Atlantico : Netflix, Walt Disney, Amazon… Selon un article du California News Times, les huit principaux producteurs américains de contenus vidéos dépenseront au moins 115 milliards de dollars cette année, dans le but de relancer une activité qui perd de l’argent. Comment expliquer de telles pertes au cours d’une année marquée par la pandémie de Covid-19 ? Le modèle économique de ces entreprises est-il en partie responsable ?
Anthony Poncier : Un certain nombre de séries qui étaient de véritables poules aux œufs d’or pour ces plateformes ont dû s'arrêter à cause de la pandémie de Covid. Cela engendre de véritables pertes pour les créateurs de contenus mais aussi des dépenses supplémentaires. De manière générale, le coût de production des films a également considérablement augmenté ces dernières années.
Il faut également savoir que le marché est en train d’évoluer fortement et ces sociétés ont besoin de se renouveler sur le long terme. Aujourd’hui, la question principale pour ces entreprises est de savoir qui aura le plus grand nombre d’abonnés et le catalogue le plus profond, dans le but de se détacher de la concurrence. Pour se renouveler, elles investissent donc des sommes considérables et espèrent un retour sur investissement sur le long terme.
Toutes ces entreprises ne partagent pas le même modèle économique. L’abonnement Amazon Prime est lié au service de livraison, mais aussi à Amazon Music. Alors que Netflix est uniquement positionné sur le streaming vidéo, Disney mise sur un système de déclinaison de licences, comme avec les Marvel ou Star Wars. Elles ont donc une stratégie différente. Netflix souhaite rester leader, alors que le reste de la concurrence veut avoir une base d’abonnés importante pour se rapprocher du leader.
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Ces producteurs s’inquiètent de ne pouvoir attirer de nouveaux clients et la croissance du nombre d’abonnées Netflix et Disney a fortement ralenti. Comment les créateurs peuvent-ils se renouveler afin de relancer la demande ?
Les modèles de création sont en train de changer considérablement. A titre d'exemple, il y a quelques années, l’idée de Showrunner était encore assez peu connue en France et beaucoup plus présente aux États-Unis. De plus, le système de contrats entre plateformes et producteurs a également changé. Lorsqu’un producteur investissait pour produire un film ou une série, il touchait des royalties à chaque fois que la production était vendue à une chaîne étrangère. Aujourd’hui, ils cèdent souvent l’ensemble de leurs droits.
Il faut également noter que les plateformes investissent de plus en plus dans des productions étrangères. Si au début, Netflix ne sortait que des séries américaines, ils se rendent bien compte aujourd’hui que de très nombreux consommateurs à travers le monde préfèrent les productions locales. Il faut se rappeler que la Casa de Papel ne marchait pas en Espagne. Netflix l’a racheté avant de faire un nouveau montage plus dynamique. Après le succès mondial de la série, il y a eu une suite, ce qui a rapporté énormément d’argent. Le succès de la série coréenne Squid Game est un autre exemple frappant. Pour ces plateformes, le but est de produire ou de racheter une série qui fera un buzz avant de surfer sur la vague qui peut durer des années.
Netflix envisage également de proposer d’autres services, comme devenir une plateforme de streaming de jeux. Ils pourraient donc couvrir d'autrs usages.
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Ces entreprises ont fait le choix d’investir massivement pour créer de nouveaux contenus. A titre d’exemple, les investissements de Disney dans les contenus de streaming pourraient augmenter de 35 à 40 % en 2022. Dans un contexte où le secteur du streaming vidéo perd de l’argent, peut-on parler de pari risqué ?
Pendant très longtemps, les réalisateurs voulaient absolument sortir leurs productions au cinéma. Il y avait cette idée que si un film ou une série était diffusé à la télévision, la production serait forcément de moindre qualité. Tout cela a considérablement changé. Aujourd’hui, la qualité de certaines séries dépasse de loin ce qui se fait au cinéma. Même Martin Scorsese, qui est un véritable monument, reconnaît qu’il a de plus en plus de mal à produire des films alors que les plateformes de streaming lui font des offres en or. Il est certain que des grands noms du cinéma vont se tourner vers le streaming dans les prochaines années.
Historiquement, le cinéma était le seul endroit accessible pour voir des films. Mais aujourd'hui, tout le monde ne peut pas se permettre d’y aller régulièrement. Il faut payer les places, éventuellement les pop-corn, les boissons … Les services de streaming proposent donc un service de grande qualité pour un coût fortement réduit.
Les modes de consommation sont en train de changer et les acteurs du streaming vidéo l’ont bien compris. Ils investissent pour s’adapter à une demande qui évolue. Je ne pense pas que la situation soit si dramatique pour eux.
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