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168 heures chrono : pourquoi n'a-t-on pas réussi à prendre Mohamed Merah vivant ?
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Bonnes feuilles

Hugues Moutouh a été au cœur des 168 heures qu'a duré la traque de Mohamed Merah. Du profilage des suspects à leur filature jusqu'à l'assaut final mené par le Raid, il a vécu l'affaire minute par minute. Extrait de "168 heures chrono: la traque de Mohamed Merah" (1/2).

Hugues Moutouh

Hugues Moutouh

Hugues Moutouh, préfet, était conseiller spécial du ministre de l'Intérieur au moment de l'affaire Merah.

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Le premier groupe du Raid pénétra dans le petit appartement de Mohamed Merah par le balcon, sous la protection des snipers. Deux équipes d’appuis prirent immédiatement position à l’entrée de la cuisine et du salon, afin de permettre au reste du groupe d’investir l’appartement. La progression se faisait pas à pas, sous le contrôle minutieux des démineurs qui marchaient en tête. L’intérieur de l’appartement était entièrement dévasté. Une vraie zone de guerre. Impossible de mettre un pied devant l’autre sans buter ici ou là sur les objets les plus divers : meubles, bouts de volets, matelas, le tout baigné dans vingt centimètres d’eau noirâtre. Après quelques mètres, les hommes du Raid s’immobilisèrent soudainement devant un cordon suspect qui reliait la fenêtre à une lampe de bureau. Près de vingt minutes furent nécessaires pour constater que Merah n’avait pas piégé son appartement. La progression des hommes du Raid se déroulait sans encombre. Le groupe du balcon était désormais en place.

Amaury donna l’ordre à l’équipe qui attendait sur le palier d’entrer. Sous la pression du door raider, la porte céda en quelques secondes, en dépit du frigo placé devant. Leur mission était de s’engager dans le couloir en poussant devant eux le « Ramsès », et de le positionner face au bloc sanitaire. Il fallait pouvoir contenir Merah, si jamais il tentait de sortir. Mais l’encombrant bouclier de 180 kg, monté sur des roulettes pour être déplacé plus aisément, se retrouva vite bloqué par les innombrables objets et détritus qui jonchaient le sol.

Le géoradar avait localisé Merah dans l’angle de l’appartement, quelque part entre les toilettes et la salle de bains. À l’aide d’une perche métallique, on commença d’abord à percer le mur des toilettes, parce que c’était la première pièce qui se présentait dans le couloir, et que les hommes du Raid avaient la quasi-certitude que Merah se cachait plutôt dans la pièce attenante. Ils ne se trompaient pas. À peine la brèche était-elle faite que plusieurs coups de feu claquèrent brutalement à travers la porte de la salle de bains. Il était très exactement 11 h 20, et l’assaut avait commencé depuis cinquante-cinq minutes.

Quelques secondes après, les hommes qui étaient en position derrière le « Ramsès » virent surgirent Merah. Il leur fonça dessus sans la moindre hésitation, en tirant en rafale avec son colt 45. Un chargeur long d’une trentaine de balles dépassait de sa crosse. Les policiers, qui étaient à moins d’un mètre de lui, tentèrent d’abord de le neutraliser avec leur gomme-cogne. Mais les balles en caoutchouc de 40 mm, préférées au Taser à cause de l’inondation de l’appartement, ricochèrent sur lui sans effet. Merah portait un gilet pare-balles sous sa djellaba qui le protégeait.

Amaury, qui dirigeait l’opération depuis le palier, donna l’ordre aux tireurs restés à l’extérieur de lancer quelques grenades offensives à faible grammage pour le déstabiliser. Le souffle des explosions sonna tout le monde durant trois ou quatre secondes, puis l’échange de coups de feu reprit de plus belle. Merah tenta une première fois de se diriger vers le balcon, en passant à travers la cuisine, sans succès. Les hommes qui s’y trouvaient postés répliquèrent par un tir de barrage nourri qui le repoussa vers le couloir. La radio étant saturée, c’était maintenant à la voix, et côté balcon, qu’Amaury criait ses instructions. Dedans, c’était un chaos indescriptible. Un chaos bruyant, humide et sombre.

Désormais, les hommes du Raid n’avaient plus le choix : ils devaient absolument stopper Merah avant qu’un nouveau drame ne survienne. Ils décidèrent de le blesser sans le tuer, tirant dans ses bras et dans ses jambes. Plusieurs balles l’atteignirent, mais à la surprise générale, Merah était toujours debout et ripostait de plus belle. Il faisait face au Raid comme jamais personne avant lui ne l’avait fait, avec violence et détermination. Seule la balle d’un sniper qui lui avait transpercé le poignet gauche le contraignit à changer son colt 45 de main.

Ce fut en plein milieu de cette fusillade que les armes de plusieurs policiers s’enrayèrent simultanément. Ce ne pouvait être le fruit du hasard. Plus tard, ils comprirent que c’était à cause du type de cartouches utilisées, du 5.56 « Cop » – variante civile du standard militaire « Otan » –, mis au point par le bureau de l’armement de la police nationale. L’expertise devait en effet révéler que, avec ce calibre sous-chargé pour limiter sa forte capacité destructrice, la récupération des gaz pouvait se révéler insuffisante pour que la culasse revienne en arrière. C’était tout simplement incroyable : les munitions utilisées par toutes les unités d’intervention de la police, et créées spécialement pour elles, se montraient inadaptées au tir intensif. Personne ne s’en était aperçu jusqu’ici, parce que les hommes utilisaient essentiellement le calibre « Otan » à l’entraînement, nettement moins cher à l’achat.

Blessé, incapable de passer en force par la porte, repoussé du balcon, Merah ne pouvait se réfugier que dans l’unique pièce qui lui restait : le living-room. Il se précipita vers la fenêtre et se mit à mitrailler vers la droite, en direction des policiers positionnés sur le balcon. L’un d’entre eux fut touché au niveau du cou et chuta. Le tir de riposte des snipers repoussa Merah pendant quelques secondes. Mais il revint aussitôt à la charge en passant cette fois uniquement le bras au-dehors et en pointant son arme en contrebas. Il fit alors une nouvelle victime en touchant au pied un policier déjà blessé lors de la première tentative d’interpellation. C’est au moment où Merah s’apprêtait à tirer une nouvelle rafale « à la palestinienne », vers l’équipe médicale qui apportait les premiers soins aux hommes du Raid, qu’un des tireurs d’élite postés dans le jardin de la villa d’en face pressa la détente de son fusil Scar. Une balle de 7.65 atteignit Merah en pleine tête. Il bascula par la fenêtre et vint s'affaisser lourdement devant l'entrée de l'immeuble, juste aux pieds d'Amaury. Il était très exactement 11h30 du matin. Mohamed Merah était mort. L'affaire était terminée.

Extrait de "168 heures chrono: la traque de Mohamed Merah", Hugues Moutouh, (Plon éditions), 2013. Pour acheter ce livre,cliquez ici.

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