40 ans après le 1er choc pétrolier : sommes-nous jamais sortis de la crise de 1973 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le premier choc pétrolier provoqué par les pays de l'OPEP aura 40 ans cette semaine.
Le premier choc pétrolier provoqué par les pays de l'OPEP aura 40 ans cette semaine.
©Reuters

Série : anniversaire du choc pétrolier

Les 16 et 17 octobre 1973, en pleine guerre du Kippour, les pays arabes membres de l’OPEP réunis au Koweït annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les États qui soutiennent Israël ainsi qu’une réduction de la production de 25%. Le prix du pétrole produit dans le Golfe Persique est multiplié par quatre en quelques semaines.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Le premier choc pétrolier provoqué par les pays de l'OPEP aura 40 ans cette semaine. Le phénomène est considéré comme le déclencheur du déclin des économies occidentales. S'en sont-elles vraiment remises ? La crise que nous traversons aujourd'hui peut-elle être considérée comme un nouvel épisode d'une crise plus vaste qui aurait ses origines en 1973 ?

Stephan Silvestre : Le double choc pétrolier de 1973-1979 a marqué la fin de la croissance forte – de l’ordre de 5% par an - connue en Occident durant les Trente Glorieuses. Il faut toutefois souligner deux autres facteurs explicatifs : d’une part cette période très dynamique était due à la reconstruction d’après-guerre et s’est naturellement tassée dès les années 1960, et d’autre part, la structure des économies occidentales a fortement évolué durant cette période, passant d’une dominante de construction/équipement à une dominante de services.

Néanmoins, 1973 marque une rupture : le taux de croissance moyen entre cette date et 2008 est moitié moindre, autour de 2,5% en Europe, et même 2% en France, tandis que les États-Unis parviennent à conserver un léger avantage d’un demi-point, en raison d’une économie plus agile et des ressources énergétiques internes du pays.

Cette théorie repose sur l'idée que les prix de l'énergie ont un impact automatique sur le chômage en provoquant une hausse des prix de production, cette idée se confirme-t-elle ?

Les prix de l’énergie agissent de plusieurs façons sur l’économie. Tout d’abord de façon directe en pesant sur le pouvoir d’achat des ménages, via les prix des carburants et des combustibles de chauffage, ainsi que sur la compétitivité des entreprises, via la hausse des coûts de production et de l’électricité. Ces effets peuvent donc se résorber dès que les prix de l’énergie se retournent. Mais ils agissent aussi de façon indirecte : la hausse des prix de production entraîne un second effet sur la baisse du pouvoir d’achat, ainsi qu’un effet sur le chômage, les entreprises devant regagner la compétitivité perdue. Or, une fois ces gains de compétitivité acquis, les entreprises ne réembauchent pas, même si les prix des matières premières redescendent. C’est ainsi que le contre-choc pétrolier de 1986 (le prix du pétrole a été divisé par deux) n’a pas entraîné de reprise durable de la croissance, bien que les prix soient restés bas durablement.

Quelles ont pu être les conséquences collatérales sur nos économies ?

Il y a eu un impact sur le moral des ménages et des chefs d’entreprises. Ceux-ci sont très sensibles aux prix des carburants, qu’ils voient évoluer sur leurs pompes à essence. De plus, les hausses du pétrole sont bien souvent associées à des événements géopolitiques très négativement perçus : la guerre Iran-Irak, l’invasion du Koweït, la guerre d’Irak, la crise nucléaire iranienne, etc. La répétition de ces événements et les conséquences de l’instabilité chronique au Moyen-Orient pèsent de façon persistante sur le moral des consommateurs.

La dernière crise pétrolière s'est produite en 2008. Peut-on dire que ses conséquences ont encore plus déstabilisé l'économie mondiale que le choc de 1973 ?

La crise de 2008 a une origine très différente de celle de 1973. Alors que cette dernière était le fruit d’un contentieux géopolitique (les membres de l’OPEP voulaient punir les Occidentaux de la guerre du Kippour), le choc de 2008 n’était pas délibéré et résultait essentiellement de mouvements financiers de grande ampleur. En effet, les institutions financières manipulent dorénavant des sommes sans commune mesure avec la taille physique des marchés sur lesquels elles se positionnent. Et lorsqu’elles déplacent massivement leurs avoirs sur certaines classes d’actifs, comme le pétrole, elles peuvent peser sur les prix bien plus que les opérateurs industriels. C’est ce qui a entraîné la hausse de 2008, puis la chute qui s’en est suivie en pleine crise des subprimes.

Quant aux conséquences, elles ne se rapprochent de celles de 1973 que partiellement. Les conséquences directes sont assez amoindries pour deux raisons. La première tient à la structure des économies occidentales. Celle-ci étant très tertiarisée, c’est-à-dire désindustrialisée, l’impact des fluctuations des prix des matières premières est plus faible. La seconde raison est l’évolution des mix énergétiques. À la suite du double choc de 1973-1979, les Occidentaux ont pris diverses mesures pour réduire leur dépendance au pétrole : baisse de la consommation des automobiles, développement du nucléaire, chauffage électrique à la place du fioul, isolation thermique des bâtiments, etc. Ainsi, la part du pétrole dans la consommation d’énergie de l’OCDE est passée de 53% en 1973 à 35% aujourd’hui (et même 30% en France). En revanche, les conséquences indirectes restent constantes. En effet, l’impact de la hausse des prix des matières premières sur les prix des produits existe toujours car, même si ce ne sont plus des entreprises européennes qui produisent les biens de consommation courants, la répercussion est faite par les autres industriels. Quant à l’impact sur le moral des consommateurs, il reste inchangé, voire amplifié par un contexte de morosité tenace.

On peut donc affirmer que c’est davantage la finance que le prix du pétrole qui a déstabilisé les économies occidentales en 2008, mais que le pétrole conserve toujours son pouvoir néfaste sur le moral des consommateurs.

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