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"King Kong Théorie" de Virginie Despentes, adaptation de Valérie de Dietrich et Vanessa Larré : la pièce, aussi forte et intelligemment provocante que le livre
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Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THEATRE
King Kong Théorie
de Virginie Despentes
Adaptation de Valérie de Dietrich et Vanessa Larré
Mise en scène: Vanessa Larré
Avec Anne Azoulay, Marie Denarnaud et Valérie de Dietrich
INFORMATIONS
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin, 75018 Paris
Du mardi au samedi à 21 heures
Durée : 1h15
Réservations : 01 46 06 49 24
RECOMMANDATION
           EXCELLENT
THEME
La parole de Virginie Despentes questionne un enjeu de fond sur le rapport entre les hommes et les femmes dans notre société. Elle aborde le féminisme de manière provocatrice, subversive. On peut même parler d’un acte politique, militant. Pendant un peu plus d’une heure, les trois actrices, magnifiques, portent son message comme un étendard : que les femmes prennent leur place dans la société, en dépassant leur statut de victime des hommes.
POINTS FORTS
1/  La théorie de King Kong
Le livre, un essai paru en 2006, est très dense et son écriture pulsionnelle passe naturellement à la scène. Au centre du dispositif, Despentes file la métaphore d’un King Kong androgyne, symbole de la sexualité avant que la société n’impose la distinction des genres. Elle déconstruit ainsi la catégorisation binaire des identités masculine et féminine pour faire exploser les normes qui nous sont dictées.
Magnifiquement adapté, le texte met à nu les mécanismes de domination et de honte mis en place par les hommes pour assujettir les femmes. Le texte, écrit onze ans avant l’affaire Wenstein et le mouvement #metoo, est plus que jamais d’actualité.
2/  La mise en scène
C’est toujours un challenge de mettre en scène un texte écrit pour être lu. Découpée en trois partitions, c’est une seule et même parole qui s’exprime et au service de laquelle Vanessa Larré utilise très subtilement toutes les ressources que le théâtre met à sa disposition, sans artifice ni exagération. Les comédiennes évoluent librement dans une absence de décor, se changent au gré de leurs envies, se filment pour créer un focus ou un gros plan et créent immédiatement une proximité avec le spectateur.
3/  L’interprétation
L’adaptation permet d’extraire du livre une parole fluide que se partagent trois comédiennes qui échangent, et lancent même le dialogue avec le public pour recueillir leur expérience sur la masturbation féminine.
Cette configuration en trio donne une résonnance mythologique au message qui sonne comme un oracle. Le discours s’en trouve élargi, extrêmement vivant grâce à la performance de chaque comédienne. Tout en se fondant dans une parole collective, elles incarnent à tour de rôle une femme, unique autant qu’universelle.
4/  L’assistance
Quel plaisir de voir une salle remplie majoritairement de jeunes !
POINTS FAIBLES
La voie vers la liberté est passée pour Virginie Despentes par le porno, le punk, les squats, la prostitution, l’hôpital psychiatrique … le tout porté par une voix très crue. 
EN DEUX MOTS
Paru sous la forme d’un « essai autobiographique », King Kong Théorie se présentait comme un « manifeste pour un nouveau féminisme ». La pièce de théâtre trouve toute sa justification dans la genèse du texte. Loin de l’analyse d’un phénomène de société, la partition  de Virginie Despentes est avant tout la vision très intime et autobiographique de son auteur. Elle défend son point de vue sur l’autonomie des femmes, sur leur faculté d’être responsable d’elles-mêmes, de s’approprier leurs corps, d'investir leur vie.
UN EXTRAIT
« l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle ».
L’AUTEUR
Virginie Despentes écrit depuis 25 ans des livres fortement inspirés par sa vie. Elle a puisé dans ses traumatismes, et notamment le viol dont elle fut victime à 17 ans (épisode raconté dans la pièce), la matière d’une œuvre d’une vingtaine de romans, nouvelles et essais. Son écriture violente et fulgurante a longtemps rebuté les éditeurs avant de s’imposer auprès d’un public séduit par son côté « provoc » et sa description d’une société en plein malaise; une démarche fortement inspirée par la lecture de Charles Bukowski. Son audience s’est encore élargie après la publication, et le succès critique et commercial, de son dernier livre, Vernon Subutex (en trois tomes) qui marque un tournant vers une écriture pus apaisée. Elle a été élue à l’Académie Goncourt en 2016.

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