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28% des Français se disent à gauche, 28 à droite, 14 au centre et 30 nulle part.
28% des Français se disent à gauche, 28 à droite, 14 au centre et 30 nulle part.
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T'es où ?

Les résultats d'un sondage CSA exclusif pour Atlantico viennent mettre à mal l'adage selon lequel "gauche et droite, ça ne veut plus rien dire". Bien au contraire, le sentiment d'appartenance politique reste un marqueur fort de l'identité des individus au sein de la société.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Alors que l’on pourrait penser que les Français estiment que le clivage gauche-droite n’a plus lieu d’être, ce sondage CSA pour Atlantico relativise cette affirmation de plus en plus répandue. 70 % des Français se situent en effet sur l’une des tendances politiques proposées, de "très à gauche" à "très à droite" en passant par "gauche", "centre" et "droite". Comment expliquer que les Français sachent aussi clairement se positionner, même si 30 % d’entre eux affirment aussi ne pas se situer dans l’une de ces catégories ? Quelles évolutions dans le temps constate-t-on à ce sujet ?

Yves-Marie Cann : Beaucoup le clament haut et fort : "La gauche et la droite, ça ne veut plus rien dire !". Mais selon les résultats de notre sondage CSA pour Atlantico, il n’en est rien : 70% des Français interrogés pour notre enquête acceptent de se positionner politiquement, quand bien même il leur était possible de se dire "ni à gauche, ni au centre, ni à droite". Ceci signifie qu’une large majorité de Français est capable de se repérer dans l’espace politique. La gauche, le centre et la droite offrent aux Français des repères essentiels non seulement pour se classer et se situer politiquement, mais aussi pour décrypter et comprendre les événements politiques, ou encore situer et différencier le personnel politique.

Lire également : Réalistes à droite, collectifs à gauche, européens au Centre : radiographie des valeurs de la France politique d’aujourd’hui

Ces résultats sont d’ailleurs un indice du degré de politisation des Français, sachant que celui-ci fluctue en fonction du calendrier politique. Traditionnellement, la politisation des Français atteint ses plus hauts niveaux en période d’élection présidentielle : ils sont plus nombreux à s’intéresser à la politique et s’identifient plus fréquemment à l’une des composantes de l’échiquier politique. Certes, 30% des Français interrogés dans notre sondage déclarent se situer "ni à gauche, ni au centre, ni à droite", mais ce résultat n’a rien d’exceptionnel : contrairement au postulat démocratique du citoyen éclairé et intéressé par la politique, l’intérêt pour la politique et la maîtrise de l’espace politique ne sont pas partagés ou maîtrisés par l’ensemble de la population.

Autre enseignement de ce sondage, l’absence de positionnement sur les courants classiques atteint ses plus hauts niveaux chez les femmes, chez les 25-34 ans et chez les ouvriers.  Quelle analyse peut-on faire de ce constat ?

La capacité à se situer sur un axe gauche-droite dépend de facteurs sociaux mis en lumière de longue date par la science politique. Les variables sont le sexe, l’âge, la classe sociale et le niveau d’études. Les résultats de notre sondage illustrent combien la politisation et donc la capacité à se situer sur l’échiquier politique sont inégalement distribués au sein de la population. Ils témoignent de la persistance d’une véritable fracture politique au sein de la société française. A ce sujet, les écarts observés entre certains résultats sont particulièrement éloquents.

Alors qu’à l’échelle nationale 30% des personnes interrogées se disent "ni à gauche, ni au centre, ni à droite", cette proportion s’élève à 36% chez les femmes contre 22% chez les hommes, soit 14 points d’écart. Et si seuls 16% des cadres et des professions intellectuelles supérieures ne se positionnent pas politiquement, ce phénomène touche 35% des employés et jusqu’à 38% des ouvriers, soit respectivement 19 et 22 points d’écart ! Enfin, 42% des personnes peu ou pas diplômées se disent "ni à gauche, ni au centre, ni à droite" contre 22% de celles titulaires d’un diplôme supérieur post baccalauréat.

Le positionnement des Français sur un axe droite-gauche recouvre des profils bien distincts en termes de valeurs et d’attitudes personnelles. En quoi peut-on dire que l’adhésion à un courant politique est particulièrement liée à des valeurs et des prises de positions clairement identifiées ? Quelles sont les principales valeurs auxquelles sont attachés les Français selon leur positionnement politique ?

Le positionnement des Français sur l’échiquier politique recouvre en effet des profils distincts en termes de valeurs et d’attitudes personnelles, qu’il me faut détailler ici.

Les répondants "très à gauche" ou "à gauche", soit 28% de l’échantillon, se décrivent avant tout comme collectifs (73%) plutôt qu’individualistes, européens (72%) plutôt que souverainistes, progressistes (70%) plutôt que conservateurs, modernes (63%) plutôt que traditionnels et pour une France ouverte au multiculturalisme (59%) plutôt que fidèle à son héritage historique et culturel. Enfin, ils privilégient l’égalité (57%) à la liberté.

Ceux "à droite" ou "très à droite" (28% de l’échantillon) se revendiquent avant tout comme réalistes (75%) plutôt qu’idéalistes, inquiets (66%) plutôt que confiants, pour la répression de la délinquance (65%) plutôt que la prévention, attachés au secteur privé (63%) plutôt qu’au secteur public, réformistes (63%) plutôt que révolutionnaires et pour une France fidèle à son héritage historique et culturel (62%) plutôt qu’ouverte au multiculturalisme.

Quant à ceux du centre (14% de l’échantillon), ils se revendiquent très majoritairement comme européens (79%), se disent réalistes (77%) plutôt qu’idéalistes, progressistes (68%) plutôt que conservateurs et réformistes (65%) plutôt que révolutionnaires. Ils sont par ailleurs attachés au secteur privé (61%) plutôt qu’au secteur public et privilégient la liberté (55%) à l’égalité.

La centralisation est le concept politique à la mode : que révèle ce sondage quant à la pertinence d'un tel mouvement qui, parce qu'il fuit les clivages, tend par nature à minimiser la part faite aux valeurs ?

Le centre symbolise traditionnellement un positionnement politique modéré et plus consensuel, par opposition aux idées ou valeurs plus tranchées défendues ou portées par la droite et la gauche. Le courant centriste fédère 14% de la population en âge de voter dans notre sondage CSA pour Atlantico et les Français se revendiquant du centre se différentient des autres courants politiques par une hiérarchie des valeurs qui leur est propre. A certains égards, les Français du centre ressemblent à ceux de la gauche : ils se disent européens (79%), progressistes (68%), modernes (63%) et privilégient la prévention de la délinquance au tout répressif. Toutefois, leur hiérarchie emprunte aussi à des attitudes ou valeurs fortes à droite : les centristes se disent massivement réalistes (77%), réformistes (65%) plutôt que révolutionnaires, privilégient le secteur privé (61%) au secteur public, ainsi que la liberté (55%) à l’égalité. Cette tension entre valeurs fortement valorisées à gauche d’une part, et valeurs fortement valorisées à droite d’autre part illustre toute la difficulté du positionnement centriste dans un système politique qui favorise à l’échelle nationale le dualisme politique majorité / opposition sur la base du clivage gauche / droite.

Alors que les Français adhèrent aux valeurs politiques, comment expliquer  la défiance de plus en plus forte vis-à-vis des partis politiques ? Les Français trouvent-ils leur compte dans les partis censés recouvrir ses valeurs ?

Les résultats de ce sondage l’attestent : une très large majorité de Français se retrouvent sur l’axe gauche-droite traditionnel. De plus, se dire de gauche, du centre ou de droite, voire très à gauche ou très à droite, renvoie à des attitudes et valeurs bien distinctes à l’échelle des individus, quand bien même le poids des idéologies a considérablement diminué au cours des dernières décennies.

Pour autant, la classe politique française pâtit en effet d’une défiance forte au sein de la population. Nous l’observons régulièrement dans nos baromètres politiques. Et si cette défiance atteint des niveaux inédits à l’égard du Président de la République, elle n’épargne aucune personnalité de premier plan. Dans l’Observatoire politique CSA / Les Echos / Radio Classique, la personnalité la plus populaire est Alain Juppé avec "seulement" 51% de bonnes opinions… toutes les autres personnalités testées obtiennent des scores de bonnes opinions inférieurs à 50% !

Cette défiance à l’égard des politiques s’explique avant tout par la relative indifférenciation des politiques économiques mises en œuvre plutôt que par l’affaissement des valeurs dites "de gauche", "du centre" ou "de droite". Et cette indifférenciation est d’autant plus mal ressentie que les politiques mises en oeuvre n’obtiennent pas, jusqu’à présent, les résultats attendus.

Méthodologie du sondage

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