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130% du PIB : faut-il s’alarmer de la croissance exponentielle de la dette privée en France ?
©Reuters

Augmentation

Si la crise a vu l'explosion des dettes publiques notamment en Europe, il ne faut pas omettre de suivre l'évolution de la dette privée qui est plus complexe à analyser que beaucoup ne le disent ou l'écrivent.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Amazon vient très récemment de recourir à un emprunt de 16 milliards de dollars pour financer son développement que l'on sait être impressionnant. Si ce géant n'a pas recouru à une augmentation de capital – qui aurait été sursouscrite – c'est parce que les taux d'intérêt bas permettent de lever des sommes d'argent à un coût moindre que la constitution de fonds propres.

Mieux vaut la dette que l'equity comme l'illustre le groupe Bolloré ou surtout Altice et sa frénésie de rachats.

Parallèlement, nous sommes ici dans un cas concret où joue la désintermédiation financière. Autrement dit, les firmes peuvent directement faire appel aux marchés financiers via une communication corporate appropriée et éviter le coût de l'intermédiation bancaire.

Dans ce contexte où la rentabilité (ROE) des projets excède le coût de la dette, la situation présente n'est pas aussi malsaine que certains analystes ne l'affirment. Souvent des économistes de banque.

Evidemment, il y a des cas où la dette ne sert qu'à absorber, qu'à éponger des pertes d'exploitation et là il faut tirer un signal d'alarme.

Mais, à l'orée de toutes les Révolutions industrielles, le recours à l'endettement a toujours été une signature de ces périodes.

La Banque de France vient de publier une statistique qui marque les esprits : l'endettement du secteur privé atteint 129,6% du PIB. En dix ans, cette dette a cru de 34 points de PIB soit une hausse voisine de celle de la dette publique qui est passée de 66% du PIB en 2007 à 99% au début de 2017.

Concernant la seule dette privée des entreprises, elle s'est accrue de 750 milliards d'euros en dix ans ce qui est un chiffre lourd qu'il convient de rapprocher du total des actifs des entreprises visées qui n'est pas resté inerte !

La véritable question n'est pas le montant brut de la dette mais trois autres variables : sa maturité (qui va croissante ce qui est un signe de confiance), son coût net (donc coût des remboursements et des charges d'intérêt) et surtout le niveau de contreparties.

Par niveau de contreparties, on entend usuellement les éléments d'actif qui peuvent permettre d'honorer, sans défigurer l'activité, les dettes souscrites.

Comptablement, un niveau de dettes pris comme un chiffre isolé dans un chapeau n'a pas de sens. Il convient de regarder le niveau de l'actif net c'est-à-dire l'actif minoré des dettes exigibles.

Pour prendre un exemple du secteur public, c'est tout le problème de la SNCF que d'avoir près de 50 milliards d'euros de dettes avec – la même année – 12 milliards d'euros de dépréciations d'actifs de son matériel roulant. Ceci donne au final un groupe qui a peu – bien trop peu – de fonds propres.

Dans la décennie qui vient de s'écouler, les grands groupes français ont notamment eu recours à l'endettement pour financer des opérations de croissance externe à l'étranger.

Dans le climat de contraction du crédit ("credit-crunch" dénoncé par l'ancien Gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer) qui a certes été atténué par la politique accommodante de la BCE, on voit mal comment nos grands groupes et nos Eti se seraient développés sauf à imaginer une politique fiscale d'Etat plus réaliste et plus éloignée du matraquage.

A ceux qui hurlent sur le coût du CICE et autres gestes, il faut quand même rappeler que les hausses d'impôts – débutées dès 2011 – ont coûté le double jusqu'en 2015 ce qui tord le cou à la notion de cadeau fiscal.

En revanche, cela n'enlève rien à la complexité stérilisante du CICE qui a dérouté plus d'un comptable ou plus d'un chef d'entreprise.

A l'heure actuelle, le "gearing" donc la structure financière des entreprises françaises est totalement comparable (85%) aux chiffres des années 2007 et 2008.

L'essor de la dette privée est donc une variable normale qui est un atout pour une exploitation saine et un risque pour les entreprises qui peinent en matière d'autofinancement.

Dans la mesure où près des 2/3 des emprunts ont été contractés à taux variable, il est évident qu'il va falloir suivre cette expansion de la dette à la lumière de la future hausse des taux d'intérêt (post-2018 ?) qui auront probablement pour conséquence de voir se multiplier les clauses d'anatocisme (capitalisation des intérêts non versés).

Mais de grâce, cessons de stigmatiser la dette privée comme canal de développement des firmes. Avec un tel raisonnement alarmiste, LVMH ou Vinci auraient une taille divisée par deux voire plus !

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