Atlanti-culture
"Présents parallèles" : la quintessence fumeuse du boboïsme
Grande figure de l'intelligentsia française, Jacques Attali est à l'affiche avec une pièce mise en scène par Christophe Barbier. Il faut vraiment s'accrocher pour y comprendre quelque chose...
L'auteur
On ne présente plus Jacques Attali ni son époustouflante carrière. L’ancien conseiller de François Mitterrand, énarque et polytechnicien, cumule autant d’activités – dont le théâtre – qu’un couteau suisse compte de lames et d’outils. “Présents parallèles” est sa troisième pièce jouée à Paris, et pour cette fois Christophe Barbier, chez qui les planches sont une seconde nature autant que le journalisme, s’est chargé de la mise en scène. Ils se connaissent bien, l’un chronique dans l’hebdo de l’autre.
Thème
Il s’agit, comme l’explique Barbier, « de comédiens qui répètent une pièce ou des comédiens répètent une pièce ou des comédiens essayent de monter une pièce… ». Suivez-moi bien : tout cela se déroule dans trois présents différents ; en 2016, dans une Europe uchronique où Hitler, invaincu, serait mort dans son lit, et où la France serait “germanisée” ; dans le Paris de 1943, à la charnière de la guerre, où l’on comprend que cette pièce décrit un futur qui est notre présent ; dans le monde d'aujourd'hui, ou les comédiens réalisent qu’ils sont en fait les personnages de la pièce écrite soixante-treize ans plus tôt.
Points forts
Les comédiens se tirent bien de ce récit compliqué, décliné « comme une poupée gigogne » (dixit Barbier). Perdu dans les méandres temporels, l'intérêt du spectateur rebondit grâce à eux, au jeu des relations ambiguës qu'ils tissent entre Elle, la comédienne dont le grand-père est l'auteur de la pièce, Lui, son époux et directeur de théâtre, les deux tentant de séduire l'Autre, l'étrange producteur qui veut financer l'affaire. Chacun, tour à tour, sera l'amant – pas forcément d'Elle – selon le "présent" dans lequel on se trouve.
Points faibles
On pourrait passer une bonne soirée si le scénario n'enfonçait pas les portes ouvertes. Le Reich victorieux de 2016 semble un copié-collé de l’URSS de Brejnev et c'est bien morne : il n’y a plus que des collabos, les autres sont morts depuis longtemps et on évite soigneusement d’en parler pour ne pas les rejoindre.
La description du milieu du théâtre en 1943 est un long règlement de comptes qui ne nous apprend rien de nouveau sur les compromissions de l’époque.
Notre présent – uchronie ô combien subversive dans l'Europe nazie de 2016 – résumerait presque la démocratie à la victoire du Mariage pour tous. C’est un peu court !
En deux mots
Plutôt qu'au théâtre, filez chez votre libraire acheter Le Maître du Haut-Château, le chef-d'œuvre écrit par Philippe K. Dick en 1962. Dans une Amérique sous le joug, un mystérieux roman antinazi raconte la victoire des Alliés et le monde stupéfiant qui aurait pu en sortir…
Une phrase
« Peut-être que l’avenir ressemblera à aujourd'hui. »
Recommandation
Théâtre
Présents parallèles
De Jacques Attali
Mise en scène : Christophe Barbier
Avec Marianne Basler (Elle), Jean Alibert (Lui), Xavier Gallais (l'Autre)
Informations
La Reine Blanche
2bis, passage Ruelle
75018 Paris
Réservation : 01 40 05 06 96
Jusqu'au 3 novembre, du mardi au samedi à 20h45
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