"Le crépuscule des héritiers" de Denys Brunel : une réflexion décapante portée par une expérience des coulisses de nos grandes entreprises, sur le sujet sensible de "l’héritage"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Le crépuscule des héritiers Denys Brunel
Le crépuscule des héritiers Denys Brunel
©

Atlanti Culture

Denys Brunel a publié "Le crépuscule des héritiers" aux éditions Nouveau Monde.

Jean-Louis Chambon pour Culture-Tops

Jean-Louis Chambon pour Culture-Tops

Jean-Louis Chambon est président d'honneur et fondateur du Cercle Turgot. 

 

Voir la bio »

"Le crépuscule des héritiers" de Denys Brunel

Nouveau Monde - 203 p. - 19.90 €

Recommandation

ExcellentExcellent

Thème

Cet essai est d’abord le témoignage d’une vie de (haut) dirigeant de (grandes) entreprises. De cette carrière impressionnante, notamment au service d’entreprises familiales, et des coulisses de nos  grandes  entreprises, Denys Brunel tire des enseignements qui vont bien au-delà des problématiques spécifiques à ce type d’entreprise, notamment  la gouvernance et plus encore la délicate et prégnante question de la succession.

Il s’agit de rien moins que de cet obsédant sujet de société, celui de l’égalité et de la justice  sociale.

En  effet, comme le  rappelle l’auteur «les entreprises françaises demeurent régies par un pouvoir transmis de manière héréditaire et exclusive, en somme monarchique.»

Aussi s’interroge-t-il : « alors que l’héritage a été au cœur de la société  aristocratique, comment est -il possible qu’en République, l’idéal démocratique accepte que le mérite cède le pas, pour de très hautes fonctions, à la naissance ou au mariage ?» Mais la  France n’en est pas à une contradiction près, elle qui est pourtant connue pour son obsession de l’égalité ! Un fantasme, selon Michel de Rosen, qui la conduit vers l’égalitarisme que dénonçait si parfaitement Raymond Aron :  « l’égalitarisme cette doctrine qui s’efforce  vainement de contraindre la nature biologique et sociale et qui ne parvient pas à l’égalité mais à la tyrannie.. »

Ce sont ces contradictions que pointe l’auteur auxquelles s’ajoute  notre politique de redistribution centrée (par trop) sur les revenus, qui nous place en champion toutes catégories des prélèvements sociaux et du taux de dépenses publiques. Taxer exagérément les revenus handicape le travail, la réussite et ceux qui créent avec succès. L’acceptabilité à l’impôt devenue problématique, l’auteur considère que cette voie ne peut conduire qu’à l’échec. Aussi propose-t-il d’aller vers une solution de taxation forte des « gros héritages »  et la détaxation  simultanée de 95%  des héritages avec la baisse des impôts qui découragent la  réussite.

Cela permettrait une meilleure égalité des chances, en plus efficace, mais  aussi de régler les incertitudes croissantes qui pèsent sur l’entreprise familiale, car ce modèle interroge sur sa cohérence  avec une vision moderne de la société.

Points forts

En synthèse l’ auteur considère que l’héritage dans notre pays est source de trois maux : il crée l’injustice (même si l’opinion n’en fait pas sa cible prioritaire) ;  il fait courir le risque  d’une  gestion non optimale  à la tête d’une grande entreprise familiale ; et il écarte de facto des responsabilités toute une partie de la population.

Si l’auteur rejette un  retour de l’ISF  et les propositions de Thomas Piketty trop  confiscatoires (doux euphémisme), il préconise en  revanche à « iso-prélèvements » de baisser l’impôt sur le revenu ( difficile  de faire la moue !), de  dégager  des  ressources de la taxation des  gros héritages en  faveur des jeunes. Dans  ce même esprit, sont suggérées des pistes d’améliorations touchant à la réserve héréditaire, l’exonération large d’une augmentation des donations caritatives et aux petits- enfants ainsi qu’un pécule  de 60.000 euros pour les jeunes à partir de 25 ans … etc

Points faibles

On aurait aimé plus amples  développements et notamment sur les risques de   concurrence fiscale et de fuites de contribuables français en raison de la situation  paradoxale française : un taux d’impôt sur les successions déjà le plus élevé  d’Europe (quasi confiscatoire), avec  simultanément et systématiquement la volonté  de l’accroitre encore alors qu’une majorité de pays de l’ OCDE l’ont supprimé  ou le réduise.

En deux mots ...

Sur ce chemin que préconise Denys Brunel, on verrait demain la fin des héritiers mais l’émergence de l’héritage pour tous… et de ce fait, plus de justice sociale avec cette longue marche vers l’égalité réelle. Ce sont certainement des enjeux et un défi pour le monde de demain. Mais ce monde ne pourra ni se satisfaire d’encore plus d’assistanat ou se nourrir de simples symboles aussi contre productifs que la « chasse contre les riches» ou la suppression des dividendes.

Ces propositions très documentées, certes quelquefois disruptives, issues d’une réflexion de fond, restent frappées du sceau de l’expérience et du bon sens et évitent (c’est heureux) l’écueil du dogmatisme intellectuel et confiscatoire des théories collectivistes.

Un extrait

« Une augmentation progressive des taxes aboutirait à partir de 5 millions d’héritage global à une taxe de 60% puis 70% pour la tranche supérieure à 30 millions  et 80% au delà de 100 millions mais en dessous de 5 millions, la taxation serait abaissée à 35%.. »

L'auteur

Denys Brunel  ingénieur (Centrale Paris), docteur ès sciences économiques, ancien  maître  de conférences à Paris–Dauphine, ex -dirigeant de grands  groupes ( Perrier, Cofinoga, Nouvelles  Galeries  etc.). Il préside l’association SEST (santé au travail). On lui doit La TVA, invention française, l’aventure de Maurice Lauré (Eyrolles, 2012) et Logement le fiasco français (collectif, Eyrolles, 2016). 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !