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"Après la pluie" : le danger de décors trop intellectuels, froidement conceptualisés
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Atlanti-culture

Danielle Mathieu-Bouillon pour Culture-Tops

Danielle Mathieu-Bouillon pour Culture-Tops

Danielle Mathieu-Bouillon est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THEATRE

APRES LA PLUIE

de Sergi Belbel

Mise en scène : Lilo Baur

Avec Véronique Vella, Cécile Brune, Alexandre Pavlov, Clotilde de Bayser,

Nâzim Boudjenah, Sébastien Pouderoux, Anna Cervinka, Rebecca Marder

INFORMATIONS

Comédie-Française

Théâtre du Vieux-Colombier

21, rue du Vieux-Colombier Paris 6ème

Jusqu'au au 7 janvier 

20h30 du mercredi au samedi

19h les mardis 15h les dimanches

Réservation : 01 44 58 15 15  

www.comedie-francaise.fr

RECOMMANDATION 

A LA RIGUEUR 

LE THEME : 

L’action se déroule sur le toit terrasse d’une grande entreprise financière de 49 étages où il est strictement interdit de fumer sous peine de renvoi. L’interdiction frôle désormais la prohibition. Néanmoins, ils sont nombreux, toutes classes hiérarchiques confondues, a se croiser, voire communiquer, voire s’affronter, dans ce contexte cruel, rendu d’autant plus pesant qu’il n’a pas plu depuis deux ans. Dans cette canicule, certaines barrières tombent,  on passe de la confidence à l’injonction, des menaces aux désirs hallucinatoires et meurtriers, la jalousie voisine avec la mesquinerie. On n’a pas d’ami, on n’a que des complices fumeurs. 

C’est une pièce cruelle, mais qui peut être drôle, car les rivalités de pouvoir et de classes sociales sont intenses et colorées.

POINTS FORTS

1- La pièce écrite en 1993 est remarquable. Elle fut déjà montée en France au Théâtre de Poche-Montparnasse, par Marion Bierry. Elle obtint le Molière 1998 du meilleur spectacle comique du Théâtre privé. Sergi Belbel est indéniablement un auteur à fleur de peau, au vaste imaginaire, qui parvient à faire vivre une époque située dans un futur proche, insérant d’angoissantes chutes d’hélicoptères dans le quotidien des fumeurs subversifs d’une grande entreprise. 

Ces transgressions permettent de découvrir les grandes et petites misères de chacun, dissimulées derrière leurs fonctions respectives et démontrent bien qu’au sein d’un tel microcosme les haines peuvent se développer de manière fantasmatique ou réelle.

2- Les comédiens, tous talentueux, sont gênés par un décor qui leur laisse peu d’espace et les arrivées par un escaliers n’arrangent rien. Le trio des secrétaires manque de nuances ; on sent que leur metteur en scène, Lilo Baur, qui a plusieurs belles réussites à son actif, les a poussées vers la caricature. Il y a pourtant des personnages joliment écrits. Véronique Vella est la seule parmi les comédiennes à échapper à l’extraversion systématique ; elle est juste, sensible, crédible, même si sa perruque ne laisse pas voir suffisamment son visage.

3 - Sébastien Pouderoux aborde avec finesse et émotion son rôle de programmeur informatique dont la vie si bien commencée, finit tragiquement.

POINTS FAIBLES

1 – Le décor, omniprésent, très conceptuel, certes intéressant sur le papier, alourdit la pièce. Il est peu commode et réduit l’espace de jeu des comédiens. Etrangement le plateau, pourtant bien plus vaste, du Vieux-Colombier, paraît presque plus petit que n’était la scène du Poche, ce qui est un comble. Dans le décor de la création, il y avait une grande présence du ciel, qui semble essentielle en raison du titre même de l’œuvre. Remplacé par une perspective de buildings,  l’absence du ciel crée un manque et nuit à l’aspect poétique de l’ouvrage.

2 - La problématique du manque de pluie depuis deux ans, très anxiogène, disparaît très vite de la situation dramatique jouée, pour ne revenir qu’à la fin, dans la chute de quelques gouttes peu convaincantes.

EN DEUX MOTS

La pièce est intéressante, drôle et cruelle à la fois, mais la présentation dans ce décor amoindrit une grande partie de ses qualités. Il faut parfois se méfier d’un décor qui veut « raconter » la pièce avant qu’elle ne soit jouée. 

Dommage. Il y a là tant d’acteurs de talent rassemblés et de réels moyens. Quand on aime une pièce, il faut aussi lui faire un peu confiance...

UN EXTRAIT 

Secrétaire brune.– (à la Secrétaire châtain) Qu'est-ce que tu fais? À quoi penses-tu? Pourquoi est-ce que tu es si silencieuse ? Tu n'as pas le vertige, là ? Qu'est-ce que tu regardes? Secrétaire châtain.– Je regarde. Secrétaire brune.– Quoi? Secrétaire châtain.– Rien. La rue. Les gens. Secrétaire rousse.– Elle a une sacrée bonne vue, celle-là! Secrétaire châtain.– Il y a une femme immobile qui regardait quelqu'un depuis la fenêtre d'une maison. C'est une vieille maison, bizarre, toute petite. La femme regardait quelqu'un qui était dans la rue. Secrétaire rousse.– Ce que c’est intéressant! Secrétaire châtain.– Elle pleurait. Elle doit être très malheureuse. Sûrement par sa faute.

L’AUTEUR 

Sergi Belbel est né en 1963 en Catalogne. Il est auteur dramatique et écrit en catalan. Il a écrit une quinzaine de pièces dont « Morir » qui lui a valu le grand prix de littérature dramatique. En 1996 sa pièce « Après la pluie » est montée au Théâtre de Poche Montparnasse. Elle obtient le Molière du meilleur spectacle du Théâtre Privé 1997. Sergi Belbel dirige depuis 2005 le Théâtre National Catalan.

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