelles dérives peut entrainer le fait que des adolescents et des adultes finissent par se ressembler de manière troublante ?

On constate clairement une impatience des adolescents quant au fait de grandir et e n’est pas nouveau car tous les garçons attendent fébrilement leur premier poil de barbe depuis toujours. Toutefois, il y a un changement dans ce phénomène. On attendait autrefois cela pour devenir un adulte, notamment en s’habillant comme un adulte. On troquait son pantalon court contre un long et on mettait une cravate sur sa chemise. Or, le paradoxe actuel consiste en une précocité de l’accession à la maturité sexuelle qui cohabite avec une extension toujours plus grande de la jeunesse. Autrefois, les différentes étapes de la vie : fin des études, service militaire, accès à l’emploi, mariage etc. définissaient aussi les moments de changements de mode de vie. Or, les cartes ont été rebattues. Il y a donc désormais une confusion des âges qui vont jusqu’à troubler les relations internes à la famille avec la création notamment du duo mère/fille dont la structure oscille de plus en plus souvent entre relation de parent à enfant et une relation d’amitié. Cela s’explique notamment par la proximité des intérêts quotidiens mais aussi des problématiques de soin du corps etc. dans lesquelles peuvent se retrouver désormais plusieurs générations.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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