"La Bohême" : Oui, oui, oui, pour la musique. Non, non, non, pour la mise en scène <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"La Bohême" : Oui, oui, oui, pour la musique. Non, non, non, pour la mise en scène
©

Atlanti-culture

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
Voir la bio »

OPERA

« LA BOHÈME »

DE GIACOMO PUCCINI

MISE EN SCENE: CLAUS GUTH

DIRECTION MUSICALE GUSTAVO DUDAMEL

INFO & RÉSERVATIONS

OPERA DE PARIS

PLACE DE LA BASTILLE
75012- PARIS

Réservations : 0892289090

www.operadeparis.fr

En alternance

Jusqu’au 31 décembre

RECOMMANDATION

BON

THEME

Inspiré du roman d’Henri Murger, Scènes de la vie de Bohème, composé en quatre tableaux, La Bohème de Puccini est un drame de la  misère, de l’amour et aussi de l’insouciance, qui  fut créé à Turin le 1er février 1896 sous la baguette  d’Arturo Toscanini.

Tout commence l’hiver de 1830 dans une mansarde parisienne, insalubre et glacée,  que se partagent quatre jeunes artistes fauchés. Ce soir là, après un diner d’autant plus joyeux qu’il était inespéré, les colocataires sortent, excepté le poète Rodolpho. Il est en plein travail lorsqu’on frappe à la porte. C‘est  la voisine, la cousette Mimi, qui vient quérir du feu pour sa bougie. Entre ces deux là, le coup de foudre est immédiat. Mais Mimi, malade et fatiguée, s’évanouit…

 Vont suivre trois tableaux. Au café, dans les rues, puis de nouveau dans leur galetas, on verra ces artistes essayer d’oublier leur impécuniosité avec les armes qui sont les leurs : l’insouciance, la jeunesse et le goût de la facétie.  Trop pauvre pour subvenir aux besoins de Mimi, Rodolpho se sent obligé de rompre avec elle. Elle reviendra pourtant mourir dans ses bras…

POINTS FORTS

- A sa création, à cause de son écriture très en avance pour son temps, La Bohème avait dérouté. Certains critiques n’avaient même pas donné cher de sa longévité. Le temps leur a donné tort. Il y a longtemps que cet opéra compte parmi les plus appréciés des scènes du monde entier. Beauté du son, harmonie, orchestration aussi, il est, musicalement, splendide. Il  touche d’autant plus qu’il est, théâtralement, irrésistible. Comment  rester insensible au drame de Mimi et de Rodolpho, et, en arrière plan, à celui de leurs compagnons d’infortune?

- Pour « embarquer » cet opéra dans  tous ses tourbillons et  ses somptueuses ornementations,  il faut un chef bouillonnant. C’est le cas de Gustavo Dudamel. Le  jeune chef vénézuélien dit que La Bohème tient une place spéciale dans son cœur. Cela s’entend. Sous sa baguette, l’œuvre se pare de couleurs inouïes. Seul bémol : il laisse par moments l’orchestre  s’emballer. Et c’est au détriment du chant,  celui des solistes (qui est alors trop « couvert »), et celui des chœurs (qui s’en trouve « décalé »).

- On regrette d’autant plus ces petits  problèmes d’ajustage que la distribution est  formidable. Le Rodolpho du ténor brésilien Atalla Ayan est léger, chaleureux et séduisant. Le Marcello du baryton polonais Artur Rucinski, puissant et affirmé. Le Schaunard du baryton italien Alessio Arduini, juste et ample; et le Colline de la basse italienne Roberto Tagliavini  (un des interprètes les plus applaudis), sombre et nostalgique.

En ce soir de seconde représentation, c’est  Nicole Car qui remplaçait  Sonia Yoncheva, souffrante. Face à la déception du public venu pour la soprano bulgare, la jeune chanteuse australienne s’en est admirablement bien tirée. Présence de plus en plus affirmée au cours de la représentation et voix bien projetée, dans les graves, comme dans les aigus.

La russe Aïda Garifullina compose une Musette  aussi superbe que sensuelle. Quel physique et quelle voix ! Cela se solde par une ovation.

POINTS FAIBLES

 Mais quelle mouche a piqué Claus  Guth ? Pour échapper à la  tradition des décors misérabilistes qui évoquent le Paris pavé et glacé du XIX siècle, le metteur en scène allemand  a transposé l’action dans une navette spatiale en perdition… 

Sur le plan formel, c’est sans doute très beau. Comme pari, c’est audacieux… Mais, mais… Ça ne marche pas. On comprend vaguement que Guth a voulu montrer que l’absence d’espoir et la perte de l’insouciance ne cesseront jamais d’être une constante de l’humanité,  et cela, jusque dans les sociétés les plus futuristes, mais pour que le message passe vraiment, il eût fallu que  le sens de la transposition soit, d’emblée, évident. Ce n’est pas le cas. 

On souffre pour les quatre chanteurs principaux, contraints de chanter dans des combinaisons spatiales, tout en faisant semblant de réparer leur habitacle. C’est très artificiel. 

Par moments, un bruitage nous fait entendre le bruit supposé de leur respiration sous leur scaphandre. C’est très désagréable. D’autant plus que cela parasite la partition de Puccini et ternit une partie de sa splendeur.

Evidemment, le public désapprouve. Ses manifestations de protestation nuisent à la concentration des chanteurs, si ce n’est à leur chant.

EN DEUX MOTS

Faut-il courir à cette Bohème programmée en alternance jusqu’à fin décembre  à l’Opéra Bastille ?

Oui, si on aime sangloter à l’Opéra, car il est impossible de garder les yeux secs devant ce drame de la jeunesse désargentée et cette tragédie d’un amour que la pauvreté va rendre impossible. 

Oui aussi, si on a envie d’assister aux (beaux) débuts de Gustavo Dudamel à l’Opéra de Paris. 

Oui encore, si on aime les soirées « mouvementées ». Car cette production provoque de beaux chahuts à chacune de ses représentations...

UN EXTRAIT

« La Bohème n’est pas la chronique d’un milieu, comme celle de Mürger, mais la représentation de la mémoire idéalisée. Puccini dut se nourrir de la nostalgie de sa propre vie de bohème, du temps où il était étudiant à Milan… Mais l’opéra dépasse le cadre autobiographique et vaut surtout comme évocation pure et simple de la jeunesse en elle-même et pour elle-même, c’est-à-dire l’heureux temps de la liberté totale, sans soucis et sans contraintes… » (Fedele d’Amico, Theatro Comunale de Florence).

LE COMPOSITEUR

Né le 22 décembre 1858 à  Lucques, issu d’une famille de musiciens, Giacomo Puccini, formé très jeune à la musique religieuse, fait ses études au Conservatoire de Milan. Orphelin de père, il tire le diable par la queue et doit gagner sa vie. Il commence par être organiste. Mais en 1876,  entendant Aïda,  il découvre sa vraie vocation : compositeur d’opéra. En 1883, un Capriccio Sinfonico , d’un style très personnel et novateur, lui vaut d’être remarqué. En 1884, c’est Le Villi . Le climat romantique de cette œuvre, allié à une originalité mélodique, lui vaut un succès tel que l’éditeur Ricordi décide de le prendre  sous son aile.

Débarrassé dès lors de tout souci financier, Giacomo Puccini n’arrêtera plus, ou presque. Il va composer notamment, en 1884, ManonLescaut, en 1896, La Bohême, en 1900, Tosca et en 1904, Madame Butterfly , toutes des œuvres d’un romantisme ardent.

Après six années de silence, il créera à New York, en 1910, La Fille du FarWest, plus audacieuse encore dans ses harmonies.  Trois ans après  La Rondine, achevée en 1917, il s’attelle à son monumental Turandot . Il ne l’achèvera pas : atteint d’un cancer de la gorge, ce compositeur génial, qui avait su trouver, comme personne auparavant, le parfait équilibre entre une écriture vocale très lyrique et un langage harmonique d’une grande richesse, décède à Bruxelles le 29 novembre 1924.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !