10 questions à poser à vos parents qui pourraient vous sauver la vie<!-- --> | Atlantico.fr
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Diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers... De nombreuses maladies sont associées à des antécédents familiaux.
Diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers... De nombreuses maladies sont associées à des antécédents familiaux.
©DR

Check-up

Connaître ses antécédents familiaux est primordial, en raison de l'importance de la génétique dans certaines pathologies. Mais s'il semble évident de savoir si sa mère ou son père est concerné par des problèmes de diabète, il y a d'autres questions qu'il est tout aussi essentiel de poser.

Catherine Bourgain,Pierre Roubertoux et Guy-André Pelouze

Catherine Bourgain,Pierre Roubertoux et Guy-André Pelouze

Catherine Bourgain est chercheuse en génétique humaine et statistiques à l'Inserm et chargée de cours à l'université Paris Sud. Elle est notamment l'auteur de ADN superstar ou superflic : les citoyens face à une molécule envahissante. aux éditions du Seuil (2013), et de Labo Planète  ou comment 2030 se prépare sans les citoyens.

Pierre Roubertoux est professeur de génétique et de neurosciences à Marseille. Il a créé et dirigé le laboratoire «Génétique, neurogénétique, comportement» du CNRS et travaille aujourd'hui au laboratoire «Génomique fonctionnelle, comportements et pathologies» du CNRS, à Marseille. Ses travaux sur la découverte de gènes liés à des comportements lui ont valu le prix Theodosius Dobzhansky, aux États-Unis.

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan. Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Connaître ses antécédents familiaux est primordial, puisqu'ils sont le résultat de l'interaction entre les gènes de notre famille biologique et l'environnement – subi ou choisi –, et non uniquement un reflet de notre capital génétique. La part de responsabilité de nos antécédents est d'autant plus importante, puisqu'on ne peut par définition, les éviter... Et si on s'expose au même environnement, il y a de très fortes chances pour qu' un certain nombre de susceptibilités génétiques apparaissent. Connaître ces risques peut donc permettre d'envisager les changements comportementaux diminuant la survenue des problèmes de santé (alimentaires, expositions...), d'être suivi plus spécifiquement pour les maladies présentes dans la famille, et d'être diagnostiqué plus tôt lorsque les premiers symptômes se manifestent, d'autant qu'un médecin informé des antécédents familiaux pourra plus facilement poser un diagnostic.

Atlantico : Quelles sont les questions principales à poser à ses parents concernant leurs antécédents de santé ?

Guy-André Pelouze : Pour toutes les maladies, certaines questions sont toujours les mêmes : la gravité, l'âge auquel la pathologie est survenue, et s'il y a eu récidive ou non. Connaître également le comportement de la mère durant la grossesse est également primordial : la responsabilité des antécédents familiaux ne commence pas à la naissance mais à la conception de l'enfant. Les habitudes de vie qui interagissent avec le capital génétique sont  capables d'interférer avec le développement du fœtus – d'après l'hypothèse des maladies dues au mauvais développement ontologique fœtal, qui sont très importantes dans certaines maladies, notamment le diabète et dans d'autres maladies chroniques. 

Les questions principales à poser concernent principalement les grandes maladies chroniques, puisqu'aujourd'hui, on ne meurt plus de maladies épidémiques infectieuses. Concrètement, ces maladies importantes sur lesquelles il faut questionner ses parents sont : le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les maladies inflammatoires et auto-immunes, les maladies dégénératives cérébrales et les cancers.

Concernant le cancer et les maladies cardio-vasculaires – angine de poitrine, infarctus  accident vasculaire cérébral, embolie pulmonaire etc. – , il faudrait se renseigner sur l'organe qui a été touché, à quel âge, et ne pas hésiter à remonter même sur plusieurs générations. Demander qui a été touché dans la famille – femme ou homme –, est-ce une maladie qui a causé la mort ou non, y  a-t-il eu des rechutes ou non.

Pour les maladies métaboliques, dominées par le diabète – notamment de type 2 –, il faudrait savoir s'il y a des diabétiques dans la famille et surtout s'ils ont été traités ou non par de l'insuline.

Une autre catégorie dans laquelle la génétique compte beaucoup est celle des maladies inflammatoires et auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, thyroïde – notamment chez la femme jeune –,  la sclérose en plaques. La susceptibilité génétique est très forte pour ces pathologies-là. Enfin, les maladies de dégénérescence cérébrale – dominées par les maladies d’Alzheimer – la fréquence des cas, à quel âge et de quel côté – père ou mère.

En sachant que, bien évidemment on n'hérite pas d'un seul parent, mais de deux parents, sauf en cas de consanguinité. La susceptibilité à tel ou tel gène peut aussi être atténuée par un gène qui va contrebalancer : en réalité, c'est un peu la roulette russe. On peut avoir un père qui a les mêmes susceptibilités que la mère. Il n'est pas automatique que la susceptibilité de l'un soit compensée par celle de l'autre, le facteur hasard n'est pas maîtrisable aujourd'hui au vu du peu de nos connaissances sur le génome de l'individu.

Pierre Roubertoux : Il est important de demander des informations non seulement à ses parents, mais aussi à tous ses collatéraux : frères, sœurs et cousins. Il faudrait, dans la mesure du possible posséder une liste des infirmités physiques, des handicaps, des enfants morts-nés au sein de sa famille. On se doit également de connaître les âges de décès des membres de sa famille – grands-parents notamment –, qui sont parmi les informations les plus importantes. 

Une autre question fondamentale : celle des facteurs qui vont pondérer ces informations et qui sont primordiales comme la pénibilité du travail de ses parents notamment. Un parent qui travaille sur un chantier n'aura pas le même statut de santé que le cadre qui opère en ville... Pour se prémunir au mieux, les données sur l'alimentation, carnée ou non, ont un impact non négligeable sur l'apparition de cancers du tube digestif, et ce indépendamment de la génétique. De plus, il serait intéressant de savoir si ses ascendants étaient des consommateurs d'alcool ou de tabac de façon excessive, puisque toutes ces informations permettent également de pondérer certains résultats. 

En résumé, voilà donc les 10 questions à poser à ses parents : 

  • Y a-t-il eu des cas de pathologies chroniques – diabète, les maladies cardio-vasculaires, les maladies inflammatoires et auto-immunes, les maladies dégénérescentes cérébrales et les cancers – chez ses ascendants sur deux générations ?
  • A quel stade de la vie la pathologie s'est-elle déclarée ? 
  • Quelles en ont été les origines diagnostiquées ? (notamment dans le cas du diabète)
  • Y a-t-il eu des rechutes ou a-t-elle été traitée avec succès ? 
  • A-t-elle été la cause principale du décès ? 
  • Sinon, de quoi sont-ils décédés ?
  • A quel âge sont-ils décédés ?
  • Quels étaient leurs habitudes de vie (régime alimentaire, expositions environnementales, habitudes sportives…), leurs professions et leur milieu social ?
  • Quelles sont les infirmités physiques, des handicaps, des enfants morts-nés au sein de sa famille ?
  • Notre mère a-t-elle eu un comportement à risque pendant la grossesse ? (consommation d'alcool, de tabac..)

Que nous apprend concrètement la génétique sur la part de responsabilité de nos antécédents familiaux sur notre santé ?

Catherine Bourgain : De nombreuses maladies sont associées à des antécédents familiaux. Dans quelques situations, il existe un gène avec des mutations qui augmentent nettement le risque de maladie. C’est notamment le cas de certaines formes de cancer du sein ou du colon, mais aussi de l’hémochromatose (une maladie caractérisée par une surcharge en fer) ou encore de certaines affections cérébrales assez rares comme la chorée de Huntington. Mais dans la plupart des cas, si les antécédents familiaux n’ont pas d’effets aussi forts, ils jouent quand même : quasiment tous les cancers, l’hypertension, l’infarctus du myocarde, le diabète, les maladies auto-immunes (comme la sclérose en plaque, la maladie coeliaque, la maladie de Crohn etc.), l’asthme, les allergies, de nombreux troubles psychiatriques, les maladies rhumatismales. Les antécédents de santé de ses parents sont donc une information importante pour quasiment toutes les maladies.

Guy-André Pelouze : L'impact génétique est très fort dans toutes les maladies, à condition que les antécédents soient très forts. Les maladies citées ci-dessus ne sont pas monogéniques : ce n'est pas un seul gène qui, par exemple, détermine le cancer. Ces maladies sont en réalité polygéniques : ce sont plusieurs gènes et leur expression épigénétique qui vont entraîner une susceptibilité à la maladie, et l'environnement fera le reste. L'impact génétique sur les pathologies de type cancer ou de dégénérescence cérébrale est très variable : pour le cancer du sein, du cerveau, de l'estomac la part héréditaire est très très forte. 

Les principaux impacts sur l'épigénétique sont l'alcool, le tabac et l'obésité, dont l'impact est d'autant plus important pendant la grossesse puisque cela influe sur l'organisme de la mère, sur le placenta et par conséquent sur le fœtus. Cette hypothèse a d'ailleurs été largement théorisée et étayée par David Barker, sous le nom de "Fetal origins of adult disease" (FOAD). Pour être honnête, si on supprimait la consommation de tabac et d'alcool, il est évident que les maladies cardio-vasculaires dans des pays développés comme la France seraient beaucoup, beaucoup moins nombreuses. 

Peut-on réellement limiter l'impact de ces prédispositions sur notre santé ou nous condamnent-elles à l'avance ?  

Guy-André Pelouze : Nos prédispositions génétiques ne nous condamnent absolument pas, puisqu'en l'état de la science on ne les connaît finalement que peu. Nous nous dirigeons vers une médecine de plus en plus personnalisée. A partir du moment où nos prédispositions génétiques seront connues, on pourra alors en tirer un certain nombre d'enseignements : faire des campagnes ciblées et non systématiques comme elles le sont actuellement. Le dépistage tel qu'il est pratiqué aujourd'hui est coûteux et peu efficient, voire dangereux. Avec une connaissance très précise de ces prédispositions génétiques, on pourra adopter une attitude rationnelle et plus efficace pour détruire la pathologie au plus tôt et au mieux. L'enjeu majeur de la médecine personnalisée est d'aller chercher ce qui fait l'expression ou non des gènes. Pour finir, je dirai qu'il faut surtout ne pas penser qu'on a une épée de Damoclès au dessus de la tête : un gène, même mauvais, peut être rendu silencieux tout sa vie.

Catherine Bourgain : La plupart des maladies sont multifactorielles, ce qui signifie que si nos gènes peuvent contribuer à leur apparition, ils n’expliquent pas tout. Des facteurs environnementaux au sens large sont également importants. Des gènes qui augmentent le risque de diabète auront par exemple un effet bien moindre dans un environnement où les personnes n’ont pas d’accès facile à une nourriture riche. La marche de manœuvre restante est donc très importante. Il faut jouer sur les déterminants de santé non génétiques, qui sont nombreux : alimentation, exposition aux polluants, exercice physique.

Pierre Roubertoux :  Certaines familles transportentdes allèles à maladies qui ne se sont pas manifestées dans leur descendance par chance ou parce qu'ils avaient eu peu d'enfants. C'est pour cela qu'il ne faut pas surestimer la génétique et son impact sur la santé, car finalement nous ne sommes jamais sûrs de nos prédispositions. Il ne faut pas en avoir peur, puisque ces prédispositions sont statistiques. 

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