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"Le Brio" : En visant haut, Yvan Attal a visé juste
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Bel hommage à la tolérance et à l'intégration, "Le Brio" est aussi, et peut-être surtout, un brillant et réjouissant hommage à la langue française.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA
LE BRIO

DE YVAN ATTAL

AVEC DANIEL AUTEUIL, CAMÉLIA JORDANA…

RECOMMANDATION

EXCELLENT

 THEME

 Jeune musulmane élevée  seule par sa mère célibataire à Créteil,  Neila Salah  (Camélia Jordana) a décidé de devenir, envers et contre tous, avocate. Mais pour son premier jour de cours à la faculté de droit d’Assas, elle arrive en retard. Ce qui lui vaut de se faire humilier publiquement par son professeur,  Pierre Mazard, un enseignant brillant, mais aussi, odieux et sectaire (Daniel Auteuil).

A la suite des réactions outrées de ses  étudiants, ce prof mal léché va être contraint par sa hiérarchie, sous peine d’exclusion, de prendre la jeune Neila sous son aile et de la préparer au concours d’éloquence.

Un prof connu pour ses provocations et une étudiante réfractaire à toute rentrée dans le rang  vont-ils réussir à s’entendre ?

Le dénouement est couru d’avance. Mais entre-temps, il y aura eu ce film, sur la tolérance, l’échange, la transmission du savoir et… l’éloge du langage.

POINTS FORTS

- Les sujets mêmes du film, l’intégration et la tolérance, qui  tarabustent et chamboulent tant notre époque. Le réalisateur Yvan Attal  dit que c’est cela qui lui a fait accepter ce projet dont, pourtant, il n’était pas à l’origine.

Pour le rendre plus  lisible  et plus percutant, le cinéaste a réécrit en partie le script, et ce faisant, il a  habilement déjoué les chaussetrappes de ce genre de sujets. Il ne donne aucune  leçon de morale, observe, avec neutralité et bienveillance, les deux « parties » (tenants de la tradition française et jeunesse progressiste issue de l’immigration) qui, ici, s’opposent ; et surtout, il se garde bien, de suggérer des solutions politiques pour faire tomber barrières et préjugés. Il ne brandit qu’un seul outil, le langage, et démontre que bien manié, cet outil est un moyen très efficace  pour rassembler et réconcilier des « frères  ennemis ». Mis à part en 2016, dans un (magnifique) documentaire intitulé  A voix haute et signé Stéphane de Freitas, on n’avait jamais vu, dans un film français, la langue et l’éloquence élevés, à ce point, au rang d’instruments d’égalité et de fraternité.

- Chic, grâce à ce film, on retrouve le Daniel Auteuil des très grands jours, dans un rôle à la hauteur de son immense talent. Présence, justesse, profondeur, phrasé, il habite tout entier ce personnage de prof arrogant, amené, malgré lui, à « baisser d’un ton » pour devenir le Pygmalion d’une jeune fille qu’au départ il méprise.

- Face à lui, tour à tour émouvante, électrique, ombrageuse, passionnée et rebelle dans son rôle d’étudiante venue de banlieue, Camélia Jordana est, elle aussi, ici, au sommet de son savoir faire… L’ancienne demi-finaliste de la Nouvelle Star (2009), qui se révèle meilleure actrice de film en film, pourrait obtenir, avec celui-là, une nomination pour les César.

POINTS FAIBLES

Deux petits regrets : le scénario, assez prévisible, n’évite pas quelques facilités et il escamote la finale du concours d’éloquence, dont on attendait qu’elle soit l’ « acmé rhétorique » du film.

EN DEUX  MOTS

Surprenant Yvan Attal ! On l’avait quitté sur une comédie à sketches  qui dénonçait, à traits parfois outrés, la résurgence de l’antisémitisme en France (Ils sont partout), on le retrouve dans ce que les américains appellent une « dramédie », qui raconte, en finesse et  avec humour, l’apprivoisement réciproque de deux personnes qu’à peu près tout oppose : l’âge, l’éducation, la religion, la culture. Ce changement de registre et de genre va bien au cinéaste. Non seulement son film est brillant et savoureux, mais il fait un bien fou, au cœur, à l’esprit et à… l’oreille. Ce n’est pas si souvent qu’on entend - sur grand écran - des dialogues d’une telle tenue, et dits, il faut le répéter, avec un tel talent. Attal-Auteuil-Jordana, un trio gagnant, pour un Brio tout publics.

UN EXTRAIT

«  En fait, je suis très proche de cette histoire : c’est un peu mon trajet en quelque sorte. Quand Camélia Jordana dit : « je suis Neïla  Salah, née à Créteil, fille de… » ça me renvoie à ma propre jeunesse, à la cité de Créteil où j’ai grandi et au fait que le théâtre m’a donné la chance de m’ouvrir au monde, par le travail et la connaissance des textes ». (Yvan Attal, réalisateur).

LE RÉALISATEUR

Né le 4 janvier 1965 à Tel-Aviv (Israël) de parents issus de la communauté des juifs séfarades d’Algérie, Yvan Attal a grandi à Créteil dans le Val de Marne. Pendant que ses parents travaillent, il passe ses après-midi au cinéma et en attrape le virus. A vingt ans, il entre au cours Florent et, trois ans plus tard, il débute au théâtre. En 1989, il tourne dans  Un Monde sanspitié  d’Eric Rochant, qui sera son premier succès cinématographique. Sa prestation lui vaudra, entre autres récompenses cette année là, le César du meilleur espoir masculin. En 1991, toujours sous la houlette d’Eric Rochant, il joue dans Aux Yeux du monde  et y rencontre sa future compagne et mère de ses trois enfants, Charlotte Gainsbourg.

Après plusieurs autres succès comme comédien de cinéma, il passe derrière la caméra. Court-métrage d’essai avec I got a woman, puis, en 2001,  premier long, Ma femme est une actrice , qu’il écrit, réalise et joue avec sa compagne.

Depuis, il n’a jamais cessé d’alterner le métier d’acteur (dont Munich  de Steven Spielberg) et celui de réalisateur. En 2004, il écrit, réalise et  joue Ilsse marièrent et eurent beaucoup d’enfants. En 2012, c’est   Do not disturb, le remake d’un film américain de Lynn Shelton. En 2016, c’est  Ils sont partout, un film corrosif sur la résurgence de l’antisémitisme en France.

 Le Brio  est le cinquième long métrage de ce cinéaste, qui fait parfois la voix française de Tom Cruise et qui, entre autres récompenses, reçut, en 1989 le premier Prix Michel Simon, qui, depuis, chaque année, distingue, un jeune acteur.

 ET AUSSI

 1 « THE BATTLE OF THE SEXES » 

de JONATHAN DAYTON et VALERIE FARIS.

Avec EMA STONE et STEVE CARELL.

Le tennis avait été absent des écrans. Il y arrive en force. Deux semaines après  l’excellent Borg/McEnroe, voici donc ce film, qui revient aussi sur l’un des matches les plus marquants de l’histoire de ce sport : celui qui opposa, pour la première fois sur un court, une femme, Billie Jean King,  féministe engagée, à un homme, Bobby Riggs, macho assumé. C’était en 1973.  

A l’issue de ce match exhibition inédit (incroyable Amérique  pour assurer des shows déments !) le tennis féminin allait être considéré « autrement » par les organisateurs de tournois… 

Aux manettes de ce film, lui aussi succulent, le tandem de  réalisateurs de LittleMiss Sunshine

Face à face sur le court, Emma Stone, méconnaissable sous une perruque brune, est Billie et l’impayable  Steve Carell, Bobby. Tous les deux  font la paire pour assurer le match!  

T"he Battle of the sexes" est spectaculaire, drôle et passionnant, même pour ceux qui se contrefichent du tennis.

 RECOMMANDATION: EXCELLENT

2 « ICE MOTHER » 

DE BOHDAN SLÁMA

avec ZUZÁNA KRONEROVÁ et PAVEL NOVY.

Hana, veuve sexagénaire, a une vie monotone, dont elle ne sort qu’à l’occasion des déjeuners hebdomadaires qu’elle organise pour ses deux fils (et leur petite famille), des repas qui se soldent souvent par d’homériques pugilats. Un jour, elle rencontre Brona, un ermite original, adepte des bains en eau glacée, et  qui vit dans une caravane avec des poules qui lui dictent leur loi. Hana va se transformer…

 Il est difficile de résister à cette histoire d’amour qui échappe à la convention. Elle est à la fois vraie, poignante,  savoureuse et burlesque (Ah les scènes avec les poules atteintes de neurasthénie !). On rit, on est émus aux larmes et on grelotte aussi avec ces personnages qui se plongent dans l’eau froide avec une apparente impassibilité. 

Les personnages ont la soixantaine ? Et alors ! Ils ont plus d’intrépidité, d’humour et de sentiments que s’ils en avaient vingt ! 

Cela pour dire que cet Ice Mother, où les enfants tiennent une belle place,  est un film intergénérationnel. 

Précisons que ses deux « amoureux »  sont portés par des acteurs aussi formidables qu’attachants.

 RECOMMANDATION: EXCELLENT

3 « MARVIN » 

D’ANNE FONTAINE

avec FINNEGAN OLDFIELD, JULES POIRIER, GREGORY GADEBOIS, CHARLES BERLING…

C’est l’histoire de Marvin, un jeune garçon efféminé qui va tout fuir (son village, si triste, des Vosges, sa famille, culturellement déshéritée, qui le rudoie, et  ses copains  d’école, machos bêtement méchants,  qui l’humilient), pour venir tenter sa chance à Paris. Chance qu’il saisira en devenant acteur, et en jouant la pièce de sa propre vie.

Inspiré très, très librement  d’ En finir avec Eddy Bellegueule , le best seller de l’écrivain Edouard Louis,  Marvin  est le récit, d’abord d’une humiliation, puis d’une libération, et enfin d’une rédemption. Autrement dit, le portrait d’un homme qui, rejeté dans son enfance à cause de sa « différence » va apprendre à l’assumer, et même à s’en servir pour, enfin, exister.  

C’est Anne Fontaine qui s’est attelée à ce portrait avec la subtilité qu’on lui connaît.

Autre  bon point, la cinéaste a su choisir ses interprètes. Jules Poirier, qui incarne le jeune Marvin, et Finnegan Oldfield, qui joue le Marvin adulte, crèvent, tous les deux, l’écran. Dans le rôle du père de Marvin, Grégory Gadebois, comme toujours, époustoufle. 

Tous ces atouts auraient dû  générer un film qui embarque. Mais quelque chose retient. Son Marvin semble « appliqué », comme si elle avait eu peur de son héros. Elle le filme consciencieusement, mais comme à distance. C’est au détriment de l’émotion.

 RECOMMANDATION: BON

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