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De toutes nouvelles voitures Tesla sont positionnées sur un parking d'une salle d'exposition Tesla, le 27 juin 2022 à Corte Madera, en Californie.
De toutes nouvelles voitures Tesla sont positionnées sur un parking d'une salle d'exposition Tesla, le 27 juin 2022 à Corte Madera, en Californie.
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Atlantico Green

Les constructeurs automobiles Tesla, BYD et CATL tentent de concevoir un tout nouveau système de batteries pour les véhicules électriques. Ils souhaitent intégrer les piles à combustible directement dans le châssis des voitures pour rendre les trajets moins chers et permettre d'augmenter l'autonomie du véhicule.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Alors que le parc automobile de véhicules thermiques est voué à diminuer au profit des véhicules électriques au cours de la prochaine décennie, des constructeurs automobiles tels que Tesla ou encore les chinois BYD et CATL tentent de mettre au point un tout nouveau système de batteries. Quels sont les principaux inconvénients des véhicules électriques actuels ? 

Jean-Pierre Corniou : L'histoire automobile est celle d’un  conflit permanent entre les innovateurs et les industriels. Ce  sont les  industriels qui gagnent toujours car ils ont la responsabilité ultime de produire, en volume,  un engin capable de remplir ses missions  dans des environnements variés et d’être mis entre toutes les mains.  C’est parce que les industriels ont appris à remplir ce contrat de délivrer chaque jour en milliers d’exemplaires un produit fiable, prédictif, réparable et dans des conditions économiques acceptables par le marché que l’industrie automobile a connu un tel succès.  C’est pourquoi l’industrie automobile donne le sentiment d’être une industrie trop sage qui déteste être bousculée et se fige dans un conservatisme technique dont elle ne sort que de manière prudente et incrémentale au rythme des nouvelles générations de produits. Or la mutation à marche forcée qu’elle est sommée de vivre d’ici 2035, date cible de l’interdiction de la vente de voitures à moteur thermique, est à la fois un cauchemar et une formidable opportunité de se réinventer. Car si l’arrivée de la voiture électrique, dans les années 2010, n'a pas initialement radicalement changé la donne, les volumes étant encore faibles, sa généralisation annoncée ouvre un tout nouveau chapitre dans l’histoire automobile. 

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Lesidées poussées par Tesla et CATL ne concernent plus en effet la substitution d’un groupe motopropulseur thermique par un moteur électrique et des batteries, ce que les constructeurs ont appris à faire rapidement sans changer la structure du véhicule,mais visent une redéfinition complète de l‘architecture du véhicule. Il s’agirait de ne plus ajouter les batteries dans un châssis traditionnel mais d’intégrer les cellulesde batteries dans la structure elle-même. 

La fonction du châssis est essentielle dans le véhicule. Il supporte les organes moteurs, les sièges, et assure la liaison sol qui confère la stabilité et la dynamique à l’ensemble du véhicule en accueillant les roues et les suspensions. Le châssis est donc responsable de la rigidité de l’assemblage, de la dynamique du véhicule en transmettant la puissance au sol, de la stabilité de trajectoire et de la sécurité des occupants en cas de choc. 

Parce que c’est l’organe majeur du véhicule, son évolution a été très lente, ce qui impose un détour historique. L’automobile des années 1880 hérite des caractéristiques des véhicules hippomobiles- châssis bois, roues en bois de grand diamètre avec cerclage métal, suspension à lame, essieu avant directionnel -. Ce véhicule est privé des chevaux qui en assuraient la traction, remplacés par un moteur à explosion, à vapeur ou même électrique, placé à l’avant et transmettant le mouvement aux roues avant par une chaîne ou une courroie. Cette structure va doucement évoluer dans les années qui suivent, pour prendre, dans les années trente, la forme que l’on connait des berlines actuelles entièrement carrossées. L’ensemble châssis-moteur est dans un premier temps produit par les constructeurs pour être livré à un carrossier qui va l’habiller, en tôles ou en bois, en fonction des besoins du client. Le châssis reste en bois dans les voitures européennes de haut de gamme produites en petites séries. C’est la Ford T qui, en introduisant la grande série, consacre l’utilisation d’une structure métallique en 1909 et d’une rationalisation de la structure et de la présentation du véhicule. 

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Ce n’est que dans les années trente que l’on voit apparaitre en Italie, en 1922, avec la très innovante Lancia Lambda équipée d’une caisse autoporteuse en acier puis en France avec la Traction avant Citroën, l’innovation qui allait révolutionner la conception des voitures particulières, la caisse autoporteuse. C’est, en fait, un châssis en échelle que l’onfusionne avec la caisse emboutie en acier pour constituer une ensemble unique solidaire. 

La conception de l’architecture conventionnelle n’évoluera guère pendant des décennies, autour d’un modèle majoritaire de propulsion doté d’un moteur avant longitudinal, suivi de l’embrayage et dela boîte de vitesse, la puissance étant transmise aux roues arrière par un arbre de transmission. Il yaura par rapport à cette architecture consensuelle une évolution importante, le passage de la propulsion à la traction avant mieux appropriée aux petites voitures compactes de faible puissance.Les utilitaires conservent, pour des raisons de souplesse d’aménagement, le châssis traditionnel auquel on peut associer des formes très variées de carrosserie en fonction de la mission du véhicule. 

Les premières voitures électriques, comme Nissan Leaf, Chevrolet Volt ou Renault Zoé étaient des voitures conventionnelles électrifiées. Les concepteurs ont inséré le pack batteries, composant intégréfournie par le fabricant de batteries,dans le planchersans changer la conception d’ensemble. Ceci s’est traduit par un alourdissement du véhicule qui à sa structure acier d’origine sevoit ajouter les coquesmétalliques nécessaires à l’association des ensembles de cellules. Cette augmentation du poids par les batteries augmente le besoin d’énergie qui aujourd’hui ne être compensé que par… l’augmentation de la capacité des batteries. Ainsi la nouvelle Tesla S pèse 2166 kg dont 544 kg de batteries. 

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Pour remédier au problème de poids toujours plus élevé des véhicules, les concepteurs et ingénieurs automobiles tentent d’intégrer les batteries directement dans la structure des voitures. Comment cela est-il possible ? Quels seraient les avantages de ce système ?

Une voiture électrique est plus simple qu’une voiture thermique. Le moteur est compact, il n’y a plus de ligne d’échappement, plus de traitement des gaz d’échappement, plus de batterie de démarrage, plus d’arbre de transmission. Ceci dégage de la place mais modifie la répartition des masses soigneusement optimisées dans une voiture thermique au fil des expériences. En revancheil faut loger des 200 à 600 kg de batteries ! La forme des batteries a évolué en dix ans depuis les premiers modèles.Traditionnellement, les cellules sont assemblées dans des modules, et plusieurs modules dans un pack. Les fabricants de batteries ont fait évoluer leur offreavec l’approche CTP (Cell-to-Pack) pour supprimer l’étape module. BYD a augmenté ainsi la densité énergétique de ses packs de 50%. 

Les fabricants de batteries sont su augmenter la puissance fournie en optimisant l’organisation des cellules dans les packs. La densité énergétique s’est améliorée. Les dernières batteries fournies par CATL délivrent330 Wh par kilo, les batteries type 4680 de Tesla fournissent environ 300 Wh/kg contre 270 Wh/kgpour la première génération. 

La dernière évolution consiste àne plus dissocier la batterie du véhicule en faisant l’économie du caisson du module, en supprimant tous les éléments redondants, en exploitant les batteries comme élément de structure du véhicule et en répartissant les modules de façon optimale dans le châssis. C’est la solution CTC, Cell-to-Chassis, qui supprime les modules tes packs indépendants. 

Tesla s’engage dans cette voie ave sa solution de « « batteries structurelles. Tesla utilise une colle pour assembler les modules les uns avec les autres et avec les supports inférieur et supérieur, créant un ensemble rigide qui contribue à la rigidité du châssis. Cette solution réduit le poids de 10%, en supprimant 370 pièces, et le coût de la batterie de 7% par kilowatt-heure. Ces batteries ont une meilleure densité énergétique, pèsent moins et contribuent à l’agrément de conduite du véhicule. Elles représentent à court terme une évolution majeure du véhicule électrique. 

La prochaine étape est celle franchie par la société chinoise Leapmotor, fondée en 2015, dont le modèleLeapmotor-C01, sortie en 2022, exploite cette technologieCTC (Cell to Chassis) avec une batterie de 90 kWh dotée de 700 km d’autonomie. C’est le premier véhicule mondial qui n’utilise pas de pack de batteries, en intégrant toutes les cellules dans le châssis et augmentant ainsi le volume attribué aux batteries de 14,5%. Le constructeur s’engage à fournir cette technologie gratuitement dans un modèle d’open innovation. 

Peut-on vraiment s’attendre à voir de tels véhicules sur nos routes dans les années à venir ?

Sans aucun doute ! Les start-up chinoises s’y engagent, comme Tesla et les grands groupes suivront. Les batteries sont un domaine où l’innovation est très rapide et concerne aussi bien la chimie des anodes et cathodes, que la nature de l’électrolyte, solide ou liquide, et laforme etmode d’’assemblage des cellules.Les enjeux sont considérables pour les industriels car il faut équiper les 230 millions de véhicules électriques qu’il faudrait produire d’ici 2030 selon l’Agence internationale de l’énergie. Les constructeurs automobiles sont absolument désireux de bénéficier des batteries moins coûteuses et plus efficientes dans leur rapport poids/puissance comme de réduire le temps de recharge et l’autonomie. Il y a donc un intérêt majeur pour les fabricants de batteries, les leaders mondiauxcomme BYD, CATL, Panasonic ou LG Chemical et les nouveaux venus comme les européens Northvolt ou ACC de coopérer avec les constructeurs automobiles pour rapidement dissiper les interrogations des clients sur les performances du véhicule électrique. La bataille des batteries est désormais l’enjeu majeur de l’industrie. 

Il est donc clair que les nouveaux véhicules électriques vont bénéficier de ces multiples innovations technologiques, poussant l’industrie dans un cycle d’innovation accéléré dont bénéficieront les clients 

Ce système pourrait-il permettre de régler les problèmes des véhicules électriques ? A-t-il des inconvénients ? 

A vrai dire, les véhiculesélectriques n’ont guère de problèmes. Les volumes sont désormaisvisibles (entre 10 et 20% des marchés nationaux, 64,5% en Norvège en 2021) et plus de 450 modèles sont disponibles sur le marché mondial. Toutes les actionsde l’industrie sont guidées par un souci environnemental, en limitant l’impact de la production des batteries qui contribue pour l’essentiel aux émissions de CO2 du véhicule électrique,comme par le besoin de baisser les coûts des batteries qui représentent entre 30% et 40% du coût d’un véhicule électrique. L’objectif est de tomber à moins de 15% en 2030. Toutes les innovations doivent y contribuer. Le bénéfice environnemental est essentiel en même temps pour l’acceptabilité et pour la démocratisation du véhicule électrique.

Les inconvénients de cette technique CTC peuvent se situer dans la réparabilité des cellules en cas de choc ou de défaillance d’une cellule. Comme toute innovation automobile, elles doivent aussi faire leurs preuves en situation réelle d’utilisation et passer le cap de la grande série. Enfin, elles rendent l’utilisation de batteries difficile en fin de viedu véhicule, alors que reconditionner les modules dans des packs utilisés comme batteries stationnaires représentent une solution viable de réutilisation des batteries.

Ces évolutions représentent pour l’industrie automobile des défis considérables. Il faut en effet que le véhicule électrique réponde avec succès à ce qui permis le développement de l’industrie, c’est-à-dire la polyvalence d’usage dans des conditions variées. Il faut encore apprendre, tester, valider par l’expérience. Nouvelles pratiques, nouveaux réflexes, la voiture électrique s’installe dans le paysage et dans notre culture automobile. Ce n’était pas du tout évident en 2012 lors de l’introduction de Renault Zoé sur le marché. Cela ne fait qu’une décennie et les progrès ont déjà été très rapides. Dans dix ans, tout ceci sera vraisemblablement absorbé dans nos comportements, comme la voiture à moteur thermique a rapidement supplanté la traction hippomobile. 

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