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"Police prédictive" : la filouterie (enfin) révélée
©Reuters

Voyous ?

Certains médias ont mordu à l'hameçon de cette police algorithmique qui devait prédire les crimes. Mais la police prédictive est un leurre.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Tant de médias au monde avaient révélé la Bonne Nouvelle. Tant de ministres de l'intérieur et chefs de police, voulant faire jeune et "branché", s'étaient rués sur ces enivrants logiciels, enjoignant à leurs services de suivre la magique piste. De fait, pour des gouvernements et services publics à budget souvent congru, la Bonne Nouvelle tenait du miracle : désormais, grâce aux données moulinées par de savants algorithmes, la police prédirait les crimes ; surtout, là où ils adviendraient, par la cartographie précise et High Tech des hot spots (points chauds). Leurs terminaux conduiraient alors les véhicules de patrouille au lieu de commission d'une infraction (flagrant délit) voire avant (prévention) ; au pire, juste après (répression éclair).

L'opinion et les gouvernants dûment séduits, les logiciels de "police prédictive" se vendirent tant et plus. Puis un silence gêné succéda au louangeur tintamarre médiatique. Jusqu'à ce début juillet 2019 où, d'incisifs journalistes (il en reste) du Los Angeles Times, révèlent ce qui montait déjà des commissariats californiens : ces magiques logiciels prédisent ce que tout flic sait après six mois de patrouille dans un quartier "Ca ne nous a servi à rien, dit la porte-parole de la police de Palo Alto (Mecque High-Tech de la Silicon Valley). Ca n'a pas aidé à combattre le crime". 

Mirage plus que miracle : ce que clamait le criminologue signataire depuis l'origine de l'affaire. Pas seul : dans Le Monde du 27 juin 2015 le Blog Internet Actu titrait " "Police prédictive : la prédiction des banalités" - bon résumé de la chose.

Affaire conclue - une évidence dès le départ. Car le passé ne prédit jamais le futur. Si l'incertitude était modélisable - ce que suggérait l'esbroufe de la police prédictive, avoir la suite continue des billets gagnants d'une loterie ferait à coup sûr gagner le prochain gros lot...

Restait l'appât auquel ont si bien mordu des médias naïfs ou cyniques. Car ce que "leurs" articles appelaient prédiction n’était que du wishful thinking - vendu fort cher, du fait d’une intense campagne de relations publiques sur le thème "Grandiose Succès… Tout le monde en veut". 

Or campagne et articles avaient comme source la californienne société de com' FUSION et comme constant leitmotiv, le film Minority report, véritable marqueur de la campagne. Mais Minority Report, tiré d'une nouvelle de l'auteur de science-fiction californien Philip K. Dick, n’a rien à voir avec l’informatique, les algorithmes, la data, etc. : des extra-lucides en semi-vie (dans un liquide type amniotique, thème récurrent chez Dick), y ont des visions inconscientes-prédictives, qu’on exploite.

Cela, nul journaliste ayant repris l'histoire - d'usage, en copiant-collant le texte de FUSION - ne l'a bêtement vérifié. Nul n'a tiqué devant le fictif modèle. Pire, disent les experts de Silicon Valley, les start-up vendant les solutions de police prédictive seraient des faux-nez des Titans du Net, ou GAFA, aspirant des masses de données sur les villes clientes, leur sécurité et bien plus - non au profit de ces villes, mais au leur - bien sûr.

Enfin, un classique signe d'arnaque aurait quand même dû faire tiquer les gogos : les résultats obtenus étaient au crédit du logiciel de police prédictive - et si ledit logiciel échouait à "prédire" quoi que ce soit, c’était du fait de la balourdise de la police utilisatrice...

Ainsi, des années durant et jusqu'au lucide article du Los Angeles Times, des polices déjà accablées de travail furent victimes de vendeurs de nuées. //

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