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"Internet et les réseaux sociaux : que dit la loi ?" : les jurisprudences concernant Google Suggest
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Bonnes feuilles

Cet ouvrage de référence vulgarise pour tout internaute le cadre juridique de la publication de contenus et de l'usage des services sur Internet : liberté d'expression, réseaux sociaux, droits d'auteur, licences Creative Commons, données personnelles... Extrait de "Internet et les réseaux sociaux : que dit la loi ?", de Fabrice Mattatia, publié aux éditions Eyrolles (2/2).

Fabrice  Mattatia

Fabrice Mattatia

Ancien conseiller de la secrétaire d'État au numérique, polytechnicien et docteur en droit, Fabrice Mattatia est expert en confiance numérique. Il intervient dans plusieurs universités, dont Paris I Panthéon Sorbonne et La Rochelle, et dans des grandes écoles comme Télécom ParisTech. Il est également l'auteur de nombreux articles de vulgarisation sur le droit et sur les technologies. Il a écrit Traitement des données personnelles et de Internet et les réseaux sociaux (éditions Eyrolles).

 

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Sur Google, lorsqu’un internaute saisit les premières lettres de sa recherche, la fonctionnalité Google Suggest lui propose une liste de requêtes possibles le dispensant d’avoir à taper le libellé complet de sa recherche. Certaines personnes voient ainsi accolés à leur nom des termes peu flatteurs et attaquent Google. C’est alors au tribunal de juger du caractère illicite ou non de la suggestion.

Dans une de ces affaires, cette fonctionnalité accolait au nom d’une personne le mot « secte ». La personne concernée, estimant qu’il s’agit d’une injure, a saisi la justice pour lui demander d’obliger Google à supprimer cette suggestion et de le condamner à 12 000 euros d’indemnité. Le 31 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que le mot « secte », s’il comportait certes une connotation péjorative et s’il pouvait être perçu comme infamant concernant une organisation, ne pouvait cependant constituer une injure selon la définition de la loi de 1881, relativement à une personne physique. Le demandeur a donc été débouté.

Dans un autre cas, Google Suggest accolait les mots « violeur », « prison » et « sataniste » au nom d’une personne. Celle-ci avait donc attaqué Google en diffamation et demandé la suppression des suggestions litigieuses. Le 19 février 2013, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel de Paris (14 décembre 2011), qui reconnaissait l’aspect diffamatoire de la suggestion, mais qui a accordé à Google l’excuse de la bonne foi, la suggestion résultant d’un algorithme sans que le directeur de la publication (en l’occurrence le directeur de Google) en soit conscient, et les liens suggérés par Google renvoyant à des articles publics relatifs à la condamnation du demandeur pour des faits de viol.

Le 12 juin 2013, le tribunal de grande instance de Paris a refusé une plainte contre Google Suggest sur la base de la loi Informatique et Libertés, au motif que Google Suggest ne constituait pas un « fichier » au sens de cette loi. Cette décision nous semble procéder d’une mauvaise interprétation de la loi ; en effet, Google Suggest n’est sans doute pas un « fichier », mais il constitue certainement un « traitement automatisé de données personnelles », ce qui relève bien de la loi Informatique et Libertés. En revanche, cette dernière n’étant applicable que pour les traitements effectués sur le territoire français, et Google Suggest étant basé en Californie, cela pouvait constituer une raison légale de ne pas appliquer la loi Informatique et Libertés à Google. Le tribunal pouvait donc estimer que Google Suggest n’était pas soumis à cette loi, mais il se trompait sur la cause : c’est la localisation géographique de Google qui justifierait cette exemption, et non le fait que Google Suggest ne soit pas un fichier (voir le chapitre 3 traitant des données personnelles).

Enfin, le 23 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que la loi de 1881 ne s’'appliquait pas à Google Suggest, car cette loi encadre la liberté d’expression, faculté humaine, et non les résultats délivrés automatiquement par un algorithme. En revanche, il a condamné Google sur la base de la responsabilité civile (articles 1382 et 1383 du Code civil) à verser 4 000 € de préjudice moral à une personne au nom de laquelle Google Suggest accolait les mots « escroc » et « secte » : Google est selon le tribunal responsable des dommages causés par son algorithme.

Twitter

Nous avons jusqu’ici considéré uniquement les publications de contenus sur Internet. Mais les mêmes règles s’appliquent sur Twitter.

Le tribunal de commerce de Paris a ainsi condamné le 26 juillet 2011 à 10 000 euros de dommages-intérêts le dirigeant d’une société qui avait dénigré les services d’un prestataire dont il était mécontent sur Twitter.

En 2013, la chaîne de restauration Quick a porté plainte pour diffamation contre un employé qui se plaignait dans des tweets de présumées mauvaises conditions de travail dans son établissement.

En mai 2014, la Fédération française de football et son sélectionneur ont porté plainte pour injure publique contre la compagne d’un joueur qui avait publié un tweet insultant à leur encontre.

QUESTION : Les retweets.

Lorsque l’on a un compte sur Twitter, on a la possibilité de « retweeter » un message, c’est-à-dire de faire suivre à ses abonnés un tweet qui nous a particulièrement plu ou marqué. Or ce tweet peut avoir un contenu illicite (diffamant, injurieux ou autre), que l’on répand sans obligatoirement s’en rendre compte, voire parfois pour montrer que l’on en est choqué. La question se pose, juridiquement, de savoir si le fait de retweeter équivaut à une nouvelle publication du contenu, et à une approbation de celui-ci ? Et le cas échéant, exposet- il aux mêmes sanctions que celles encourues par l’auteur du message initial ? Par prudence, il conviendra de bien réfléchir, non seulement avant de tweeter, mais également avant de retweeter !

Extrait de "Internet et les réseaux sociaux : que dit la loi ?", de Fabrice Mattatia, publié aux éditions Eyrolles, 2015 . Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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