"Une vieille histoire. Nouvelle version" : à la hauteur de ses exigences<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Une vieille histoire. Nouvelle version" : à la hauteur de ses exigences
©

Atlanti-culture

Ce pourrait être un roman "prise de tête" tant il est ambitieux dans sa construction. Mais Jonathan Littell a parfaitement maîtrisé son sujet. Résultat: un roman aussi passionnant qu'intelligent et bien écrit.

Serge Bressan pour Culture-Tops

Serge Bressan est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

LIVRE

« Une vieille histoire. Nouvelle version » 

de Jonathan Littell

Ed. Gallimard

384 pages

21 €.

RECOMMANDATION

EN PRIORITE

>THEME

              En près de quatre cents pages d’« Une vieille histoire. Nouvelle version »- le troisième roman de Jonathan Littell après « Bad Voltage » (1989) et « Les Bienveillantes » (prix Goncourt 2006, près d’un million d’exemplaires vendus, traduit dans presque quarante langues), il y a la famille, le couple, la solitude, le groupe ou encore la guerre dans des lieux, des territoires et des décors comme une maison, une chambre d’hôtel, un studio, une ville ou encore une zone sauvage, là où se jouent depuis toujours les rapports humains. Il y a aussi  un narrateur (homme, femme, hermaphrodite, enfant) qui dit : « Je cherchai mon image dans les longues glaces encadrant le bassin mais n’y décernai que des fragments de corps difficiles à relier entre eux ou à attribuer à une personne donnée », qui sort d’une piscine, qui se change et qui court dans un couloir gris. Des portes s’ouvrent… La course. Et ça recommence, encore et encore. Sept chapitres, avec cinq territoires explorés à chaque fois et nombre d’éléments récurrents. Variations sur un même thème… Variations parce que ça peut paraître pareil, mais ça ne l’est pas tout à fait, parce que ça permet d’explorer la pulsion quelle qu’en soit la forme…

>POINTS FORTS

-La construction savante et impressionnante du roman qui obéit à des calculs mathématiques précis, selon l’auteur qui précise : « À chaque fois que je bougeais un élément, les pommes, le chat gris ou l’électricité, les autres éléments bougeaient aussitôt car il existe un fonctionnement en réseau tout autour. Les correspondances verticales se modifient lorsqu’on bouge quelque chose à l’horizontal. C’est de l’esthétique mathématique. J’ai construit les choses du mieux que j’ai pu, comme on construit un objet, pour obtenir certains effets ».

-La marque de fabrique Jonathan Littell : une écriture étincelante et dérangeante. Avec Littell, on ne sort pas indemne de la lecture…

-Une promenade dans des mondes où flottent des airs sentis, respirés dans les mots et les textes de Sade le « divin marquis », de Georges Bataille, de Maurice Blanchot ou encore de Samuel Beckett, et dans certains tableaux de Francis Bacon.

-Dans ces sept « variations Littell », il y a du soufre dans l’air. Du souffle, aussi !

-Le délice, au final, de revenir encore et toujours à la piscine à l’eau bleue, si bleue…

>POINTS FAIBLES

Un tout petit point faible qui sera sûrement relevé par les anti-Littell : la construction et la structure d’ « Une vieille histoire. Nouvelle version » peut paraitre artifice littéraire, procédé technique…

>EN DEUX MOTS

Tout comme avec « Les Bienveillantes » voilà douze ans, Jonathan Littell fait à nouveau l’événement avec « Une vieille histoire. Nouvelle version ». Par les thèmes abordés. Par la forme romanesque qu’il a choisie. On a là un écrivain qui ne fait pas « classique », qui livre un texte aussi ébouriffant que dérangeant, aussi implacable qu’indispensable. De mon point de vue, sa lecture s'impose comme une priorité !

>UN EXTRAIT

Ou plutôt deux:

- « Ma tête creva la surface et ma bouche s’ouvrit pour happer l’air tandis que, dans un vacarme d’éclaboussures, mes mains trouvaient le bord, prenaient appui et, transférant la force de ma lancée aux épaules, hissaient mon corps ruisselant hors de l’eau. Je restai un instant en équilibre au bord, désorienté par les échos assourdis des cris et des bruits d’eau… »

- « J’achevais une longueur après l’autre, sans les compter, me délectant de ma force et du contact sensuel de l’eau, ramenant mes pieds sous moi à chaque extrémité du bassin pour en frapper la paroi et me relancer avec puissance dans l’autre direction. Enfin, filant en apnée les yeux grands ouverts, les bras le long du corps, je couvris les derniers mètres. Ma tête jaillit de la surface, lèvres entrouvertes pour emplir mes poumons d’air… »

>L'AUTEUR

Né le 10 octobre 1967 à New York (Etat de New York, Etats-Unis), Jonathan Littell est un écrivain franco-américain, fils de l’écrivain Robert Littell. Il a passé son enfance en France puis est allé aux Etats-Unis pour étudier à l’université Yale à New Haven (Connecticut). Trois ans plus tard, il s’engage dans l’action humanitaire: pendant sept ans, il travaille pour l’ONG Action contre la faim en Bosnie-Herzégovine, en Tchétchénie, en Afghanistan, au Congo ou encore en Russie, à Moscou.

En 2001, il quitte l’humanitaire pour se consacrer à l’écriture après avoir publié, en 1989, un premier roman de science-fiction, « Bad Voltage ». En 2006, il fait sensation et polémique avec « Les Bienveillantes », roman fleuve pour lequel il reçoit le prix Goncourt. L’écrivain espagnol Jorge Semprun n’hésitera à qualifier ce livre d’« événement du siècle ».

Il publie ensuite quelques récits et essais, parmi lesquels « Le Sec et l’Humide » (2008), « Trois études sur Francis Bacon » (2010) ou encore « Carnets de Homs » (2012). 

Pour un petit éditeur (Fata Morgana), il écrit en 2012 « Une vieille histoire », un texte en deux chapitres  qu’il a repris pour un format long qui donne, en ce début 2018, « Une vieille histoire. Nouvelle version ». A la parution de ce dernier, cette confidence de Jonathan Littell qui vit aujourd’hui à Barcelone : « Normalement, une fois un livre publié, c’est terminé pour moi, mais là, il s’est passé quelque chose d’étrange : le livre a continué à produire… J’ai donc repris le manuscrit original et je l’ai développé pendant plusieurs années… »

Pour acheter ce livre, cliquez sur l'image ci-dessous :

"Une vieille histoire. Nouvelle version" de Jonathan Littell

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !